Exécution des décisions de justice (difficultés)

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La première phrase de notre Constitution et son préambule parlent de : «Le peuple souverain du Mali, fort de ses traditions de lutte héroïque, engagé à rester fidèle aux idéaux des victimes de la répression et des martyrs tombés sur le champ d’honneur pour l’avènement d’un Etat de droit et de la démocratie pluraliste.»

Article 24 de la Constitution : «Tout citoyen, toute personne habitant le territoire malien a le devoir de respecter en toute circonstance la Constitution.» Donc l’Etat de droit est consacré par la constitution et les autres lois et règlements de la République.

Et qu’est-ce que l’Etat de droit ? L’Etat de droit est la primauté du droit, la soumission de tous au droit. Ainsi tout le monde est sujet de droit, y compris l’Etat lui-même, vous et moi. L’Etat de droit est garanti par les cours et tribunaux, qui disent le droit, à travers des jugements, rendus au nom du Peuple malien. D’où la Justice a un caractère public.

Quand parle-t-on d’exécution d’un jugement ?

C’est quand le jugement, après avoir été prononcé, acquiert l’autorité de «chose jugée». Lorsqu’il n’est plus possible de le contester par l’exercice des voies de recours. On dit que le jugement est exécutoire. Exceptionnellement dans des cas d’urgence ou pour des provisions, le juge rend des décisions exécutoires sans avoir l’autorité de chose jugée : ce sont des décisions provisoires ou immédiates.

L’obligation de se conformer à la chose jugée, qui pèse sur tout le monde (personnes publiques et privées) est une obligation générale et absolue. L’Etat même lorsqu’il n’est pas débiteur de la condamnation, doit fournir son concours à l’exécution des décisions de justice. Le droit à l’exécution des décisions de justice exécutoires et la possibilité de faire appel à la force publique reposent sur le principe constitutionnel de Séparation des pouvoirs puisqu’en refusant son concours, la représentation de l’Etat porte atteinte à l’exécution d’une décision émanant du pouvoir judiciaire. (Décision Cons. Constitutionnel Français du 29 juillet 1998, N°98-403 DC).

Les Huissiers sont chargés de l’exécution.

Le parquet veille à l’exécution des jugements et autres titres exécutoires. Il peut enjoindre aux huissiers de justice de son ressort de prêter leur Ministère. D’ailleurs avec la formule exécutoire, tout jugement devrait se suffire à lui-même. «En conséquence, la République du Mali mande et ordonne à tous Huissiers de justice de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique. Malgré tout, l’exécution du jugement peut être retardée ou entravée de différentes façons : par un sursis à l’exécution (suspend l’exécution  d’un jugement) ; par l’octroi d’un délai de grâce ; par un refus d’assistance de la force publique (le refus de l’Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation de préjudice) ; par l’exercice d’une voie de recours suspensive d’exécution.

Mais on n’est pas à l’abri d’entraves subjectives, sociales ou d’autres considérations non légales. En effet, il y a plus de problèmes quand l’inexécution des décisions de justice relève de la mauvaise foi. Pour preuve, je cite le cas du Conseil Economique Social et Culturel (CESC) : Le Syndicat Autonome de la Magistrature (SAM) a été irrégulièrement exclu du CESC, lors de la mise en place du bureau actuel, par le Gouvernement, à travers le Ministère chargé du Travail et de la Fonction Publique, en dépit d’une décision de justice définitive, devenue exécutoire depuis 2002, rendue par la section administrative de la Cour Suprême.

Pourtant, le Ministre concerné avait sollicité le SAM, quelques semaines avant la mise en place du bureau. Et le SAM a envoyé le nom de son représentant. Le contentieux de la réparation de préjudice est toujours pendant devant la Cour Suprême. Les articles 81 et 82 de la Constitution évoquent l’indépendance du pouvoir judiciaire des pouvoirs exécutif et législatif, définissent le pouvoir judiciaire comme gardien des libertés définies par la constitution, et clarifient que les Magistrats ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi.

Un citoyen, en principe, peut toujours être contraint d’observer l’exécution d’un jugement. À travers le monde, un État qui ne respecte pas ses engagements est traité d’État hors la loi, d’État voyou. On peut dire d’un État qui ne respecte pas sa propre Constitution, sa propre justice, d’un État coupable de déni de l’État de droit, de la démocratie. Et dans un tel déni, l’État cause sa propre perte.

Dramane DIARRA

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