Hier, mercredi 3 juillet 2019, le tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako a renvoyé au 10 juillet 2019 l’affaire concernant le député Karim Kéita, non moins fils du président de la République du Mali, aux journalistes Mamadou Diadié Sacko (Saxe), promoteur de la Radio Futurs Médias (RFM), et Adama Dramé, directeur de publication de l’Hebdomadaire «Le Sphinx» poursuivis pour «diffamation ». Ce renvoi s’explique par le fait que le tribunal était irrégulièrement constitué. Le parquet, qui requiert et qui soutient la plainte, était absent.
Le prétoire du tribunal de la commune III était plein à craquer, hier, dans la matinée. Et pour cause, l’affaire opposant le député Karim Kéita, non moins fils du président de la République du Mali, aux journalistes Mamadou Diadié Sacko (Saxe), promoteur de la Radio Futurs Médias (RFM), et Adama Dramé, directeur de publication de l’Hebdomadaire «Le Sphinx» poursuivis pour «diffamation» était inscrit au rôle. Les journalistes et sympathisants des journalistes Mamadou Dadie Sacko dit Saxe et Adama Dramé ont fait massivement le déplacement au tribunal de la commune III. Mais, à la grande surprise de tous, ladite affaire a été renvoyée au 10 juillet prochain pour cause d’absence du parquet. « Cette audience prévue depuis la semaine dernière, on l’avait renvoyé à cette date pour que les plaignants déposent la consignation fixée par le tribunal, c’était 100 000 FCFA. Ils ont payé les 100 000 FCFA, donc toutes les conditions étaient réunies pour que l’audience se tienne. Les avocats, le dossier, tout était prêt, sauf que le tribunal qui est venu nous dire que le procureur n’est pas disponible. Si le procureur n’est pas disponible, aucune audience correctionnelle ne peut se tenir, donc le tribunal ne peut pas siéger. Le tribunal a constaté que le procureur dit que lui, il ne peut pas monter, il ne nous a pas dit pourquoi ? Il ne nous pas donné les raisons. Donc, nous avocats, on se contente de constater que la formation n’est pas apte à juger puisque, c’est le procureur qui accuse, c’est le procureur qui doit démontrer la diffamation, l’infraction. C’est le procureur qui soutient l’accusation dans le droit, celui qui soutient l’accusation s’il est absent, qui va le faire à sa place ? Nous allons parler à qui ? Le président va juger quoi ? Puisque l’accusateur n’est pas là », a déclaré Me Mohamed Aly Bathily, avocat du journaliste Saxe. Pour lui, un procureur se doit être là où il accuse. « Le parquet, c’est le procureur et ses substituts, peu importe. Que Diawara vienne ou qu’il envoie son 1er, son 2ème son dernier substitut, ce n’est pas important. L’accusation, c’est un bloc », a-t-il dit. A ses dires, toute personne doit être jugée dans un délai raisonnable. A cet effet, il a invité le tribunal à respecter ses propres décisions de renvoi et à tenir audience à la date fixée. Selon Mohamed Aly Bathily, il y a plusieurs raisons qui peuvent commander le renvoi d’un dossier. « Ça peut être à l’intérieur même du parquet qui ne sont pas d’accord entre eux. Peut être que celui qui va monter va dire au procureur, moi je ne soutiens pas l’accusation. Par écrit, on dit que la plume est serve, la parole est libre. Par écrit, j’ai poursuivi Saxe dans les faits, en prenant la parole, je vais dire le contraire de ce que j’ai écrit, ça il en a le droit. Et le procureur peut te dire : à non, pas du tout, donc toi tu laisses le dossier, on le renvoi, quelqu’un d’autre le prend », a expliqué Me Bathily. Selon lui, cette affaire est une petite procédure. « N’eut été ma relation personnelle à Saxe que je connais, n’eut été qu’on a travaillé ensemble, il a été très disponible pour travailler avec moi, quelqu’un d’autre m’aurait demandé de venir dans une procédure comme ça, j’allais lui dire, c’est de la banalité, je ne vais pas perdre mon temps à ça », a-t-il conclu.
«Nous sommes vraiment surpris de l’absence du parquet »
Me Alassane Diop, avocat de la défense, abonde également dans le même sens. « Il y a eu un renvoi d’office à la demande du tribunal parce que tout simplement le tribunal est irrégulièrement constitué. Le Parquet, malheureusement ne s’est pas présenté ce matin à l’audience. Pourtant l’audience du 25 juin dernier a fait l’objet d’un renvoi contradictoire à l’égard de toutes les parties au 3 juillet. Donc, nous sommes vraiment surpris de l’absence du parquet ce matin à cette audience », a souligné Me Diop. A l’en croire, le parquet est bel et bien informé de cette audience, mais, Me Diop dit ne pas savoir les raisons pour lesquelles le parquet n’a pas comparu. Selon lui, à partir du moment où le tribunal est irrégulièrement constitué, l’audience ne peut pas se tenir. « C’est le parquet qui requiert et qui soutient la plainte. Si le parquet n’est pas là pour requérir au nom de la société l’audience ne peut pas se tenir. Donc c’est un renvoi obligatoire. Nous ne sommes pas satisfaits de ce renvoi parce qu’on s’était bien préparé pour ça. Les avocats ont fait le déplacement de l’étranger pour être là aujourd’hui, donc c’est vraiment une surprise désagréable. On est optimiste, on est serein et on attend la fin du procès »-t-il conclu.
Karim Kéïta, le « fiston national », comme aime l’appeler la presse nationale, a été plusieurs fois cité par des journaux maliens(Le PAYS, Le SPHINX) et un journal français (l’Express) dans l’affaire de la disparition mystérieuse, il y a de cela plus de quatre ans, du journaliste malien Birama Touré. En effet, Birama Touré, anciennement journaliste au journal Le Sphinx, a été déclaré disparu par sa famille depuis le vendredi 29 janvier 2016. A l’annonce de sa disparition les associations de presse, les journalistes, se sont mobilisés pour le retrouver. Malgré l’ouverture d’une enquête, qui avance à pas de tortue, et la mobilisation de ses confrères pour le retrouver, Birama Touré reste toujours sans nouvelle.
Aguibou Sogodogo