La crise de confiance entre les justiciables et le système judiciaire s’agrandit de manière exponentielle depuis quelques années. Les conséquences de cet état de fait sont perceptibles à plusieurs égards. Citons à titre exemple l’émergence d’une nouvelle forme de justice sociale, contraire au principe de présomption d’innocence, et la défiance des citoyens vis-à-vis de la chose publique et des institutions républicaines.
Les citoyens n’ont plus confiance au système judiciaire : ceci n’est qu’un secret de polichinelle. Cela s’explique tant par la nature du système judiciaire que par le comportement de certains magistrats. Un état de fait qui n’empêche pas la justice de fonctionner et de continuer, avec le plus souvent brio, à jouer son rôle de régulateur et de garante des libertés publiques et individuelles.
Le cas le plus récent en la matière est sans nul doute l’affaire relative à la construction illégale d’une station de services à Kalaban Coura Sud Extension. Un dossier dans lequel le tribunal de première instance de la commune V a fait preuve de professionnalisme et d’intégrité, malgré ses enjeux et tentations financiers.
Rappel des faits…
Après acquisition d’une parcelle à usage d’habitation dans le quartier de Kalaban Coura Extension Sud (1ère rue à droite et sur le goudron du 30 mètres tout juste après le rond point de Garantibougou en allant vers Baco Djicoroni et le centre des sapeurs pompiers), Monsieur Sadio Bathily, en violation du cahier de charge, décide d’y construire une station d’essence.
Se fondant sur une autorisation de la mairie, laquelle reposant elle-même sur des principes techniques et règlementaires, l’homme d’affaires se lance dans les travaux et sans autorisation préalable de construire des autorités compétentes en la matière. Interpellé par les habitants sur la vocation de ladite parcelle et les risques liés à la construction d’une station aux abords immédiats des concessions, l’homme d’affaires tente une conciliation avec les habitants. Après refus de ces derniers compte tenu des dangers liés au projet, l’homme se serait lancé dans une dynamique d’intimidation et de chantage des habitants avec l’appui de la police. C’était sans compter avec l’engagement des riverains qui iront jusqu’à saisir la justice, en plus de l’ensemble des autorités compétentes impliquées dans le dossier.
Et les autorités judiciaires du tribunal de première instance de la commune V, malgré les multiples tentatives d’intéressement de l’intéressé, se sont rangées du coté de la loi en disant le droit et rien que le droit. Droit en vertu duquel, le sieur Samba Bathily a été sommé de stopper tous travaux sous peine d’amende et de sanctions.
La leçon que l’on peut en tirer…
Reconnaissant la vocation d’habitation de la parcelle et les dangers susceptibles de causer une station d’essence pour les riverains, le tribunal a fait preuve de professionnalisme. Et ce au grand dam de l’intéressé qui s’était d’ores et déjà convaincu de ses aptitudes à se mettre au dessus de la loi ou faire plier toute autorité, quelle soit judiciaire ou politique, pour l’atteinte de ses objectifs.
Des décisions anodines et qui se font monnaie courante dans la plupart de nos tribunaux et cours, mais qui ont tendance à passer inaperçues au regard de la grande corruption à laquelle se livre une minorité de magistrats véreux et déloyaux. Et qui nécessitent d’être portées à la connaissance du grand public, comme pour dire que le système judiciaire n’est et ne saurait être l’apanage de l’injustice sociale et des abus de tout acabit.
L’on comprend également assez aisément, de ce qui résulte de cette attitude du tribunal de la commune V, qu’ils sont très nombreux les magistrats à faire correctement leur travail. Sans tomber dans la tentation, ni dans la compromission.
Les perspectives…
Si l’intéressé, malgré l’arrêt des travaux, croit dur comme fer qu’il dispose encore de biens de cartes pour réaliser son projet ; les habitants, eux, croient toujours en la même justice par le biais de laquelle leurs vies et celles de leurs ayant droits ont pu être préservées. Ils auraient également envoyé des lettres d’information à plusieurs sociétés de la place, dont Total, Shell et Orix, au cas où l’intéressé tenterait de se dessaisir du projet. En attendant la réaction de la Cour d’appel de Bamako, devant statuer en second ressort, il convient de rappeler que les travaux ont été bel et bien arrêtés sur le site.
Drissa KANTAO