Clôture de la 1re session spéciale de la Cour d’Assises : 48 des 51 affaires inscrites au rôle jugées : Près de 112 milliards F CFA de remboursement ordonnés

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Les rideaux sont tombés sur les travaux de la 1re session spéciale de la Cour d’assises dédiée aux crimes économiques et financiers. C’était au cours d’une cérémonie organisée, le mardi 15 octobre 2024, dans la salle d’audience de la Cour d’appel de Bamako, et présidée par le 1er président de la Cour d’appel de Bamako, Faradji Baba, en présence du procureur général près la Cour d’appel de Bamako, Hamadoun dit Balobo Guindo, du représentant du bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali, Assane Diop ainsi que plusieurs personnalités. Il ressort du réquisitoire de clôture du procureur général près la Cour d’appel de Bamako que 48 des 51 affaires inscrites au rôle ont été jugées.

Dans son réquisition de clôture, le procureur général près la Cour d’appel de Bamako a rappelé que la clôture des assises constitue, pour le parquet général, une occasion particulière de rendre grâce à Allah, le Tout-Puissant, le Tout Miséricordieux, qui nous a permis de voir ce jour solennel et désormais historique au regard des différents succès judiciaires engrangés contre les délinquants économiques et financiers en remerciant les plus hautes autorités de la Transition qui ont enclenché la dynamique irréversible de la refondation de l’Etat, en mettant un accent particulier sur le volet de la lutte contre la délinquance économique et financière. Et d’assurer que la justice jouera pleinement et entièrement sa partition dans la stabilisation du pays.

Il a aussi rappelé que la justice de proximité exige l’implication de tous les acteurs. C’est pourquoi, il a invité les officiers de police judiciaire (OPJ), les avocats, les huissiers-commissaires de justice, les experts judicaires, les notaires, les greffiers en chef, les greffiers, les secrétaires de greffes et de parquet à se rappeler constamment les devoirs de leur charge et à épouser les meilleures pratiques déontologiques pour le bonheur des justiciables

Selon lui, les résultats obtenus, lors de cette session d’assises, confirment la rigueur de la lutte implacable en cours contre la criminalité en particulier la délinquance économique et financière.

En effet, poursuivra-t-il, sur un total de 51 affaires inscrites au rôle et concernait 181 accusés, 18 cas d’atteinte aux biens publics, trois cas de blanchiment de capitaux et 30 cas relatifs aux infractions de faux, usage de faux, escroquerie et abus de confiance, la Cour a jugé 48 affaires et renvoyé trois autres à une prochaine session. Elle a ordonné un complément d’information en vue de la manifestation de la vérité dans l’affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires venu en rôle additif.

Onze condamnations à des réclusions à temps

Pour le procureur général, la Cour a prononcé 11 condamnations à des réclusions à temps ; 6 cas d’emprisonnement ferme ; 29 cas d’emprisonnement avec sursis ; 77 cas d’acquittement ; 30 cas de condamnation avec contumace.

Au titre des amendes, il dira que la Cour a prononcé au profit de l’Etat la condamnation des accusés au paiement de plus de 50 milliards de nos francs. Elle a aussi ordonné le remboursement de près de 112 milliards CFA.

Au titre des dommages et intérêts, la Cour a prononcé au profit des victimes le paiement de près 500 millions F CFA. “Au regard de ces statistiques, je note avec beaucoup de satisfaction et vous fait constater que la Cour a atteint plus de 94 % des objectifs. Ce résultat qui est le fruit des efforts conjugués de l’ensemble des acteurs de la chaine pénale est tout simplement satisfaisant. C’est pourquoi, je saisis cette occasion pour inviter chacun et tous à maintenir cette dynamique”, s’est réjoui le PG.

Quant au représentant du bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali, Me Alassane Diop a rappelé qu’aujourd’hui s’achève un long voyage de trois mois et 15 jours qui s’est déroulé comme un roman qui a tenu en haleine le Mali tout entier. “Trois mois où nous avions pris le temps de nous écouter – d’écouter nos attentes, nos craintes, nos objections parfois nos colères et nos regrets. Trois mois où nous avons débattu droit et fait débattre l’ensemble des accusés, des hommes et des femmes qui se sont battus de façon acharnée pour que leur honneur et leur dignité leur soient rendus.

Trois mois où nous nous sommes collectivement interrogés sur le vrai visage de la vérité, c’est quoi la vérité en définitive, c’est quoi la justice lorsqu’il s’agit de juger ses semblables”, a-t-il laissé entendre.

Il a saisi l’occasion pour apprécier la compétence technique de tous les avocats défenseurs qui ont plaidé l’innocence, magistrats experts et témoins qui se sont succédé dans cette salle au fil des dossiers et qui par la force de leurs arguments et des démonstrations apportés à la barre, ont permis aux populations de comprendre que ce qui se dit dans la rue, ce qui se raconte dans la presse et ce qui se juge à la cour sont différents et parfois diamétralement opposés.

Il a aussi félicité la Cour pour la qualité des décisions rendues qui découle forcément du respect des droits de la défense qui n’a nullement fait défaut pendant tout le long de cette session d’assises.

Mettre l’accent sur la communication et la mise à dispositions des pièces du dossier

Toutefois, il a soulevé quelques bémols en demandant de mettre un accent particulier sur la communication et la mise à dispositions lors des prochaines assises des pièces du dossier (tous les actes, les rapports d’expertises et contre-expertises, les documents comptables tels que prévus par les dispositions du code de procédure pénale) aux avocats et aux parties.

“C’est une obligation de transparence et d’équité : c’est le droit à un procès équitable garanti à tous les citoyens face à la machine judiciaire qui peut les broyer”, martèlera-t-il. Car, dira-t-il, le droit à un procès équitable est l’un des principes directeurs du procès pénal à travers le principe de l’égalité des armes des parties au procès.

Et de poursuivre que les droits de la défense, car selon lui, parfois même les professionnels du droit oublient que la notion du droit de la défense concerne aussi bien la partie civile qui poursuit en défendant ses intérêts que la personne poursuivie aux prises avec l’appareil judiciaire.

“Les droits de la défense s’appliquent donc à toutes les personnes que le Code de procédure pénale appelle les parties par opposition au ministère public qui ne doit pas être mis au-dessus des parties. Nous devrions avoir les mêmes armes, le même accès au dossier, la même copie du dossier. C’est le prix d’une justice équitable, vertueuse et respectueuse des droits de chacun. Les droits de la défense, ce n’est pas seulement, l’avocat pour l’accusé seulement, la partie civile aussi a un droit à sauvegarder. Elle a droit à un avocat parce qu’elle a aussi un intérêt et un honneur à préserver”, a fait remarquer Me Diop.

Pour sa part, le premier président de la Cour d’appel de Bamako a rappelé les différents dossiers qui constituaient le rôle de cette session spéciale de la Cour d’assises consacrée aux infractions d’atteinte aux biens publics, de soustraction de bien dans le secteur privé, de corruption, de faux et usage de faux, de favoritisme, de fractionnement de marchés publics, d’abus de biens sociaux.

A l’en croire, ladite session s’est très bien tenue. Car, les peines, à première vue, paraissent lourdes, certaines diront même très lourdes, traduisent la réponse de la société à des comportements déviants dont certains de ses membres ont fait montre au mépris de nos lois et de nos valeurs morales et sociétales. “Nous ne cessons de le rappeler : la délinquance économique et financière met en péril les finances de l’Etat en les privant des ressources nécessaires à la réussite des politiques publiques.

Les différents types de fraude et de corruption, les escroqueries financières et fiscales, les atteintes aux biens publics, et j’en passe, constituent une atteinte à la probité morale. Ce contentieux nécessite un traitement exemplaire”, préciser a-t-il.

Recours aux saisies conservatoires, un enjeu important

Pour le 1er président de la Cour d’appel de Bamako, dans les dossiers économiques et financiers, le recours aux saisies conservatoires représente un enjeu important parce qu’elles permettent de garantir les confiscations des biens par les juridictions de jugement et la réparation des préjudices financiers. Il a ajouté que les peines de confiscation revêtent un caractère particulièrement dissuasif pour les délinquants économiques et financiers disposant d’éléments de patrimoine pouvant être saisis et confisqués. Une telle peine constitue, en effet, un moyen de s’assurer que les agissements délictueux ne conduisent pas à un enrichissement des personnes condamnées qui leur resterait, de facto, acquis à l’issue des procédures pénales.

Il a saisi l’occasion pour exhorter les organes de poursuites et d’instruction en matière économique et financière à développer vigoureusement les saisies patrimoniales en faisant procéder, dès qu’elles sont juridiquement possibles, à la saisie des biens, quelle que soit leur nature, appartenant ou à la disposition des personnes impliquées.

Aux dires du 1er président, nonobstant les efforts fournis et les résultats obtenus, certaines difficultés ont émaillé le cours de la présente session, lesquelles ont eu pour conséquence le renvoi de certaines affaires, tantôt à une audience à l’intérieur de la session, tantôt à une prochaine session. Et de poursuivre que ces difficultés sont liées au non accomplissement ou à l’accomplissement irrégulier de certaines formalités que la loi de procédure pénale a qualifiées d’actes obligatoires et dont l’inobservation pourrait être sanctionnée par la nullité de toute la procédure ultérieure notamment la notification de l’arrêt de renvoi ; le transfert de l’accusé, du dossier et des pièces à conviction au lieu de la tenue des assises ; l’interrogatoire préalable de l’accusé par le président ; la signification des listes des témoins et des experts. Avant d’ajouter que ces diligences sont à accomplir pour tous les accusés, même pour ceux renvoyés pour de simples délits connexes.

Pour finir, il a attiré l’attention des magistrats instructeurs et du président de la Chambre d’accusation sur la nécessité de veillez à ce que les rapports d’expertise mentale soient versés aux dossiers.

                            Boubacar Païtao

 

 

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