Accusées d’atteinte aux biens publics au préjudice de la mairie de la Commune I du district de Bamako, Mme Maïga Fatoumata Soumaguélé et Mme Diarra Fatoumata Coulibaly étaient à la barre des assises le mercredi 14 août 2024. Reconnues non coupables, elles ont été acquittées.
A la barre, Mme Maïga Fatoumata Soumaguélé a indiqué qu’elle obéissait aux ordres du chef comptable. “Je faisais tout ce que le chef comptable me demandait de faire parce que c’est à lui que j’ai été confié lorsque j’ai été nommée”.
Un conseiller lui a demandé si elle prenait pour argent comptant tout ce que ce dernier lui disait ? Elle a répondu oui excepté pour les payements parce qu’elle exigeait les documents. En tant que régisseur, vous travailliez sur quelle basse, a poursuivi le conseiller. “Je faisais ce que le chef comptable me disait de faire”, a-t-elle répondu. Qui autorisait les dépenses, a continué le président. “C’est le maire”. Et le chef comptable ? “Il faisait les mandatements. J’étais seulement l’intermédiaire. On mettait les chèques en mon nom pour les différentes activités de la mairie. La régie n’a pas d’argent à son niveau tant que moi je ne reçois pas de mandatements”, a-t-elle expliqué.
Saviez-vous que le chef comptable faisait des fausses factures ? “Je ne le savais pas”. N’avez-vous pas reçu une fois de fausses factures ? “Il ne m’a jamais donné de fausses factures, sinon le contrôle financier allait les rejeter”, a-t-elle fait savoir.
Est-ce que le régisseur de dépenses doit payer un prestataire sans s’assurer que les travaux ont été exécutés, a encore demandé le président. “Je n’en sais rien. Je payais les prestataires sur l’ordre du chef comptable”. Mme Diarra Fatoumata Coulibaly était comptable-matières. Il lui est reproché le détournement de 34 millions de F CFA. Elle a indiqué ne rien connaître dans cette affaire, précisant qu’elle était simplement chargée de réceptionner le matériel. “On m’a nommé à un poste que je ne maîtrisais pas. J’étais secrétaire de 1990 à 2010, l’année à laquelle j’ai reçu cette nomination”, a-t-elle expliqué. Pourquoi avez-vous accepté cette nomination, a demandé le président ? “Je l’ai acceptée parce que le maire m’avait promis une formation et à ma grande surprise, j’ai reçu une formation de 15 jours seulement”. Pourquoi n’avoir pas demandé qu’on vous relève ou une démission tout simplement, a continué le président. “Je l’ai signalé, mais je n’ai pas été relevée” a-t-elle répondu. Vous avez préféré continuer pour faire ce qu’on vous demandait de faire, a demandé le président. Mme Diarra a répondu par l’affirmative.
Dans l’exercice de votre fonction, avez-vous reçu un faux bordereau, a demandé un conseiller. “Oui, le chef comptable m’a une fois amené un bordereau dont je doutais l’authenticité et on s’est disputé parce que je lui ai demandé d’aller sur le site pour vérification”, a-t-elle souligné. Le ministère public a indiqué que l’Etat et les partenaires techniques et financiers mettent des ressources à la disposition des collectivités pour leur bon fonctionnement. “Toute la problématique de cette affaire est liée au plafonnement d’encaissement et de dépenses. Les accusés ont chargé le chef comptable qui n’est plus malheureusement. Il y a un problème de formation également. Les accusés ont violé la Constitution en privant les citoyens de la libre égalité des chances. La mairie devait recruter les personnes compétentes pour ces postes”, a clarifié le parquet.
Il a ajouté que les accusés ont manqué à leur devoir parce que n’ayant pas procédé à une vérification avant d’apposer leur signature ou au payement quelconque. Pour terminer, il a demandé à la Cour de les maintenir dans les liens de l’accusation.
La défense de Mme Maïga Fatoumata Soumaguélé a soutenu que les irrégularités révélées par la mission sont d’ordre administratives. “Il n’y a aucune intention coupable liée à cette affaire. Ma cliente n’est associée ni de loin ni de près à cette affaire”, a-t-il plaidé.
Les manquements ou irrégularités n’ont jamais constitué d’infraction, dixit Me Tièssolo Konaré, avocat de Mme Diarra Fatoumata Coulibaly. “Ma cliente n’a jamais conclu de contrat ni attribué de marchés à fortiori par favoritisme”, a-t-il indiqué.
Après sept longues heures d’échanges, les accusés Mme Maïga Fatoumata Soumaguélé et Mme Diarra Fatoumata Coulibaly ont été déclarées non coupables par la Cour et acquittées des charges.
Les faits remontent à septembre 2014. Une mission du Contrôle général des services publics a procédé à la vérification de la gestion domaniale et foncière de la mairie de la Commune I du district de Bamako, pour les exercices 2012, 2013 à septembre 2014, en vue de s’assurer de leur régularité.
A l’issue de ladite vérification, de grosses irrégularités, voire des fraudes, ont été décelées dans la gestion domaniale et foncière de cette collectivité territoriale du district de Bamako, durant la période sous revue. C’est ainsi que sur instructions du procureur de la République chargé du Pôle économique et financier de Bamako, saisi de l’affaire, la Brigade économique et financière de Bamako, a procédé à une enquête préliminaire qui a abouti aux constats suivants : le non-respect du plafond d’encaissement de 2 000 000 F CFA autorisé et du plafond de paiement de 100 000 CFA autorisé ; l’irrégularité des achats portant sur des montants cumulés de 25 516 752 CFA au niveau de la régie et de 34 134 830 F CFA au niveau des approvisionnements courants ; la falsification des documents ou pièces fournies par la régie des dépenses et le chef comptable en vue de justifier les prestations ou travaux irrégulièrement exécutés voire fictifs et portant sur un montant cumulé de 22 916 776 F CFA ; le non-respect ou la violation des modes de passation de marchés publics et au seuil légal de passation de marchés publics et des délégations de service public portant sur un montant cumulé de 17 062 466 F CFA.
Au terme des investigations ci-dessus, le chef des services financiers et comptables, le régisseur des dépenses et le comptable-matières, respectivement nommés Yamadou Traoré, Mme Maïga Fatoumata Soumaguélé et Mme Diarra Fatoumata Coulibaly ont été interpellés, poursuivis et inculpés devant le magistrat instructeur pour les chefs d’infractions d’atteinte aux biens publics, de corruption et du délit de favoritisme.
Il y a eu une extinction de l’action publique à l’égard de Yamadou Traoré parce qu’il est décédé au cours de la procédure. Quant aux autres, tant à l’enquête préliminaire qu’à l’information elles ont systématiquement nié les faits qui leur sont reprochés.
Elles ont invoqué la méconnaissance des textes législatifs et réglementaires qui gouvernent la régie ou la comptabilité matière d’une part, et d’autre part, en leurs qualités respectives de régisseur des dépenses et de comptable-matières, elles ont déclaré n’avoir pas pris part à la chaîne de passation des marchés publics et des délégations de service public de la mairie de la Commune I du district de Bamako.
Marie Dembélé