Substitut du procureur de la République à Kati en son temps, Malick Coulibaly avait préféré démissionner plutôt que d’exécuter un ordre injuste. C’était en 2008, dans une affaire de recel d’une carcasse de bœuf écrasé dans la circulation. Le prévenu, un petit boucher, est aussitôt placé en détention et le plaignant, un riche homme d’affaires. En attendant l’enrôlement de l’affaire, la défense du boucher introduit une demande de liberté provisoire à laquelle accède le substitut du procureur. Mais en pleine audience, la hiérarchie fait appeler le magistrat pour lui ordonner de faire appel d’une décision qu’il a lui-même voulue, juste pour maintenir le boucher en détention. « Je me suis senti impuissant. Quand on ne peut pas grand-chose contre un système…, moi, je préfère abandonner » avait déclaré le célèbre démissionnaire à l’époque.
Et depuis, il est considéré comme l’un des plus honnêtes cadres du Mali. Et si une nomination a été saluée dans le gouvernement de Boubou Cissé, c’est sans doute celle de Malick Coulibaly à la tête du ministère de la Justice. Elle a suscité un grand soulagement des populations qui, dans leur majorité, ne font plus confiance à un appareil judiciaire malien qu’ils estiment à la merci de la corruption.
C’est dire que le nouveau Ministre de Justice Garde des Sceaux est l’un des membres du gouvernement les plus attendus. En terrain connu, il aura la lourde tâche d’éradiquer la corruption au sein du système judiciaire.
Pour commencer, il peut se renseigner sur le Kaarta ou la justice étatique est sur le point de laisser place à celle des vestibules. En effet, faute de confiance dans la justice malienne, du moins celle de Kita, les populations du Kaarta semblent avoir décidé de gérer leur contentieux dans les vestibules. Et cela après la libération d’un certain Sékou Diallo et complices arrêtés en juin 2018, et qui n’ont fait que 5 mois avant de bénéficier d’une liberté provisoire. Si la présomption court, des sources locales soupçonnaient Sékou Diallo et sa bande d’être à la solde du Front de libération du Macina d’Amadou Kouffa, auquel il pourrait servir de relais de renseignement et d’enrôlement dans la zone, de ravitaillement en liquidité. Il se susurre par ailleurs que le même Sékou Diallo avait des liens avec le gang qui semait la terreur sur l’axe Bamako- Kayes. Avec cette libération, les populations du Kaarta préfèrent plutôt gérer leurs contentieux dans leurs vestibules que de se fier à une justice sans lendemain. Sur la base de compromis, les parties décident de sanctionner l’auteur de l’infraction s’assurer de la réparation du dommage causé en nature. C’est en tout cas ce qu’il s’est passé après l’arrestation d’un voleur de bétails, à Guetala et Kourounikoto. Il ne s’agit pas du retour de la loi du Talion, du moins pas pour le moment mais les petites infractions sont tranchées de la sorte, il y a lieu de se demander comment le seront les cas de crime qui sont monnaie courante dans cette partie de la région de Kayes.
Amidou Keita