Le manque de personnel est criard dans toutes les juridictions maliennes. Le cas de la Cour d’appel de Bamako dépasse tout entendement.
Les longues années passées sans concours de recrutement tant de secrétaires de greffe que de magistrats est à l’origine de déficit de personnel à tous les niveaux des cours et tribunaux du Mali.
Si ce n’est les quelque trois dernières années où l’Etat, à travers le ministère de la Justice a fait du progrès, les sortants des écoles de droit tournaient les pouces à la maison ou tentaient leurs chances dans d’autres activités souvent loin de leur cursus universitaire.
Pendant ce temps, le personnel des cours et tribunaux est vieillissant. Pis, les postes de ceux qui faisaient valoir leurs droits à la retraite restaient vacants. Un magistrat ou un greffier prend dans ces conditions la place de trois, voire quatre de ses collègues.
A la Cour d’appel de Bamako, cette pénurie de greffiers et de magistrats (conseillers) se fait davantage sentir. Selon nos enquêtes, il n’y a à cette date que 8 greffiers alors qu’il en faut au moins 20 pour l’exécution correcte des tâches d’enregistrement des arrêts, de prise de note du déroulement des débats lors des procès, de rédaction et mise en forme des procès-verbaux de jugements, entre autres. Des agents indispensables dont l’absence ou l’insuffisance ralentit inéluctablement le fonctionnement normal des juridictions.
Pour ce qui est des magistrats, il y en a peu ou prou. Selon les mêmes investigations, la Cour d’appel de Bamako compte dans ses rangs 10 conseillers qui ont rang de magistrats. Pour un fonctionnement normal, il faut au moins 30 magistrats. Ces derniers sont tenus de naviguer entre les différentes chambres de la Cour d’appel (Chambre d’accusation, Chambres civiles et criminelles). A la fin des procès, ils rédigent les factums pour établir les plumitifs.
Leur travail est celui d’une guêpe maçonne. Cet insecte qui se forge à construire son nid afin d’y loger ses larves. Tout le travail final repose sur lui, en plus de sa tâche quotidienne de vider les affaires inscrites sous sa coupole.
Le poste du 1er vice-président reste vacant. Nommé à la Cour suprême où il a même prêté serment, la deuxième personnalité de la Cour d’appel de Bamako n’est pas encore remplacée à ce jour. Son intérim est assuré par un conseiller.
Certains magistrats s’entourent de jeunes
Pour évacuer les affaires courantes qui s’entassent depuis des mois, voire des années, certains magistrats de la Cour d’appel s’entourent de jeunes. Ce sont généralement des juristes de formation qui n’ont pas eu la chance d’accéder à la prestigieuse fonction de juge.
Rompus à la tâche grâce à l’expérience acquise au fil des années, ils sont des aide-mémoires des magistrats qu’ils aident dans la rédaction des factums, la recherche des dossiers et autres documents des justiciables. Le tribunal ne leur donne aucun kopeck en fin du mois. Leur rétribution vient de la poche du juge qui utilise leurs services. Ce phénomène n’est pas l’apanage de la seule Cour d’appel de Bamako. Tous les cours et tribunaux du pays fonctionnement grâce à l’appui louable de ces jeunes gens.
Que ce soit le problème d’agents au greffe ou de magistrats, le cas de la Cour d’appel de Bamako mérite réflexion. Et pour cause, en plus des six tribunaux du district de Bamako, cette même Cour couvre les juridictions de Koulikoro, Ségou et Sikasso. Ce qui explique toute la charge qui est la sienne dans la saine distribution de la justice.
Le salut viendra peut-être du redéploiement rapide en cours de magistrats. Toutefois, un projet de décret de mutation non daté circule depuis mercredi dernier sur les réseaux sociaux. Il semble, selon toute vraisemblance, que ledit projet de décret doit être entériné dans les 48 h qui suivent après son élaboration. Le dernier mot appartient au Conseil supérieur de la magistrature présidé par le président de la Transition Assimi Goïta, qui est en charger de la validation des décisions de mutation de magistrats.
S’il y a mutation en cours de magistrats, aucune information ne filtre pour le moment s’agissant des greffiers. Or greffiers et magistrats sont comme deux poumons d’un même corps. L’un ne peut fonctionner sans l’autre.
Abdrahamane Dicko