Dans le cadre de la procédure de passation d’un marché, l’entreprise OTER SA a été exclue par décision du Comité de règlement des différends de l’ARMDS du droit à concourir aux appels d’offres, seule ou en association, pour l’obtention de marchés publics ou de délégations de service public lancés au Mali, pour une durée d’un an à compter du 22 février 2024. Mais avant cela, le groupement OTER SA/ANTA CONSTRUCTION/HUBEI SANQI CONSTRUCTION ENGINEERING CO.LTD avait été déclaré attributaire provisoire dans le cadre de la procédure d’appels d’offres internationaux lancés par l’Office du Niger. Ainsi, par correspondances du 21 mars 2024 et du 3 avril 2024, le directeur général des marchés publics et des délégations de service public et le PDG de l’Office du Niger, respectivement, ont sollicité l’avis du Conseil de régulation sur l’application de la décision de sanction sur les marchés déjà attribués au groupement. La réponse du Conseil de régulation à la fin de l’article.
Le mercredi 22 mai 2024, le Conseil de régulation de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public a, au cours d’une séance présidée par son président Alassane Ba, délibéré et adopté un avis complexe à la double demande du directeur général des marchés publics et des délégations de service public et le président-directeur général de l’Office du Niger.
De quoi s’agit-il ?
Le groupement OTER SA/ANTA CONSTRUCTION/HUBEI SANQI CONSTRUCTION ENGINEERING CO.LTD a été déclaré attributaire provisoire dans le cadre de la procédure d’appels d’offres internationaux lancés par l’Office du Niger. Il s’agit de la réhabilitation du casier de N’Débougou V (lot 1) et du recalibrage du canal adducteur de Gruber. La KfW (bailleur de fonds) a donné son accord pour l’attribution de ces marchés audit groupement, comme en témoignent les correspondances du 24 novembre 2023 et du 24 janvier 2024.
Dans le cadre de la procédure de passation d’un autre marché, l’entreprise OTER SA a été exclue par décision n°2024-002/ARMDS-CRD-FD du 22 février 2024 du Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS) du droit à concourir aux appels d’offres, seule ou en association, pour l’obtention de marchés publics ou de délégations de service public lancés au Mali, pour une durée d’un an à compter du 22 février 2024.
Par leurs correspondances du 21 mars 2024 et du 3 avril 2024, le directeur général des marchés publics et des délégations de service public et le président-directeur général de l’Office du Niger ont sollicité l’avis du Conseil de régulation sur l’application de cette décision de sanction sur les marchés déjà attribués au groupement en demandant notamment de clarifier si ladite décision de sanction affecte la capacité du groupement à conclure les marchés déjà en cours d’approbation, ainsi que la date de prise d’effet de cette décision. Suivant lettre n°0146/2024/ARMDS du 9 mai 2024, l’ARMDS a transmis au Bureau de la KfW à Bamako une demande de précision concernant la procédure, avant d’émettre un avis.
Par lettre n°035/2024_KfW/Bko du 10 mai 2024, le directeur du Bureau KfW à Bamako a répondu à ladite demande.
Les requêtes sont recevables
Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la loi n°08-023 du 23 juillet 2008, modifiée, relative à l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public, celle-ci émet des avis, formule des propositions ou des recommandations concernant les politiques et les mesures législatives et réglementaires en matière de marchés publics et de délégations de service public.
Considérant qu’à cet effet, l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public peut être saisie par toute personne ayant qualité et intérêt pour avis sur l’application, la signification ou la portée de la règlementation et des procédures relatives à la passation des marchés publics et délégations de service public, ou des décisions relatives aux procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public.
Considérant qu’en la matière, une saisine de l’Autorité n’obéit à aucune condition de délai et de forme. Que par conséquent, il convient de déclarer recevables les requêtes de la direction générale des marchés publics et des délégations de service public et de l’Office du Niger.
Eviter les impacts négatifs sur les populations
Considérant qu’en février 2023, le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel-Mali (PARIIS-Mali) a lancé l’appel d’offres ouvert n°02/AON/2023/PARIS ML/IDA auquel l’entreprise OTER SA a soumissionné.
Considérant qu’à l’analyse des pièces versées au dossier de sa soumission, la société OTER SA a fourni une attestation de bonne exécution ainsi que des pages de garde et de signature d’un contrat déclarées non authentiques après vérification par l’autorité contractante, ce qui a entraîné une dénonciation devant la formation disciplinaire du Comité de règlement des différends (CRD) de l’ARMDS.
Considérant que lors de la séance d’audition du CRD du 25 janvier 2024, les faits reprochés à l’entreprise OTER SA ont été établis et formellement reconnus par ladite entreprise.
Considérant qu’à la suite de cette audition, OTER SA a été exclue par Décision n°2024- 002/ARMDS-CRD-FD du 2 février 2024 du droit à concourir aux appels d’offres, seule ou en association, pour l’obtention de marchés publics ou de délégations de service public lancés au Mali pour une période d’un (01) an à compter du 2 février 2024.
Considérant que bien avant cette décision, le Groupement OTER SA/ANTA CONSTRUCTION/HUBEI SANQI CONSTRUCTION ENGINEERING CO.LTD avait soumissionné pour l’obtention de marchés de réhabilitation du casier de N’Débougou V (lot 1 : ND1 à ND8) et du recalibrage du canal adducteur de Gruber lancé par l’Office du Niger et a été attributaire provisoire.
Considérant qu’à cet effet, après saisine de l’autorité contractante et de la DGMP-DSP, plusieurs éléments nécessitent une analyse approfondie pour déterminer si la décision de sanction du 2 févier 2024 s’applique au groupement OTER SA/ANTA CONSTRUCTION/HUBEI SANQI CONSTRUCTION ENGINEERING CO.LTD.
Considérant que lesdits projets sont essentiels pour répondre à des besoins urgents en matière d’irrigation ou d’approvisionnement en eau.
Considérant les impacts négatifs sur les parties prenantes impliquées, y compris les populations locales bénéficiaires de ces projets qui pourraient résulter de l’annulation de la procédure desdits marchés sur la base de l’exclusion de l’entreprise OTER SA.
Considérant que la sensibilité des marchés en question est un point crucial à considérer, dans la mesure où, toute interruption ou retard dans ces projets pourrait entraîner des conséquences néfastes sur les prévisions agricoles projetées par l’Office du Niger.
Préserver le crédit de l’Etat malien
Attendu qu’il est important de noter que la sanction de suspension ne concerne qu’une seule entreprise du groupement, en l’occurrence OTER SA et que les autres membres du groupement, à savoir ANTA CONSTRUCTION et HUBEI SANQI CONSTRUCTION ENGINEERING CO.LTD ont agi de bonne foi et ont respecté toutes les règles et exigences en vigueur lors de leur formation. Elles n’ont aucun lien avec les irrégularités commises par OTER SA et ne devraient donc pas être pénalisés pour des actions qui ne sont pas les leurs et n’étaient pas connues d’elles au moment de la constitution du groupement lorsqu’elles participaient à la procédure d’appel d’offres de l’Office du Niger. Qu’une telle décision pourrait porter atteinte à la réputation et à la crédibilité des entreprises membres du groupement qui n’ont commis aucune faute ; et que cela pourrait avoir des répercussions funestes sur leur capacité à participer à d’autres appels d’offres à l’avenir et à obtenir des contrats, compromettant ainsi leur viabilité commerciale et leur croissance.
Qu’à cet effet, il est important de souligner que le groupement a été formé dans le respect des règles et des exigences établies pour répondre aux besoins spécifiques des projets. Considérant qu’en outre, il convient de prendre en considération que la KfW, bailleur de fonds desdits projets, a déjà donné son avis de non-objection pour l’attribution des marchés au groupement et est informée de la situation de sanction de l’entreprise OTER SA.
Que tout retard ou annulation des contrats en raison de la suspension pourrait compromettre la confiance de la KfW dans la capacité de l’Etat malien à gérer efficacement les fonds alloués aux projets de développement, ce qui pourrait entraîner des répercussions sur le financement futur de projets similaires.Considérant par ailleurs, que la sanction infligée à la société OTER SA ne la rend pas automatiquement inéligible pour le financement de la KfW.
On poursuit la procédure
Considérant que la disposition du point 1.3.2 de la directive pour la passation de marchés de KfW Banque de développement stipule qu’“aucun contrat financé par la KfW ne sera attribué aux candidats/soumissionnaires (y compris tous les membres d’une joint-venture et les sous-traitants proposés ou engagés), qui, à la date de soumission de leur candidature/offre, pendant la procédure de soumission en cours ou à la date prévue pour l’attribution du marché : […] ont été condamnés par un jugement définitif ou une décision administrative définitive ou faisant l’objet de sanction (financières)…”
Considérant que l’attribution du marché se réfère à la signature juridiquement contraignante du contrat par l’Agence d’Exécution et le contractant, ou à la soumission d’une lettre d’acceptation formelle d’une offre/proposition par l’Agence d’exécution, suivant l’antériorité (c’est-à-dire en suivant un ordre chronologique préétabli).
Qu’à cet effet, l’attribution du marché au groupement a déjà eu lieu et ce, préalablement à la sanction prononcée contre OTER SA, un des membres du groupement.
Considérant qu’enfin, la reprise de la procédure d’attribution des marchés pourrait entraîner des coûts supplémentaires en termes de temps et de ressources pour l’Office du Niger, ainsi que des retards dans la mise en œuvre des projets voire un risque de perte du financement pour ces marchés.
Que dès lors, poursuivre la procédure, au stade actuel, permettrait de garantir les intérêts de l’Etat et des populations bénéficiaires en maximisant l’utilisation des ressources prévues pour le projet et en minimisant les éventuelles difficultés pouvant découler d’une annulation de la procédure.
Compte tenu de tout ce qui précède, le conseil de régulation émet l’avis qui suit :
Primo, il convient DE POURSUIVRE LA PROCÉDURE DES MARCHÉS EN QUESTION AFIN DE GARANTIR LES INTÉRÊTS DU GOUVERNEMENT DU MALI et des parties prenantes et de minimiser les perturbations potentielles.
Secundo, le secrétaire exécutif est chargé de notifier à la direction générale des marchés publics et des délégations de service public et à l’Office du Niger le présent avis qui sera publié.
El Hadj A.B. HAIDARA