Le mouvement de débrayage de 72 heures, lancé par les magistrats du Syndicat autonome de la magistrature (SAM), a pris effet depuis hier. Le constat est que la grève a été largement observée par les magistrats, de quelque bord syndical qu’ils soient. Des bureaux fermés, des salles d’audience sans leurs occupants habituels, et des justiciables sans justiciers.
Joint au téléphone par nos soins, deux membres du SAM, notamment Boya Dembélé et Yaya Traoré, confirment que le mot d’ordre de grève a été largement observé à Bamako. Les justiciables qui se sont rendus aux Tribunaux de grande instance et dans les Cours sont retournés comme ils s’y sont rendus. Ils devront attendre jusqu’à lundi prochain pour tout service judiciaire. C’était une véritable paralysie du système.
Comment en est-on arrivé à ce stade ?
Suite à une conférence de presse tenue le mardi 26 juillet 2016 à la Maison de la Presse, les magistrats du SAM ont informé les professionnels des medias sur les tenants et aboutissants des points de revendication de leur cahier de doléances. A cette rencontre, le Président du SAM, Cheick Mohamed Cherif Koné, a rappelé que la négociation entamée suite au dépôt du préavis de grève du SAM a été un échec. Selon lui, le SAM et les négociateurs se sont trouvés en face des représentants du gouvernement de mauvaise foi, n’ayant aucune idée de l’indépendance du pouvoir judiciaire. A ce titre, il dira que le SAM constate que tout le jeu est fait pour affaiblir le pouvoir judiciaire. Il est impossible, dit-il, de discuter avec des gens qui n’ont aucune notion élémentaire. C’est ainsi qu’il précise que la négociation a été un échec dans la mesure où tout a été évoqué sauf la substance même du cahier de doléances. «Les indemnités de judicature, le relèvement de la grille salariale, l’intégration de certaines indemnités et primes aux salaires, le relèvement de la pension de retraite, les indemnités de logement et j’en passe étaient des points essentiels qui ont fait l’objet de désaccord», déplore l’orateur. Et ce qui est manifestement révélateur de la mauvaise foi du gouvernement, de son point de vue, c’est le désaccord sur, entre autres, le renforcement des mesures de sécurité des magistrats, le refus d’indemniser les magistrats victimes des dommages de la crise du nord, etc. Face à cette situation, Cheick Mohamed Cherif Koné demande à l’Etat le respect des normes internationales qui prévoient des minimales par rapport au traitement des magistrats.
Après la grève de 72 heures, Cheick Mohamed Cherif Koné dira que le SAM observera une pause pour observer. Et après, si rien ne bouge, le syndicat promet de passer à la vitesse supérieure en décrétant une grève d’une semaine. «Nous resterons vigilants et quoi qu’il en soit, nous avons de quoi leur faire mal. Nous avons les moyens juridiques nécessaires et le professionnalisme syndical nécessaire, sans oublier l’accompagnement de l’Union internationale des magistrats», prévient le Président du SAM. Avant de terminer, il a exprimé la solidarité du SAM envers des magistrats détenus en Turquie. Selon lui, des milliers de magistrats se trouvent privés de leur liberté, dans des conditions arbitraires. En outre, il précise que les magistrats qui sont en cause sont des dirigeants et des militants de la seule Association de magistrats en Turquie, laquelle se bat pour la démocratisation de ce pays.
Ibrahim M.GUEYE