Le mardi 11 février 2020, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel s’est prononcée sur le volet “détention préventive” de l’affaire Ministère public contre Adama Sangaré et autres.
Lorsqu’à 10 heures sonnantes, les trois magistrats de la haute juridiction font leur entrée dans la salle, les conseils de Adama Sangaré, et le petit nombre d’amis du maire qui ont tenu à faire le déplacement, retiennent leur souffle. Le soulagement est visible dans l’assistance quand le Président annonce la décision de la Chambre de remettre l’édile de Bamako en liberté, sous condition de paiement d’une caution de 120 millions de francs Cfa. Rappelons que l’intéressé est sous le coup d’un mandat de dépôt délivré contre lui par le Juge d’instruction du 9ème cabinet d’instruction du Pôle économique et financier de Bamako. La Chambre vidait ainsi son délibéré, après avoir entendu les parties lors d’une précédente audience, sur l’appel interjeté par le parquet contre l’ordonnance de mise en liberté rendue le 22 janvier par le juge d’instruction en charge du dossier en faveur du prévenu. Le soulagement des amis de l’édile de Bamako n’aura été finalement que de courte durée puisqu’au cours de la journée, la nouvelle d’un recours du parquet général contre l’arrêt de remise en liberté rendu par la Chambre d’accusation fit le tour de la ville. Comme une trainée de poudre, elle se propageait dans toute la capitale, provoquant le désarroi chez les partisans du maire et un contentement non feint chez ses contempteurs.
Retour sur une journée mouvementée
Ce développement inattendu du dossier Adama Sangaré mettait brutalement ainsi fin à une séquence judiciaire et émotionnelle qui avait occasionné beaucoup d’espoir au sein de la défense du prévenu. Véritable coup de théâtre judiciaire, au regard du profil bas adopté par le parquet général toute la journée du 11 février, il fut perçu par beaucoup de personnes comme un coup de poignard donné à sa défense.
Ce mardi 11 n’aura pas été de tout repos tant pour les conseils du prévenu Adama Sangaré qui, après avoir plaidé le recours exercé par leur client contre la décision prise par le juge d’instruction en charge du dossier de s’en dessaisir en se déclarant incompétent, se précipitèrent au parquet général pour obtenir l’ordre d’extraction, en exécution de l’arrêt de la Chambre d’accusation. Ils feront le pied de grue toute la journée, avant d’apprendre que le fameux sésame ne sera pas obtenu. Le parquet général, après avoir laissé planer le doute sur ses intentions, avait en effet finalement décidé de se pourvoir en cassation contre la décision de remise en liberté prise en faveur du prévenu dans la matinée. Et malgré le fait que la haute juridiction avait assorti sa détention du paiement préalable par le prévenu de la somme de 120 millions de francs à titre de caution…
Coup de théâtre, coup de massue
Ce développement inattendu, qui a été vécu comme un véritable coup de théâtre par la défense, fit également l’effet d’un coup de massue sur la tête des proches du maire mobilisés pour sa cause.
Le profil bas adopté tout au long de cette journée du mardi 11 février, qui pouvait ressembler à du détachement vis à vis de l’affaire, avaient laissé croire à beaucoup que le Ministère public ne s’opposerai pas à l’exécution de l’arrêt rendu au profit du prévenu par la juridiction d’instruction du second degré qu’est la Chambre d’accusation en matière de détention préventive.
Les effets du pourvoi du parquet général
Aux termes de l’article 505 du Code de procédure pénale malien, le recours exercé par le parquet général contre un arrêt rendu par la Chambre d’accusation suspend l’exécution dudit arrêt. En clair, Adama Sangaré restera en détention jusqu’à l’examen par la Chambre criminelle de la Cour suprême du pourvoi formé par le parquet général. Cet effet suspensif s’attache par ailleurs, aux recours en appel exercé par les parquets d’instance contre les ordonnances rendues par les magistrats instructeurs. Comme ce fut précisément le cas lorsque le parquet de la Commune III a relevé appel de l’ordonnance de mise en liberté prise en faveur du prévenu Adama Sangaré par le juge d’instruction du 9ème cabinet. Le maintien en détention de l’intéressé, en dépit de cette décision du magistrat instructeur, s’explique par cet effet suspensif des recours exercés par le parquet en matière de détention, et plus généralement en matière de liberté.
Les vraies raisons du maintien en détention du maire de Bamako
La question que soulève le nouvel épisode des poursuites lancées par les autorités judiciaires ne relève que peu des préoccupations de légalité ou de justice. En effet, si nul ne conteste le droit du parquet général d’exercer un recours lorsqu’il l’estime nécessaire, dans le cas d’espèce, plusieurs raisons militaient en faveur d’une attitude de souplesse de sa part. Primo, le statut du maire de Bamako, le fait qu’il a toujours déféré par le passé à toutes les réquisitions de la Justice auraient dû inciter le ministère à plus de compréhension à son égard.
Qui peut croire à l’hypothèse hautement improbable de l’homme politique ? Secundo, la très forte caution fixée par la Chambre d’accusation était de nature à donner au parquet général un gage suffisant de remboursement des sommes dont le détournement est reproché à Adama Sangaré. Au regard de ce qui précède, le pourvoi formé contre l’arrêt de la Chambre d’accusation ne peut relever que d’une logique étrangère aux préoccupations de respect du droit et de la Justice. Il est hautement probable que l’auteur du pourvoi a agi sur instruction de la Chancellerie. Ce qui démontre, s’il en était besoin, le caractère éminemment politique que revêt, depuis son origine, l’affaire ministère public contre Adama Sangaré et autres.
Birama FALL