Aussi étonnante qu’elle puisse paraître, c’est la question que se posent de plus en plus d’observateurs de la scène politique. En effet, qu’ils soient journalistes, acteurs politiques, diplomates ou simples citoyens, ils sont de plus en plus nombreux nos compatriotes qui s’interrogent ouvertement sur l’avenir de celui qui fut le chef de l’ex-junte militaire ayant renversé un certain 22 mars 2012 le régime démocratiquement élu du Président ATT.
Mais comment en est-on arrivé là ? Qui aurait cru que le fringant tombeur d’ATT, quelques semaines seulement après avoir organisé des élections et la passation du pouvoir des autorités de la Transition au président nouvellement élu IBK, connaîtrait une telle descente aux enfers au point que trouver des juges pour connaître sa cause est devenue aujourd’hui son principal combat?
Retour sur une détention hors normes
Arrêté le 27 novembre 2013 pour enlèvement de personnes complicité d’enlèvement, d’assassinat et de séquestration dans le cadre de l’instruction de l’affaire dite des Bérets rouges, le Général Sanogo vit depuis cette date en résidence surveillée, à Sélingué, à l’écart de tout.
En 2016, le pouvoir a certes tenté de trouver une issue à cette bien encombrante affaire en organisant en octobre de cette année une session de la Cour d’assises chargée de la juger. Mal préparée car organisée à la va vite sous la pression des parents des victimes et des organisations .locales et internationales de défense des droits de l’homme le procès de Sikasso ne fera pas long feu. Il sera vite rattrapé par les insuffisances qui ont présidé à sa tenue et le gouvernement n’eut d’autre choix que de l’ajourner.
Officiellement, pour permettre que soit menée une expertise destinée à préciser l’identité de chacun des bérets rouges décédés ou disparus. Mais en coulisse, ce renvoi, décidé après que les avocats de la défense eussent rué dans les brancards, fut une véritable aubaine pour le pouvoir nouvellement installé du Président IBK. Ce dernier ne faisait, en effet pas mystère de son peu d’empressement à offrir un exutoire au Général Sanogo, lequel a toujours imputé son arrestation à ce qu’il appelle la trahison et le lâchage du Président IBK en personne.
En octobre 2016, un report, que les protagonistes espéraient de courte durée, faisait manifestement l’affaire de beaucoup de monde. En 2019, cette belle unanimité a tout simplement volé en éclat et l’incompréhension des proches d’Amadou Haya Sanogo est totale. Certains de ses avocats voient en l’incarcération prolongée de l’homme et en la non reprise de son procès un véritable déni de justice.
Lorsqu’on sait que le Code de procédure pénale ne permet au Mali la détention préventive d’une personne accusée de crime que pour une période maximale de trois ans, l’on comprend aisément le courroux des défenseurs du Général Sanogo et consorts. Dont une énième demande de mise en liberté a été rejetée le lundi 16 septembre 2019 par la Chambre criminelle de la Cour suprême. La haute juridiction statuait ainsi sur le recours formé par les avocats du célèbre détenu de Sélingué contre un arrêt de refus de mise en liberté rendu par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako…
Plus grave, la non reprise du procès dit de l’assassinat des bérets rouges, alors que le motif de renvoi (l’expertise des corps des victimes) a, semble-il, été satisfait, constitue une atteinte grave au droit reconnu à chaque personne faisant l’objet de poursuites judiciaires, de bénéficier d’un procès équitable. Le procès est considéré comme définitivement inéquitable s’il ne se tient pas dans un délai raisonnable.
Quoi qu’il en soit, le Mali est en passe de réaliser, avec la prolongation injustifiée de la détention du Chef de l’ex-Cnrdre, l’un des plus tristes records des annales judiciaires du monde civilisé.
La question qui se pose désormais est de savoir comment sortir du statu quo actuel? Autrement dit existe t-il d’autres modes de traitement permettant au gouvernent de sortir par le haut du casse-tête judiciaire Sanogo?
Les pistes de solution possibles
Les instruments et mécanismes juridiques communautaires et internationaux.
Il existe de nombreux mécanismes et/ ou instruments juridiques susceptibles d’être utilisés pour mettre un terme à l’impasse à laquelle semble déboucher le traitement judiciaire de l’affaire dite des bérets rouges. Où l’on assiste à un tête à tête stérile et pesant entre les juridictions criminelles nationales et les défenseurs des accusés.
La saisine des cours communautaires de l’espace ouest-africain (Uemoa, Cedeao) et africaine (Instances juridictionnelles compétentes de l’Union africaine) pourrait permettre de briser ce tête à tête conflictuel et permettre un traitement plus objectif et plus apaisé de la question urgente de la détention illégale du Général Sanogo et de ses compagnons d’infortune. Force est de constater que cette option a peu ou prou été explorée par leurs conseils respectifs.
L’on a, bien au contraire, l’impression que rien a été fait de concret dans l’utilisation des moyens qu’offre le Droit international lorsqu’on met en parallèle les affaires Amadou Haya Sanogo et Karim Wade, dont les conseils sont allés jusqu’à saisir le Comité des Droits de l’homme de l’ONU.
Quid d’une solution politique?
En ces moments où le pouvoir tente de jeter les bases d’un nouveau partenariat au sein de la classe politique et avec la société civile, et après la constitution de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, il est peut-être temps d’en profiter pour trouver une solution définitive à l’affaire dite des bérets rouges. En la soumettant à la sagesse et la sagacité des délégués au Dialogue politique national inclusif dont le gouvernement s’apprête à tenir les assises.
Birama FALL