Le lundi dernier, la Chambre criminelle de la Cour suprême a cassé l’arrêt n°371 du 6 juin 2023 accordant la liberté provisoire à Youssouf Bathily, ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim) et ses co-inculpés dans l’affaire du fonds Covid. Une cassation relative au pourvoi déposé par le procureur général de la Cour d’appel de Bamako. Le retour du dossier devant la Chambre d’accusation de la Cour d’appel est acté.
Le lundi 21 novembre 2023, la Chambre criminelle de la Cour suprême a suivi le procureur général de la Cour d’appel de Bamako dans son raisonnement : en cassant l’arrêt de mise en liberté des mis en cause Youssouf Bathily et ses co-inculpés. Cela crée de facto les conditions du retour du dossier devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako pour un autre jugement relatif à leur relaxe.
Le procureur général de la Cour d’appel de Bamako a motivé son pourvoi contre ledit arrêt en jugeant faible le montant de la caution fixée à 270 millions F CFA par la même Cour. Il a en outre estimé que la libération de Youssouf Bathily et autres le 6 juin dernier, troublerait l’ordre public.
L’arrêt n°371 du 6 juin 2023 de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako accordait la liberté provisoire à Youssouf Bathily, Mamadou Baba Sylla (1er vice-président de la Ccim), Cheick Oumar Camara (secrétaire général), Lamine Sacko (comptable) et Alpha Kolly Guindo. Tous placés sous mandat de dépôt en novembre 2022 par le Pôle économique et financier.
Ils ont été inculpés pour “atteinte aux biens publics et délit de favoritisme” dans le programme appelé “Un Malien, un masque”, ayant donné lieu à l’achat de 21 millions de masques anti-Covid d’une valeur de 10 942 500 000 de F CFA. Ce marché a été donné en extrême urgence par le ministère de l’Economie et des Finances à la Ccim par l’entremise du ministère de l’Industrie et du Commerce.
L’audit du dossier a été commandité par le bureau du Végal. Celui-ci a jugé que la procédure était entachée d’irrégularités, notamment le non-paiement des droits d’enregistrement et de taxes connexes aux impôts estimés à 378 millions de F CFA et l’absence de contrat.
Dans une autre affaire de présumée corruption, relative cette fois-ci à l’achat de l’avion présidentiel et d’équipement militaire d’un coût de 69 milliards de F CFA, le procureur de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako avait fixé le montant de la caution de mise en liberté des principaux inculpés à 500 millions de F CFA. Ce montant équivaut selon des calculs, à 0,75 % du montant total, c’est-à-dire les 69 milliards CFA.
Un des accusés en la personne du directeur de cabinet d’IBK et ancien ministre Mahamadou Camara a payé les 500 millions CFA demandés pour recouvrer la liberté. Par contre, sa co-accusée, Mme Bouaré Fily Sissoko, qui n’a pas été en mesure de s’acquitter de la sienne pour, selon elle, des questions de moyens, reste en prison.
Dans le cas de Youssouf Bathily et autres, la caution de 270 millions de F CFA fixée par la même Chambre d’accusation représente 2,75 % des 10,9 milliards de F CFA du montant principal. A ce niveau, la liberté provisoire pose problème. Ce qui laisse apparaître pas mal de questionnements, quand on sait que ce sont des affaires de même nature (corruption) sauf que dans ce cas précis, le principal dénonciateur (le Végal), n’a jamais fait cas de détournement ou de corruption dans ce dossier pour lequel les coupables présumés sont en prison depuis un an.
Youssouf Bathily et ses co-accusés sont tous des responsables qui ont servi ce pays dans des moments critiques de son histoire, leurs personnes constituent une garantie suffisante de représentativité. Un élément important dont tient compte le droit positif malien.
Abdrahamane Dicko