Abandon des procédures judiciaires contre Sanogo au Mali : La Justice fait place à l’impunité

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Et voilà l’affaire Amadou Haya Sanogo, du nom de cet militaire malien présumé cerveau de l’assassinat des 21 bérets rouges du 33è bataillon du régiment des commandos -para, qui refait surface. En effet, la Cour d’Assise de Bamako a prononcé, le 15 mars dernier, un non-lieu pour Sanogo et ses coaccusés arrêtés au Mali dans le cadre de cette affaire. Et pour cause : « le dossier est exonéré de toute poursuite judiciaire».

Décidemment,  on voyait venir les choses. L’ex-putschiste malien Amadou Haya Sanogo et ses 12 coaccusés poursuivis pour l’assassinat de 21 bérets rouges, suite au coup d’État contre le général Amadou Toumani Touré, ne seront pas jugés. Ainsi en a décidé la Cour d’Assises de Bamako qui s’appuie sur une « loi d’entente nationale qui exonère tous ceux qui ont commis de graves crimes en 2012, hormis ceux qui ont commis des crimes relevant de la Cour pénale internationale (CPI) ».

Accord avec les familles des victimes

La défense de Sanogo et compagnie n’avait d’ailleurs de cesse d’invoquer cette loi prise à l’issue de la Conférence d’entente nationale organisée sous le défunt régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en 2018.  Ainsi donc, Sanogo est désormais totalement libre de ses mouvements. Les poursuites judiciaires à son encontre, ont été abandonnées pour ne pas dire annulées. Pouvait-il d’ailleurs en être autrement quand on sait que depuis l’ouverture du procès de Sanogo et ses co-accusés en 2016, beaucoup d’eau ont coulé sous les ponts ? En témoigne cet accord d’indemnisation négocié en 2020 entre les mis en cause et la partie civile, qui est en cours d’application « au grand bonheur des victimes ». Et ce n’est pas tout. Car, au-delà du paiement d’un montant indemnitaire, certains parents de victimes ont vu l’intégration des leurs enfants dans la Fonction publique. On oublie volontiers que la plupart des familles des victimes ont acquis des logements ; le tout sur fond de promesse ferme du gouvernement d’organiser des funérailles nationales à la mémoire des disparus. Tant et si bien que les parents des victimes, pour ainsi dire, n’avaient plus le cœur au procès puisqu’ils ne participaient même plus aux audiences.

En bloc, il ressort de l’accord signé entre Boubou Cissé, qui était à l’époque Premier ministre, et Sagara Bintou Maïga, la présidente de l’association des parents et épouses des Bérets rouges assassinés, qu’en plus de l’organisation de funérailles nationales pour les victimes, le statut de « pupilles de la nation » est accordé à leurs enfants mineurs. Le gouvernement s’est également engagé à attribuer à chaque famille un logement social « de type F5 », ainsi que des réparations financières variant selon le grade des victimes.

Ainsi, les familles de soldats toucheront 15 millions de francs CFA (22 867 euros), celles des caporaux 20 millions et celles des sergents-chefs 30 millions. Les familles des adjudants et des lieutenants recevront respectivement trente-cinq et quarante millions de francs CFA. Selon le même document, l’exécution des réparations aurait dû avoir lieu avant le 15 février 2020.

Malgré l’arrestation de Sanogo et de plusieurs de ses coaccusés en 2013, puis l’exhumation des corps pour une autopsie, l’affaire piétinait. Ouvert en grandes pompes en 2016 à Sikasso, le procès est plusieurs fois reporté. Les avocats de Sanogo ont souligné les faiblesses de l’instruction et le principal accusé n’a cessé de clamer son innocence. Pendant toutes ces années, alors qu’il était détenu dans une résidence de Sélingué, dans la région de Sikasso, le fantasque Sanogo est resté influent. Celui qui aimait à se comparer au général de Gaule demeure une figure difficile à juger sans rouvrir des blessures au sein de l’armée. L’un de ses anciens coaccusés, le général Ibrahima Dahirou Dembélé, était d’ailleurs ministre de la Défense sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta, renversé en août dernier.

La remise en liberté provisoire de Sanogo, accordée le 28 janvier 2020, est-elle liée à l’accord trouvé quelques jours plus tôt entre le gouvernement et les avocats des familles des victimes dans le cadre de la loi d’entente nationale ? Celle-ci prévoit notamment d’exonérer de poursuites pénales les personnes ayant commis des crimes et des délits « dans le cadre des événements liés à la crise née en 2012 ». Les familles, elles, s’en sortent avec des compensations… et un goût d’injustice

Au Mali,  le Droit n’est pas droit

En tout cas, c’est tant mieux si ces arrangements hors prétoire peuvent permettre au Mali d’aller de l’avant dans le sens de la réconciliation nationale que tout le monde appelle de ses vœux. Car, que peut attendre de plus un parent de victime confronté aux dures réalités quotidiennes et dont rien ne ramènera à la vie le sien disparu ?  Cela dit, il faut craindre que le cas Sanogo ne constitue un précédent dangereux dans l’histoire du Mali. Car, tout se passe comme si, finalement, on passait par pertes et profit la mort des 21 bérets rouges. Qui les a tués ? Pourquoi ont-ils été trucidés ? Dans quelles circonstances ? Autant de questions qui méritaient pourtant des réponses.

C’est pourquoi d’aucuns estiment  qu’au regard de la gravité des faits, il aurait fallu condamner l’ex-putschiste et ses co-accusés, ne serait-ce que symboliquement pour que cela serve de leçon à d’éventuels apprentis sorciers tapis dans l’ombre, qui se croiraient tout permis, une fois parvenus au pouvoir par la force des armes. Mais telle que les choses se sont passées, on a l’impression que l’indépendance de la Justice a été sacrifiée sur l’autel de l’impunité et que le Droit n’est pas droit. Toute chose qui peut être perçue comme un encouragement à tous ces prédateurs de la démocratie et des règles de l’État de droit. Surtout qu’il s’agit là de crimes de sang sur des soldats froidement abattus et jetés dans des charniers au moment où le Mali a suffisamment fait la preuve qu’il est loin d’avoir définitivement tourné la page des coups d’État.

Au Mali, l’ex-putschiste Amadou Haya Sanogo et ses coaccusés ne seront plus jugé dans l’affaire de l’assassinat de 21 bérets rouges en 2012. Les juges de la Cour d’Appel de Bamako ont prononcé l’abandon de la procédure. Depuis, Amadou Haya Sanogo et ses coaccusés ont bénéficié de la loi d’entente nationale adoptée en 2018 et qui vise à «concrétiser la politique de la restauration de la paix et de la réconciliation ». Les familles et proches des victimes ont trouvé un accord avec le gouvernement, leur permettant d’être indemnisées.

« Cette décision ne doit étonner personne en vertu de la loi d’entente nationale, qui exonère tous ceux qui ont commis de graves crimes en 2012, hormis ceux qui ont commis des crimes relevant de la Cour pénale internationale », a pour sa part commenté Dr Oumar Mariko, président de Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi) et membre du Mouvement du 5 Juin. Avant d’ajouter : « Si le fait de ne pas poursuivre les auteurs permet l’apaisement au sein de l’armée et de la nation, la Cour d’appel ne pouvait que prendre cette décision ».

En attendant, c’est le ‘’wait and see’’ dans cette affaire.

Jean Pierre James

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