Depuis le coup d’État d’août 2020, une dérive dictatoriale s’est installée Mali. Qu’elle est bien derrière nous l’ère du régime de Ibrahim Boubacar Keita, taxé de corrompu d’incapable même de fantoche, où tout était pourtant sujet à des concertations et à des compromis. Aujourd’hui la véhémente gestion clanique et unilatérale tenue d’une main de fer par un groupe de militaires visiblement allergiques aux critiques ainsi qu’à liberté d’expression, de précieux acquis démocratiques qui dépassent apparemment l’entendement du clan militaire qui contrôle actuellement l’appareil d’Etat. La preuve, en décembre 2020, les autorités militaires de la transition ont décrété des mesures restrictives contre la liberté d’expression et de la presse avec comme prétexte la nouvelle vague de la pandémie COVID 19. Comme si cela ne suffisait pas, dans la foulée, le jeune téméraire activiste, Mohamed Youssouf Bathilly alias Ras Bath, est interpellé à son domicile par deux individus. Accusé de faire outrage à la personne du président de Transition et à l’armée nationale, Ras Bath a été le premier nom d’une longue nomenclature de personnalités arrêtées par les agents de la sécurité d’état notamment : Vital Robert Diop directeur du pari mutuel urbain (PMU) du Mali, Souhaibou Coulibaly qui est à la tête de l’agence de gestion du fonds d’accès universel ( AGEFAU) , Mamadou Koné et Souleymane Kansaye deux hauts cadres du trésor public , Sekou Traore ex secrétaire général de la présidence sous IBK , Aguibou Tall responsable d’agence de télécommunication demi-frère de l’ancien premier ministre Boubou Cissé . Il leur est reproche de s’être associés à l’ex Premier ministre Boubou Cisse recherché par la justice pour avoir prétendument fomenté des troubles et attenté à la stabilité des organes de Transition par sabotage de ses initiatives. Des accusations difficiles à faire gober à l’imaginaire public, sachant que Boubou Cissé, relâchées depuis peu par la junte de sa captivité post coup d’état, est dans le viseur de la justice malienne pour l’affaire des onze personnes tuées par balles devant la mosquée de l’imam Dicko.
La question se pose : l’ex-premier ministre serait-il amnésique au point de faire fi du couperet qui plane sur sa tête pour s’attirer d’autres ennuis avec la justice ?
De sa cachette, Boubou affirme que ce qui se trame n’est autre qu’un nettoyage politique ou même un assassinat politique «son assassinat politique». Pour Me Kassoum Tapo, l’un de ses avocats, le dossier est vide. Le 16 février dernier Alou Nampé l’avocat général de la cour d’appel, estimant que la procédure est biaisée, prend la ferme décision de demander l’annulation des procédures et la levée des mandats de dépôt à l’encontre de Ras Bath ainsi que cinq de ses Co-inculpés placés en détention depuis fin décembre 2020. C’est là où la procédure judiciaire, qui avait le mérite d’énerver, tourne à la dérision avec la mutation inopinée des magistrats. L’ambiguïté de cette procédure judiciaire tient en haleine le monde des juristes maliens. L’ironie de l’histoire est que tout ce qui était reproché au régime d’IBK, contesté à juste titre, revient en catimini susciter la même indignation en outre : les arrestations illégales et abusives de la direction générale de la sécurité d’Etat (DGSE), les tentatives d’instrumentalisation de la justice, la gestion familiale du pouvoir laisse place à celle clanique de la junte, espérons que le reste ne suit pas.
Jeudi dernier, lors de sa comparution à l’émission «grand jury» sur la chaîne Renouveau l’expérimenté juriste Mohamed Ali Bathily, père biologique de Ras bath, a joué à l’équilibriste quand les journalistes l’ont invité à émettre son avis sur cette affaire dont son fils est l’un des principaux protagonistes. En revanche-t-il n’a pas hésité à pourfendre la junte quant à son modus operandi : « leur parachèvement est devenu un accaparement et c’est de la félonie ».
En tout cas cet accaparement n’augure rien de bon et c’est justement là où le bât blesse. IBK, le paria, est aujourd’hui supplée par une transition qui est loin d’apporter les résultats escomptés. Pire elle veut se frayer un chemin sans contrariétés ni embuscades pour l’élection présidentielle de 2022. Ce qui explique peut-être cette procédure judiciaire controversée qui semble être plutôt un dilatoire, et beaucoup d’autres tractations à plusieurs niveaux.
La junte dans sa démarche et sa logique singulière doit savoir qu’elle porte une couronne d’épines aux yeux d’une population dont le penchant insurrectionnel est en hibernation avant un réveil imminent.
Ousmane T Diakité, stagiaire