Avec les derniers développements dans l’affaire de l’aéronef présidentiel et des équipements militaires, nous pouvons dire, sans risque de tromper, que la justice a finalement courbé l’échine face à la pression politique. En effet, dans son audience du mardi 21 avril dernier, la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Bamako a tranché définitivement la question lancinante sur le statut “rang de ministre” de l’ancien directeur de Cabinet du président de la République, Mahamadou Camara, en annulant le mandat de dépôt contre lui et en ordonnant sa remise en liberté.
C’est pour la deuxième fois que la justice s’est penchée sur la requête de remise en liberté de l’ancien directeur de cabinet du président de la République, Mahamadou Camara, inculpé et placé mandat de dépôt le 27 mars dernier par le Procureur du Pôle économique et financier de la Cour d’Appel de Bamako pour “complicité de favoritisme” suite à la réouverture du dossier qui avait pourtant été classé sans suite en 2018.
Notons que lors de la première audience, la justice avait balayé d’un revers de main l’argumentaire des avocats relatifs au statut de rang de ministre de leur client et ordonné ainsi son maintien en détention. Car, selon les conseils, ce statut de rang de ministre au moment des faits confère à leur client des couvertures juridiques d’un ministre à part entière. Ainsi, argumentent-ils, il ne peut et ne doit être poursuivi par un tribunal de droit commun. De leur analyse, la poursuite et la mise en accusation de leur client relèvent des seules prérogatives de l’Assemblée nationale à travers le vote des deux tiers et qui actionne la Haute Cour de justice pour la tenue du procès s’il y lieu.
Cependant, lors de son audience du mardi 21 avril 2020, deuxième du genre, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako a tranché définitivement cette question relative au statut de rang qui avait donné lieu à toutes sortes d’interprétations des spécialistes du droit car chacun l’analysait selon sa conception ou au gré de ses intérêts. Ainsi, elle a prononcé l’annulation des poursuites contre l’inculpé en ordonnant sa remise en liberté pure et simple. Qu’est-ce qui s’est passé entre les deux audiences ? Seul Dieu pourra répondre à cette question.
De sources judiciaires, seul compétent à se pourvoir en cassation par rapport à la décision de la Chambre d’accusation, le Parquet général a été silencieux comme une carpe. Avec cette position de non-opposition de ce dernier, tout s’est déroulé comme sur des roulettes. Ainsi décidé, ainsi fait parce qu’en absence de toute objection du parquet général, l’ordonnance de remise en liberté a été délivrée et Mahamadou Camara est tranquillement rentré chez lui, dans l’après-midi du même mardi 21 avril.
Nous sommes en train d’aller vers un second classement du dossier de l’aéronef présidentiel et des équipements militaires où plusieurs dizaines de milliards de nos francs se sont volatilisés.
Boubacar PAÏTAO