C’est la maison de la presse, temple de la liberté d’expression, qui a servi de cadre, vendredi, pour le tour premier point de presse animé par les avocats de Bouba Cissé et Mohamed Bathily, entre autres personnalités accusées dans le cadre de l’affaire dite de déstabilisation de la Transition. Il a été question, comme on peut s’en douter, de démanteler les uns après les autres les arguments sur la base desquels les personnes mises en cause ont écopé d’un mandat de dépôt, suite au réquisitoire introductif en date du 29 décembre du procureur en charge du dossier. Il faut dire que le document défraie la chronique depuis son apparition dans les réseaux sociaux et les avocats n’ont pas manqué d’en faire leur choux face aux confrères ayant pris d’assaut la Maison de la Presse pour pénétrer les détails de la poursuite de l’ancien PM Boubou Cissé et consorts pour complot contre le Gouvernement, atteinte à la sûreté de l’Etat, association de malfaiteurs, offense au chef de l’Etat, etc.
Sous la houlette du bâtonnier Me Kassoum Tapo, le collectif d’avocats constitué pour leur défense n’a pas boudé son plaisir de tourner en dérision et à la caricature certains indices retenus contre comme constitutifs d’infractions retenues contre les inculpés : introduction de viandes de sacrifice à la présidence de la République, obstacle aux visiteurs les plus bienveillants du président Bah N’Daw, consultation de marabout puissant, entre autres.
En plus de l’ancien Premier ministre et du célèbre chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath communément appelé Ras Bath, sont concernés le Dg adjoint de l’Agefeau, le Dg de PMU-Mali, ainsi que le Trésorier-Payeur et le Receveur général du Trésor. Pour chacun d’entre eux, les chefs d’inculpation seront battus en brèche par le conseil de défense conduit par Me Tapo. Au sujet du prévenu Ras Bath, par exemple, les avocats s’étonnent qu’une offense faite au chef de l’Etat à travers des émissions radiophoniques puisse tenir lieu d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Dès lors, les charges ne reposent selon eux que sur la simple volonté de mettre sous l’éteignoir de dérangeantes révélations susceptibles de faire obstacle à quelque projet politique.
C’est du moins la thèse défendue à la fois par Me Kassoum, chef d’orchestre du collectif des avocats, et son confrère du barreau malien, Me Abdramane Mamata Touré, lesquels se sont succédé pour démontrer tour à tour les motivations politiques que cache le déclenchement de la procédure. Pour le premier, en effet, la privation de liberté sur la base de soupçons ou de dénonciations peu désintéressées n’est vraisemblablement sous-tendu que par des manœuvres pour écarter certains du jeu politique. Toutes choses que révèle du reste, à ses yeux, l’allusion dans le réquisitoire introductif du parquet aux «intentions présidentielles» du principal accusé Dr Boubou Cissé. Les ennuis du Secrétaire général de la présidence ne sont guère étrangers aux mêmes motivations politiques, selon Me Touré, qui évoque une accusation basée sur de simples fantasmes d’un soutien secret supposé du Segal de la présidence aux ambitions présidentielles prêtées à son ancien collaborateur de l’Hotel des Finances. Sauf que pour chacun des deux avocats de la défense nourrir une intention présidentielle ne saurait être constitutive du chef d’accusation retenu contre leurs clients respectifs, à savoir : l’atteinte à la sûreté de l’Etat par la force et le complot contre le gouvernement.
- Par-delà le sort des inculpés et l’atteinte à la sûreté, une atteinte aux droits fondamentaux
Les avocats s’insurgent en définitive contre une grave injustice et exhortent à conjurer une grave menace d’atteinte aux droits et libertés individuel piétinés, selon eux, de façon scandaleuse et à des desseins inavoués.
Et pour cause : par-delà la situation des personnes mises en examen et incarcérées, sont en cause des droits et libertés garantis par la constitution ainsi que par des textes internationaux auxquels les autorités de la Transition ne peuvent soustraire, estime l’avocat français Me Ceccaldi. Et de relever au passage une intention manifeste de reléguer la Constitution du Mali au profit de l’acte fondamental muet sur certains droits constitutionnels. Parmi les droits qui pâtissent, soutient-il, figure notamment le celui des inculpés à l’assistance juridique et à un procès équitable que ne préfigure guère une procédure qu’il juge biaisée depuis les enquêtes préliminaires jusqu’à l’ouverture de l’information judiciaire. En atteste, selon lui, une violation de l’article 10 de la Loi fondamentale en vertu duquel «Nul ne peut être détenu pendant une durée supérieure à 48 heures que par une décision motivé d’un magistrat de l’ordre judiciaire». C’est au mépris de cette disposition, martèle-t-il, que les personnes inculpées ont été détenues 8 jours durant par la Sécurité d’Etat sans contact extérieur, avant d’être transférées à l’autorité judiciaire à qui «on a confié la tâche de les placer dans un établissement pénitentiaire». En clair, le confrère français de Me Tapo subodore également une instrumentalisation manifeste de la procédure et met en garde les magistrats, garants des droits et libertés individuels, contre les pièges de visées politiques qui leur sont dissimulées dans le dossier et qu’ils ne maîtrisent pas.
A KEÏTA