Le bureau du procureur requiert une peine de 9 à 11 ans d’emprisonnement contre l’accusé, au regard, dit-il, du “remords exprimé à l’ouverture du procès et sa coopération dans les différentes auditions”.
Le procès d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi a pris fin hier après-midi à la Cour pénale internationale. La défense a demandé l’indulgence de la Cour et des circonstances atténuantes pour son client. Le verdict est renvoyé au 27 septembre prochain. Le bureau du procureur a bouclé ce mercredi la présentation des éléments à charge contre le présumé jihadiste pour la destruction des Mausolées de Tombouctou. L’accusation a également présenté son réquisitoire aux juges sur la peine à infliger à Al Faqi.
Selon le bureau du procureur, la présentation des éléments à charge “prouvent à suffisance qu’Ahmad Al Faqi a pris une part active dans la destruction des mausolées de Tombouctou”. Il avait la confiance des chefs d’Ançar Eddine et à ce titre il a ordonné et aidé à la destruction des mausolées et édifices religieux. Compte tenu des preuves confirmant sa responsabilité, l’accusation dans son réquisitoire, a demandé aux juges de la Cour de “punir Al Faqi afin de lancer un message fort à d’autres personnes tentées de commettre les mêmes forfaits”.
Dans son réquisitoire, le bureau du procureur a pourtant pris en compte, “des circonstances atténuantes” pour Ahmad Al Faqi, notamment son “pardon” au premier jour du procès et sa décision de plaider coupable ainsi que le remords exprimé aux populations de Tombouctou et du Mali.
Compte tenu de ces éléments, le bureau du procureur a requis une peine de 9 à 11 ans d’emprisonnement pour le présumé jihadiste. Selon l’accusation, cette peine s’inscrit dans le cadre de l’entente intervenue entre l’accusé et le bureau du procureur. Cette entente qui n’engage pas les juges, prévoit que si l’accusé plaide coupable, le procureur pourrait requérir une peine de 9 à 11 ans de prison à condition que l’accusé ne fasse pas appel de sa condamnation. Ce réquisitoire sera-t-il suivi par les juges ? La réponse devrait être connue dans quelques jours à l’issue de ce procès.
- F. S.
Envoyé spécial de Studio Tamani
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CPI : Peine requise contre Al Faqi : les associations maliennes des droits de l’Homme déçues
Les associations maliennes des droits de l’Homme n’approuvent pas “l’entente” entre le bureau du procureur et les avocats d’Al Faqi. Tout en dénonçant la peine d’emprisonnement requise de 9 à 11 ans, elles s’inquiètent de la suite réservée aux autres plaintes notamment les viols et mariages forcés déposées contre Ahmad Al Faqi.
Le vice-président de l’AMDH, Amadou Bocar Téguété, a dénoncé que “ce n’est pas bien vu que le procureur ait une entente avec les avocats de l’accusé, étant donné que c’est elle la principale accusatrice. Le fait de dire qu’elle s’est entendue avec la défense me fait peur”.
Il a ainsi que rappelé que “nous on a porté plainte contre Al Faqi pour les viols qu’il a eu à faire à Tombouctou, les mariages forcés, les amputations. On a demandé à Fatou Bensouda d’ouvrir une enquête. Cette enquête n’a pas encore commencé et si elle plaide pour 9 à 11 ans, j’ai peur qu’on ne tienne compte de ces fautes là qu’il a déjà commises. Il y a des personnes qui attendent, des mères de famille, des pères de famille, des innocents. J’ai peur que ça ne soit impuni. Donc, je pense qu’on risque d’encourager l’impunité”.
Selon certains juristes, plaider coupable, n’est qu’une stratégie de défense pour amoindrir sa peine d’emprisonnement. Selon eux, “l’entente” entre le bureau du procureur et les avocats de l’accusé “n’engage en rien les juges qui sont chargés de condamner ou non”.
Mamadou Guissé, docteur d’Etat en droit privé et chargé de cours à la Faculté des sciences juridiques et politiques, rappelle que “la procureure Fatou Bensouda a un rôle prépondérant. C’est-à-dire, la poursuite. Lors du jugement, elle présente des réquisitions. Ces réquisitions peuvent être suivies ou non par le tribunal de fond, c’est-à-dire les juges de fond”.
Pour autant, “cet accord qui est intervenu n’engage en rien les juges qui sont chargés de condamner ou non. Ils statuent conformément en leur intime conviction. Ils vont se mettre dans la logique des preuves, qui ont été fournies par la procureure Fatou Bensouda et en même temps examiner en fonction des circonstances de la cause. Est-ce qu’il existe des circonstances atténuantes ou aggravantes ? Et en fonction de cela, suivre ou non les réquisitions de la procureure”.
M . D.