Colloque international sur le rôle des juridictions constitutionnelles : La Cour Constitutionnelle du Mali préoccupée par la consolidation de l’Etat de droit dans la perspective d’une relecture de la Constitution de 1992

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Dans la perspective d’une relecture de la Constitution du Mali du 25 février 1992, la Cour Constitutionnelle, du haut de ses 22 ans, a organisé les 26 et 27 avril 2016 un Colloque international sur le thème : “Rôle des juridictions constitutionnelles dans la consolidation de l’Etat de droit”. Présidée par SEM Ibrahim Boubacar Keita, président de la République et garant de la Constitution, l’ouverture de ce colloque s’est déroulée en présence du Premier ministre Modibo Keita et du président de la Cour constitutionnelle, Mme Manassa Danioko. On notait aussi la présence des présidents des Institutions de la République, des membres du gouvernement, des anciens Premier ministres, des diplomates et des représentants de la famille judiciaire. Il y a avait aussi des professeurs émérites du droit constitutionnel venus des pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Niger et le Sénégal. A travers ce colloque, la Cour Constitutionnelle du Mali souhaite profiter de l’échange d’expériences pour relire la Constitution qui révèle, aux yeux des spécialistes, quelques insuffisances.

 

Faut-il le souligner, ce colloque international organisé à l’initiative de la Cour Constitutionnelle du Mali, a réuni pendant deux jours, d’éminents professeurs constitutionnalistes du Mali et leurs confrères d’autres pays africains. Ainsi, au cours de cette rencontre les spécialistes ont échangé sur le rôle du constitutionnaliste dans le respect de la Loi fondamentale d’un Etat avec, en toile de fond, le rôle de la Cour Constitutionnelle dans la stabilité de l’Etat. Et, les professeurs de l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB) ont été associés à cette initiative qui leur permettra de s’informer davantage sur les lois constitutionnelles, d’échanger sur les réformes politiques et de connaitre les conditions optimales nécessaires pour aider les juridictions constitutionnelles à jouer pleinement leur rôle.

 

S’informer davantage sur l’évolution du droit constitutionnel qui se fluctue, évolue et s’adapte à la faveur des temps et des exigences politiques

Ainsi, à l’ouverture des travaux, Mme Manassa Danioko, président de la Cour Constitutionnelle du Mali a, dans son intervention, indiqué que ce colloque fait  suite à la Table ronde d’échanges d’expériences organisée le 11 novembre 2015 par la Fondation Friedrich Ebert. Le Colloque a été une étape importante pour les membres de la Cour Constitutionnelle du Mali de s’informer davantage sur l’évolution du droit constitutionnel qui se fluctue, évolue et s’adapte à la faveur des temps et des exigences politiques. Le tout lié à la déstabilisation des Etats par les nouvelles formes de criminalité et d’atteinte à la souveraineté des Etats. Pour le président de la Cour Constitutionnelle du Mali, les recommandations de ce colloque permettront à long terme aux décisions rendues par les Cours et Tribunaux d’intégrer le milieu universitaire, les intéresser à l’interprétation et à la bonne lecture des jugements et arrêts des instances juridiques et judiciaires.  Elle a poursuivi que ce colloque permettra aux membres de la Cour de s’approprier du contenu du thème principale intitulé « Rôle des juridictions Constitutionnelles dans la consolidation de l’Etat de droit », et des sous-thèmes qui étaient: juge constitutionnel, protection des droits humains, Contrôle de constitutionnalité et les actes politiques de règlement des crises institutionnelles. A travers cette rencontre, il s’agissait d’échanger avec des experts maliens et africains du droit constitutionnel dans les domaines des réformes politiques et institutionnelles.

Pour Mme Manassa Danioko, ce colloque intervint dans une perspective de relecture de la Constitution adoptée en 1992 dans un contexte de crise politique. En effet, eu égard aux conditions périlleuses du 26 mars 1991, le Mali a dans sa Constitution opté pour la démocratie et le respect  des droits de l’Homme pour que le multipartisme soit, non seulement, un principe à valeur constitutionnelle mais aussi qu’il soit non révisable comme forme républicaine de l’Etat. «Par la suite, cette Constitution n’a pas manqué de révéler certaines insuffisances durant ces 20 dernières années, d‘où la nécessité de la relire» ajoute-elle. Après avoir fait l’historique de la naissance de son Institution, le président de  la Cour Constitutionnelle souligna que cette Cour n’a pas le pouvoir de s’autosaisir, malgré qu’elle soit juge de la constitutionnalité des lois, garante des droits fondamentaux de la personne humaine. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Il importe de souligner aussi que la Constitution malienne du 25 février 1992 ne fait allusion à aucune possibilité pour le citoyen d’en référer à cette Cour dans le cas où ses droits fondamentaux seraient violés ou ignorés, soit par des lois promulguées, soit à l’exercice de la puissance publique. Et, la sauvegarde desdits droits et libertés publiques ne peut être effective en l’état des dispositions organisant la saisine de la Cour Constitutionnelle, d’où la nécessité de sa relecture.  Elle souligna que «l’évolution actuelle des Constitutions dans les différents pays africains en rapport avec les exigences du temps notamment la prochaine relecture de la Constitution de 1992 d’une part et l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger d’autre part » ont motivé cette rencontre.

Par ailleurs, indiquera-t-elle, la crise internationale bouleverse les valeurs et repères. Il appartient aux Cours et Conseils Constitutionnels de faire le respect pour tous, les règles de droit en traitant au mieux les besoins juridiques des Peuples et des Etats. Selon Mme Manassa Danioko, les Cours et Conseils constitutionnels, accompagnés par les Nations Unies et les institutions internationales qui lui sont rattachées, peuvent contribuer à des évolutions qui sont déterminantes pour la paix dans le monde, pour la coopération et le développement.

«Nous attendons de ce Colloque une analyse objective, scientifique, du rôle de la juridiction constitutionnelle et à la suite le renforcement de son rôle dans le fonctionnement de la démocratie dès l’Instant que nous voulons une démocratie par le droit et la légalité comme règle de fonctionnement. A la faveur de la révision constitutionnelle envisagée par le gouvernement, la cour constitutionnelle souhaite récupérer toutes ses compétences à l’instar des autres cours et conseils de la sous région », a conclu Mme le président de la Cour Constitutionnelle.

Pour sa part, le Pr. Gérard Niyungeko, juge et ancien président de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a, dans sa leçon inaugurale, défini l’Etat de droit comme « un environnement où le droit s’impose à tous, y compris les gouvernants. La justice pour les gouvernés doit rester le socle d’une société qui aspire au bien-être». Pour lui, la Cour Constitutionnelle contribue fortement dans la consolidation de l’Etat de droit. Et pour que cela soit effectif, dit-il, «il faut non seulement la science et la conscience des membres de la Cour mais aussi et surtout un minimum de stabilité politique. La construction d’un Etat de droit est un combat de longue haleine et les gouvernants doivent jouer un rôle important » a-t-il déclaré.

Quant au Président de la République, il  a salué la pertinence de l’initiative d’organiser ce colloque international à un moment particulièrement délicat pour notre pays. Pour le Président Keita, notre pays se trouve à la croisée des chemins et cette situation doit être gérée dans le pur respect de la Constitution. Pour illustrer l’importance de l’égalité des citoyens devant la loi, le chef de l’Etat a évoqué le procès de Socrate lorsque le philosophe fut condamné par les sages d’Athènes pour corruption de la jeunesse. Après avoir rappelé sa responsabilité de garant de la Constitution, le président a assuré qu’il ne faillira pas à cette mission. Le chef de l’Etat a souhaité que les conclusions des spécialistes contribuent à enrichir le débat sur une révision constitutionnelle qui, du reste, est imposée par la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Dieudonné Tembely

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