Depuis son entrée en vigueur en 2002 comme institution judiciaire internationale devant juger tous les actes de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide afin de lutter contre l’impunité des pouvoirs autoritaires à travers le monde, la Cour Pénale Internationale (CPI) créée en 1998 semble ne plus incarner le droit pénal. Elle ne répondrait plus aux aspirations d’un grand nombre d’Etats qui y ont adhéré. Parmi les 34 pays africains signataires du système juridictionnel du Statut de Rome, nombreux sont ceux qui ne lui font plus confiance.
Lors du dernier sommet de l’UA à Kigali, même si l’unanimité n’a pas été faite pour adopter un retrait collectif des pays africains, il est évident que beaucoup de dirigeants du continent noir sont excédés par ce qu’ils considèrent comme un « acharnement constant de la CPI » envers leurs pairs. D’ailleurs, une réalité que les opinions nationales africaines partagent largement du fait de ses procédures en cours (ne visant quasiment que des africains), son organisation et de son fonctionnement désormais bien biaisés aux fins d’assouvir les diktats de certaines puissances, notamment des membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Des Etats qui constituent les principaux financiers de la CPI sans y être membres.
Très malignes, ces grandes puissances ont également pris le soin d’intégrer la CPI dans le Système des Nations-Unies afin de la réguler et la contrôler pleinement. Par conséquent, la Chine, l’Angleterre, la France, les Etats-Unis et la Russie ont la latitude d’influencer le Conseil de Sécurité de l’ONU pour traduire en justice n’importe quel dirigeant qu’ils désirent. C’est notamment le cas d’Omar El Béchir, le Président soudanais (dont le pays n’est pas signataire du Traité de Rome). « Les procédures en cours devant la CPI, qu’il s’agisse des affaires portées devant elle par des États parties, de celles déférées par le Conseil de sécurité de l’ONU ou encore de celles qui font suite à une saisine par le Procureur de la Cour de sa propre initiative, obéissent à un titre ou à un autre à des considérations politiques », ne s’est-il pas indigné le franco-sénégalais Albert Bougi, professeur des universités en droit public. Que doivent alors faire les états africains ? A partir du moment où il est aussi utopique de croire qu’actuellement nos Etats sont capables de distribuer une justice équitable pour tous les citoyens, il faudrait procéder raisonnablement à la création d’une juridiction pénale africaine.
Cela est bien possible et pourrait même constituer la seule alternative au système juridictionnel de Rome. Une juridiction internationale africaine spéciale est en train de juger l’ancien Président tchadien avec des ressources financières non africaines. Il faut donc profiter de cette expérience pour aller vers la concrétisation de la Cour Pénale Africaine (CPA). Mais cette fois-ci avec des ressources humaines et financières exclusivement africaines. Cette future cour de Justice africaine aura pour tâche de juger les différents crimes commis par des citoyens africains en territoire africain. Cela est vraiment une question de « souveraineté africaine ». Depuis 2014, l’UA a approuvé le Protocole de Malabo pour l’institutionnalisation de la CPA, qu’attendent donc les Etats africains pour sa concrétisation ?
Gaoussou M. Traoré