Il importe aujourd’hui d’accorder à ce secteur, la même priorité que l’on a accordée à la Défense et à la sécurité pour une meilleure gouvernance judiciaire et remédier substantiellement à son mal-être. Cela passerait inévitablement par une loi de programmation, traduisant de manière concrète la priorité qui sied pour le renouveau de la justice dans tous ses aspects. Analyse !
« Le peuple malien a soif de justice », souligne-t-on le plus souvent, mais dans quelle dynamique celle-ci devrait se porter pour répondre aux attentes ? Il y a une constante sur l’état de la justice malienne et des défis auxquels elle est confrontée : permanence des critiques sur son organisation et son fonctionnement, inadaptation de l’offre, insuffisante et manque de crédibilité pour répondre à la demande des justiciables, grogne syndicale de plus en plus persistante à la recherche de meilleurs conditions de travail, problème de rapprochement de la justice aux justiciables, rentre autres. Des défis tous azimuts, cependant, embourbés dans une situation d’insuffisance criarde du budget alloué à la justice. Cela a un sérieux impact sur le fonctionnement du service public de la justice et son efficacité.
Avec son budget de moins de 1% du budget national, la justice peine à faire face aux défis même les plus élémentaires comme l’opérationnalisation de la nouvelle carte judiciaire, la formation continue des magistrats, la dotation des juridictions, l’organisation régulière des sessions d’assises. Il convient de ne pas sous-estimer le danger de ne pouvoir organiser convenablement des concours de recrutement pour renforcer le personnel magistrat. Tenez-bien ! Huit ans ce sont écoulés sans recrutement ce, malgré l’exigence de juridictions supplémentaires avec son corollaire la forte demande en personnel magistrat. Le secteur est-il le dernier souci des pouvoirs publics ?
Aujourd’hui, pour les acteurs de la justice eux-mêmes, les usagers potentiels ou en cours de procès, les investisseurs ou consommateurs, la formule est sans appel pour décrire une potentielle « paralysie judiciaire », si l’on ne prend garde. La difficulté du secteur est très profonde et complexe comme en témoigne les nombreuses initiatives du département et ses partenaires sur la réforme de la justice dont la plus importante a été le Programme d’urgence pour le renforcement du système judiciaire et de mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale (PU-RSJ-MOA–2015-2018), lancé en 2015 avec une incidence financière de 59,9 milliards de F CFA. Mais les défis demeurent constants et avec la même urgence.
Comment sortir donc de l’ornière?
Pourtant, la justice, bien que critiquée, est toujours considérée, comme un maillon essentiel et un passage obligé de la construction et du renforcement de l’État de droit. « Le dernier rempart pour les citoyens », reconnait-t-on. Elle a la lourde et délicatesse tâche d’assumer ses missions toujours plus nombreuses et stratégiques pour l’ancrage démocratique.
Ainsi, dans le souci de combler le décalage entre le service public de la justice et les attentes et habitudes de la population, il faut une thérapie de choc pour ce secteur, pour rendre réalité l’existence d’une justice viable, efficace, impartiale et favorable à la cohésion sociale.Pour ce faire, il importe donc d’accorder à ce secteur, la même priorité que l’on a accordée à la Défense et à la sécurité pour une meilleure gouvernance judiciaire et remédier substantiellement à son mal-être. Cela passerait inévitablement par une loi de programmation, traduisant de manière concrète la priorité qui sied pour le renouveau de la justice dans tous ses aspects.
L’exemple de la défense et de la sécurité de ces cinq dernière années est une bonne politique à s’inspirer et traduire en perspective pour la justice afin de pouvoir relever les défis auxquels le secteur et ses multiples acteurs sont confrontés.
Mais la question semble être posée au plus haut sommet de l’Etat et l’idée sera certainement traduite en projet concret si le premier magistrat voudrait bien aller au bout sa logiqued et accorder également une priorité au secteur de la justice. Selon des indiscrétions, le changement de fauteuil de l’actuel Grade des Sceaux de la Défense à la justice du très respectable commis de l’Etat, Monsieur Tienan Coulibaly est la motivation principale du chef de l’Etat d’en faire désormais de la justice l’une des priorités.
Daniel KOURIBA
Source : Le Renard