Face à ses victimes, l’ex-chef de la « police islamique » de Gao nie avoir « coupé des mains »

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Confronté à ses anciennes victimes, l’ex-chef de la “police islamique” de Gao s’est défendu vendredi au cours de son procès d’avoir “coupé des mains” de voleurs dans cette ville du nord du Mali contrôlée par des jihadistes entre 2012 et 2013.

“Ce n’est pas moi. Ce sont des jihadistes mauritaniens, algériens et sahraoui qui coupaient les mains”, a affirmé Aliou Mahamar Touré.

Il répondait aux accusations des parties civiles qui ont défilé à la barre tout au long de la matinée pour la première audience de son procès vendredi devant une Cour d’assises de Bamako. Son procès est une première dans ce pays du Sahel où des groupes armés continuent à mener des attaques meurtrières.

Au moins huit de ses victimes présumées étaient présentes à l’audience, face à un jury composé de quatre civils, du président de la cour et de deux magistrats assesseurs.

“J’ai été arrêté parce qu’on m’a accusé de vol. Aliou et ses compagnons m’ont donné de la drogue avant de couper ma main droite”, a déclaré l’une d’elles.

“Les quatre enfants de mon grand frère ont été arrêtés par Aliou. Il n’a pas voulu les libérer, il a coupé lui-même leurs mains et pieds. Après il s’est promené avec les mains et les pieds”, a témoigné une habitante de Gao, alors que l’accusé gardait la tête baissée.

Accusé également d’avoir fouetté en public des femmes qui ne portaient pas le voile islamique, Aliou est poursuivi pour “atteinte à la sûreté de l’Etat, coups et blessures, détention illégale d’armes de guerre et association de malfaiteurs”. Il risque jusqu’à 20 ans de réclusion, selon une source judiciaire.

Le procès a démarré devant une salle comble. “Je suis très malade”, a dit l’accusé, qui a perdu de sa superbe et demandé une chaise pour s’assoir.

– Redouté par la population –

L’Association malienne de défense des droits de l’homme (AMDH) et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) se sont dites “inquiètes” que M. Touré ne soit pas poursuivi pour “crimes de guerre et torture”.

Originaire de Gao, M. Touré était un pilier du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), un des groupes jihadistes qui a occupé le nord du Mali en 2012.

Reconnaissable par sa grande taille et son véhicule pick-up qu’il conduisait lui-même, M. Touré, Malien le plus gradé dans les rangs des islamistes armés, était redouté par la population.

“Ici, c’est la charia (loi islamique) qu’il faut appliquer. C’est la loi de Dieu. Gao a quitté les mains de mécréants pour tomber dans les mains de Dieu. C’est au nom d’Allah que nous appliquons la charia”, déclarait-il à l’époque à l’AFP.

Aliou Mahamar Touré avait été arrêté en décembre 2013 par les forces maliennes.

– Mausolées de Tombouctou –

Le procès de Aliou Mahamar Touré débute au lendemain du jugement rendu par la Cour pénale internationale (CPI) déclarant un autre jihadiste malien, Ahmad al Faqi al Mahdi, coupable d’avoir provoqué pour 2,7 millions d’euros de dégâts en faisant détruire en 2012 des mausolées de la cité historique de Tombouctou (nord).

Ce Touareg né vers 1975 avait été condamné en septembre à neuf ans de prison à La Haye pour avoir “dirigé intentionnellement des attaques” contre la porte de la mosquée Sidi Yahia et neuf des mausolées de Tombouctou, classés au patrimoine mondial de l’humanité et détruits à coups de pioche, de houe et de burin.

En février 2016, la mythique cité a repris possession de ses sanctuaires, reconstruits à l’identique.

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda à la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion à dominante touareg, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.

Ces groupes en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire internationale, qui se poursuit actuellement.

A nouveau touché lundi par plusieurs attaques contre des camps de l’ONU, malgré un accord de paix signé en 2015, le Mali a réclamé devant le Conseil de sécurité une aide matérielle et financière pour contribuer à la création par cinq pays du Sahel d’une force militaire conjointe.

Cette force de quelque 5.000 hommes devrait être opérationnelle à l’automne mais son financement est encore loin d’être assuré.

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