Bakary Togola et ses 11 coaccusés sont à la barre de la Cour d’Assises spéciale depuis le 23 novembre 2021. En tant que principal accusé, Bakary Togola a trouvé comme moyen de défense d’enfoncer ses anciens collaborateurs et l’ex-Premier ministre Dr. Boubou Cissé sur l’accusation portant sur le détournement de 9,4 milliards de F CFA de ristournes coton.
Accusé de « corruption », de « détournement de deniers publics », Bakary a adopté comme stratégie de défense, de tout nier en bloc. Dans la journée du 23 novembre, le président de la Confédération des Sociétés coopératives des Producteurs de Coton (C-SCPC) et de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agricultures du Mali (Apcam) s’est défendu en disant avoir en sa possession toutes les pièces justificatives. Selon lui, ses pièces comptables n’ont malheureusement pas été prises en compte lors des enquêtes. En plus, le principal accusé retourne les accusations contre ses principaux collaborateurs ainsi que l’ex-Premier ministre, Dr. Boubou Cissé.
A la question du procureur Diakaridia Bagayogo, relative à l’utilisation des ristournes coton, M. Togola affirme : « J’ai été trahi par mes employés, mon coordinateur Raymond Dansoko qui n’est malheureusement plus de ce monde, n’a pas pu enregistrer nos opérations effectuées par mon comptable Fadjala Coulibaly. Celui-ci est sorti m’insulter pour une question de femme et surtout le Premier ministre Boubou Cissé. J’ai été convoqué par ce dernier pour me demander d’augmenter le prix de l’engrais de 11 000 F CFA à 19 000 F CFA le sac. Ce que j’ai refusé immédiatement car ça faisait seulement une semaine, que j’ai dit aux cultivateurs que le prix de l’engrais est de 11 000 F CFA. Revenir dire à ces mêmes paysans que les prix ont varié du jour au lendemain, vraiment ma noblesse ne me le permettait pas. Boubou Cissé m’a répondu par ces mots : si tu ne le fais pas, tu le verras. Et le lundi, je me retrouve avec des vérificateurs à mes trousses ».
A propos de la subvention de 13 milliards de F CFA accordée par la CMDT aux cotoncultivateurs appelée ristournes coton, le président de la C-SCPC se disculpe. « La CMDT ne m’a pas donné 13 milliards. Il manquait 1,500 milliard de F CFA. Ils les ont versés après mon arrestation. Nous sommes au nombre de 4 personnes qui peuvent faire le retrait. J’ai toutes mes preuves. J’ai donné les sommes dans toutes les fédérations régionales. Quand il s’agit de ma part, les dépenses sont là : les formations, les sensibilisations, les campagnes, et parfois les salaires des employés».
Après Bakary Togola, le président de la fédération de cultivateur de coton de Kita, Soloba Mady Keita est passé à la barre. « Ma fédération a reçu 314 millions de F CFA, justifiés à travers nos documents fournis. J’ai fait 11 mois de prison pour cette affaire, j’ai été mis aux arrêts par le juge d’instruction parce que mes documents n’étaient pas au complet. Certes les documents n’étaient pas au complet, j’avais les pièces justificatives de 74 millions de F CFA. Le reste était à Kita, c’est pourquoi j’ai envoyé mon comptable les chercher à Kita. A son retour, le juge n’en a plus voulu. Je ne suis pas au courant des détournements de Bakary Togola ». Face à ses explications, la Cour a répliqué en lui demandant pourquoi faire deux jours pour apporter une preuve aussi importante ? N’a-t-elle pas été falsifiée ? « J’ai été convoqué par le juge de venir avec les preuves. Sans intervalle d’année, j’ai amené les anciens papiers. Il me dit qu’il s’agit de ceux de 2013 à 2019. À ma venue, il n’en voulait plus et m’a mis aux arrêts. Nous avons toutes nos preuves», a affirmé M. Coulibaly.
« Il n’y a aucune complicité de ma part »
Dans la journée du 24 novembre, le trésorier général de la confédération, M’Piè Doumbia a donné à son tour ses explications. « Je suis trésorier depuis 2007, je fais des retraits pour les opérations. Il n’y a aucune complicité de ma part. Les retraits étaient surtout pour les formations, sensibilisations et campagnes. On enregistrait plus de 200 à 300 personnes à qui on payait 45 000 F CFA de perdiem ». Sur ses propos, le procureur Bagayogo a souligné que pendant les enquêtes préliminaires, M’piè a parfois dit qu’il faisait des retraits dont il ne connaissait pas la suite. Selon lui, Raymond et Fadjala (respectivement l’ex-Coordinateur et Responsable administratif et financier de la C-SCPC) ont pointé du doigt, le mauvais fonctionnement depuis 2012. « Je ne suis pas au courant de ce que vous dites », répond M’piè.
La Cour, pour éclairer sa lanterne, a fait appel au président de la fédération de Fana, Seydou Coulibaly. Selon ce dernier, ils ont bien reçu leur part et justifié les dépenses aussi. « On n’avait pas de comptable, c’est pourquoi le trésorier et moi assuraient cette fonction». La Cour a rétorqué que les dépenses ne couvrent pas la somme reçue.
La défense assurée par Mes. Togola, Cissé, Fofana et Maïga a déclaré ne pas être sur la même longueur d’onde que la Cour. Selon les avocats, les pièces fournies par la défense n’ont pas été prises en compte. Cette interpellation relative au manque de pièces justificatives a obligé la Cour à renvoyer l’audience à la journée du 25 novembre.
Durant cette journée, Diassé Coulibaly, trésorier de la fédération de Fana a été entendu. « Je ne suis pas complice de ces faits, depuis l’arrivée du comptable en 2017, il s’occupait des documents concernant les entrées et sorties. Vu que j’occupais cette fonction, j’ai gardé les anciens documents à Bamako avec moi », s’est justifié M. Coulibaly. A la suite de ses explications, la Cour a posé différentes questions à M. Coulibaly : Pourquoi garder les anciens documents à Bamako et non à Fana dans ton bureau ? Pourquoi garder les documents dans deux lieux différents ? Pourquoi ne pas faire la passation des documents au comptable ? Des questions qui n’ont pas eu de réponses de la part du trésorier qui a fini par s’excuser.
Drissa Traoré, président de la fédération de Sikasso, est venu à son tour à la barre. « J’ai reçu les 94 000 000 F CFA qui ont été dépensés pour la cause. Vu que je suis toujours au champ, c’est le coordinateur et le comptable qui gardent les documents. Après mon interpellation, j’ai demandé au comptable de venir avec les pièces justificatives, mais malheureusement, il avait perdu les dossiers. Après avoir retrouvé les documents, qui se trouvaient dans son armoire, l’enquête était déjà clôturée en ce moment. J’étais sous mandat de dépôt », plaide-t-il.
Le procès suit son cours. Les accusés continuent de défiler à la barre en attendant le tour des témoins.
Aboubacar Sidiki Diarra
(Stagiaire)