Justice malienne : Les échecs du Ministre Bathily

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Lorsqu’on interroge le Malien Lambda sur les résultats obtenus par Monsieur Mohamed Ali Bathily depuis sa nomination en septembre 2013 à la tête du Ministère de la Justice, les appréciations sont le plus souvent mi-figue, mi-raisin.

 

 

Bathily
Mohamed A Bathily, ministre de la Justice, Gardes des Sceaux

Dans les milieux judiciaires, le sentiment dominant est la déception. Beaucoup de nos concitoyens avaient en effet placé de grands espoirs en la nomination de ce juriste fort en gueule, connu au prétoire pour ses coups de gueule et ses indignations tapageuses devant les décisions de justice douteuses et réputé pour la sainte horreur que lui inspire l’injustice. Mais voilà, l’incompréhension et l’incrédulité ont fait place désormais à l’immense espoir suscité par la nomination de l’homme à la tête d’un des services publics les plus décriés et les moins performants de notre pays.

 

 

Avocat, ancien professeur de droit, familier des problématiques qui se posent pour un bon fonctionnement de l’appareil judiciaire et précédé des préjugés les plus flatteurs, le Ministre Bathily avait, à priori, les atouts nécessaires à la réussite de la délicate  mission a  lui confiée par le Président IBK pour assainir la Justice malienne. Dix huit mois après qu’il eût été porté à ce poste sensible par le premier Magistrat de la République, le constat général est incontestable celui de l’échec. Cet échec est patent à au moins deux niveaux : celui de la gouvernance de la Justice et celui de la dynamique partenariale pour y obtenir des résultats probants et des changements de comportement.

 

 

L’échec au plan de la  gouvernance

Presque une année après la nomination de Monsieur Bathily comme Ministre de la Justice, les maux qui gangrenaient celle – ci sont encore intacts : la corruption continue d’y régner en maître absolu, en toute impunité, et le manque de performance continue de caractériser la distribution de la Justice.

 

 

La corruption ? Elle se manifeste dans les cours et tribunaux maliens  au quotidien à tous les niveaux : prise de décisions judiciaires, simple délivrance des actes ou accomplissement des prestations les plus usuelles…

 

 

Le justiciable peu fortuné ou peu enclin à se faire arnaquer a toujours les pires difficultés à obtenir justice ou à bénéficier du service dû. Bien plus que la grande corruption à coups de milliers ou de millions de francs, la petite corruption constitue ici plus que jamais l’obstacle majeur à l’avènement d’un service public donnant satisfaction à ses usagers. Elle  se matérialise, au vu et au sus de tous,  par des prélèvements illicites frisant le racket à l’occasion de la délivrance des actes les plus usuels par les greffes de nos cours et tribunaux (Expéditions des jugements et arrêts, actes et certificats relatifs à l’état civil, copie des dossiers en instance etc.).

 

 

En face, aucune mesure efficace n’est prise par l’autorité de « tutelle ». La simple publication des tarifs relatifs au niveau des palais de Justice à la délivrance des actes usuels accompagnée d’une communication efficiente à travers les différents média suffirait  pourtant à endiguer l’impact de ce fléau endémique sur l’image de la Justice auprès des justiciables et sur le porte – feuille de ceux – ci.

 

 

Quant à la corruption liée aux décisions de justice, elle continue de plus belle. A la chancellerie, où trône le Ministre Bathily, rien de concret et de systémique n’est envisagé, en dehors de l’adoption de la loi sur l’enrichissement illicite, initié sous le Gouvernement de Transition par le prédécesseur de l’actuel ministre, et en dehors de l’arrestation d’une poignée de magistrats accusés d’avoir pris des pots de vin.

 

 

L’arrestation médiatisée d’un clerc d’huissier, après la démolition fautive d’habitats dans un quartier de Bamako, est le dernier fait d’armes du Ministre qui, semble avoir opté pour la politique – spectacle, en lieu et place d’une approche structurelle permettant de reformer en profondeur un appareil judiciaire miné par les mauvaises pratiques et l’absence totale de culture du résultat.

 

 

Plus inquiétant encore, les actes et les propos du Ministre semblent être guidés par des préoccupations incompatibles avec le respect du principe d’indépendance de la Justice, sans lequel il serait vain d’espérer la construction d’un Etat de droit dans notre pays. Les ingérences intempestives de Monsieur Bathily dans le fonctionnement normal de la Justice – alors qu’aucune politique cohérente n’est mise en œuvre pour y apporter les changements nécessaires – et les postures populistes de l’homme empêchent aujourd’hui la mise en place d’un véritable partenariat pour le changement dans ce secteur vital pour le développement économique et la paix sociale. Les passe d’armes qu’il y a eu dans un passé récent entre certains procureurs de la République et le Ministre, faits rarissimes en pratique, illustrent cette fâcheuse tendance de l’homme à imposer ses vues, sans tenir compte des exigences de légalité et du principe de séparation des pouvoirs.

 

 

L’échec au plan de la  dynamique partenariale pour le changement dans la Justice

Pour introduire un changement dans quelque domaine que ce soit, il est indispensable de créer les conditions d’une adhésion des acteurs à la politique que l’on souhaite mettre en œuvre. Sur ce plan, l’échec de l’actuel titulaire du porte – feuille de la Justice est préoccupant. Entretenant les pires relations avec le principal syndicat de la Magistrature qu’est le syndicat de la Magistrature, il ne bénéficie que d’un soutien mitigé des ordres professionnels composés par les auxiliaires de justice (Avocats, huissiers, notaires qui, inquiets devant le populisme affiché par Monsieur Bathily et son penchant prononcé pour la désignation de boucs – émissaires en cas de difficultés) se tiennent résolument à l’écart de ce nouveau Saint Just.

 

 

Conséquence : l’on n’observe aucune dynamique pour accompagner l’action de redressement que le Ministre dit vouloir engager pour améliorer le fonctionnement de l’appareil judiciaire et redorer son blason. Bien au contraire, une sourde hostilité se développe à l’égard de cette action et l’on attend que le prétexte légitime pour entrer en confrontation avec un homme qui donne l’impression de vouloir se créer un socle de popularité sous le couvert de l’accomplissement d’une mission gouvernementale.

Les suspicions, la méfiance et les résistances que provoquent les initiatives de Monsieur Bathily parmi les professionnels de la Justice sont devenues objectivement une contrainte majeure pour l’amorce des changements attendus. A tort ou à raison, l’intéressé y est perçu comme faisant partie du problème, plutôt que d’incarner la solution ou d’en faire partie.  En a t- il seulement conscience ? Pendant ce temps, le calvaire des Maliens face à leur Justice continue, sans qu’aucune perspective d’amélioration ne se dessine à terme raisonnable.

Ibrahim M.GUEYE

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