Arrestation de Me Hassane Barry : les éclairages de Me Mountaga Tall

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Au-delà de toutes les considérations politiques, corporatistes ou sécuritaires et des enquêtes à mener pour établir toutes les responsabilités, trois observations à ce stade s’imposent :

1-L’Etat de droit, c’est la soumission de l’Etat au droit quelles que soient les circonstances. C’est le respect du droit, la primauté de la Loi.

2-Le respect des droits de la Défense est une digue pour tous. Plus personne ne serait en sécurité si elle s’écroule. Cette exigence est plus forte s’il s’agit de la Défense de La Défense.

3-Les règles communautaires s’imposent aux pays membres. Le Mali doit respecter le Règlement de l’UEMOA relatif à l’harmonisation des règles de la profession d’Avocat dans la zone concernée.

En conclusion, en tant qu’avocat je suis solidaire de la Déclaration de l’Ordre des Avocats.

 

Maître Mamadou Camara, avocat à la Cour : «Ni les nécessités de la lutte contre le terrorisme, ni l’impératif de mettre fin à l’impunité ne peuvent légitimer l’interpellation et le placement en garde vue de Me Hassan Barry…»

Rien ne saurait justifier que l’on viole allègrement les règles procédurales instituées dans notre pays pour protéger le libre exercice du ministère de l’Avocat.

Ni les nécessités de la lutte contre le terrorisme, ni l’impératif de mettre fin à l’impunité ne peuvent légitimer l’interpellation et le placement en garde vue de Me Hassan Barry, dans le cadre d’une enquête terroriste et alors même que l’intéressé assure la défense de plusieurs personnes poursuivies pour terrorisme.

Il ne s’agit point de corporatisme : les mesures privatives de liberté prises contre cet avocat constituent non seulement une violation flagrante du règlement numéro 5 de l’UEMAO mais aussi et surtout une atteinte grave à l’Etat de droit que nous voulons bâtir au Mali.

Sans une protection effective de l’exercice professionnel de l’avocat, le respect des droits de la défense deviendra au mieux un principe vide de sens. Au pire, un leurre. Une telle issue peut et doit être évitée en ces temps agités où la demande de droit est plus forte que jamais face à une machine judiciaire et répressive donnant de plus en plus l’impression de tout broyer sur son chemin, y compris les libertés individuelles et les droits de la défense.

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Maître Cheick Oumar Konaré : «l’avocat est un médecin du droit»

L’une des bases de la procédure pénale est la présomption d’innocence. Elle signifie que toute personne poursuivie est réputée innocente jusqu’à ce qu’elle soit déclarée coupable et condamnée de manière définitive par les tribunaux compétents.  

Me Cheick Oumar Konaré, avocat à la Cour
Me Cheick Oumar Konaré, avocat à la Cour

Ce principe est, hélas !, ignoré ou violé par le grand public qui déclare d’office coupable toute personne poursuivie ou emprisonnée. Certains me demandent même pourquoi j’accepte de défendre tel ou tel inculpé ou accusé qui, à leurs yeux, ne peut être que coupable.

Or, les cas sont nombreux où des individus sont innocentés par la justice après avoir séjourné en prison. La justice, qu’elle soit américaine, française ou africaine, peut se tromper.

En outre, par sa science, l’avocat fait bénéficier son client des faveurs que la loi a prévues et que le client ignore. Ainsi, la loi prévoit des cas où les poursuites doivent être abandonnées même s’il existe des preuves claires contre la personne poursuivie : par exemple, en vertu de ce qu’on appelle “la prescription”, celui qui tue son prochain mais n’a pas été poursuivi pendant les 10 années suivantes ne peut plus l’être. Celui qui a volé mais n’a pas été poursuivi pendant les 3 années suivantes ne peut plus l’être. Dans ces cas, la loi sanctionne la négligence de ceux qui auraient dû poursuivre et protège la liberté du citoyen qui ne doit pas vivre éternellement sous la menace de poursuites.

La mission de l’avocat, en tant qu’auxiliaire de justice, est d’aider la vérité à triompher, et non de mentir ou de se rendre complice de son client. Comme un médecin, l’avocat est tenu d’une obligation de moyens et non de résultat.

En clair, il doit défendre son client avec loyauté, prudence et diligence, mais sans lui garantir une libération ou un acquittement. Exactement comme un médecin donne à son patient les bons médicaments sans lui garantir qu’il ne mourra pas.

Par ailleurs, autant le médecin soigne son patient sans lui reprocher ce qui l’a rendu malade (tabac, alcool, etc.), autant l’avocat défend son client sans le juger. Après tout, s’il n’y avait pas des malades et des accusés, y aurait-il des médecins et des avocats ?

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