Le 18 décembre 2014, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait la résolution 69/170 (2014) proclamant le 13 juin Journée mondiale de sensibilisation à l’albinisme. La MINUSMA célébrera après le mois de ramadan cette troisième édition; mais dès aujourd’hui, la sensibilisation commence notamment avec l’artiste Salif Keita sur les ondes de la radio des Nations unies.
Aux côtés du Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies, M. Koen Davidse, la star de la musique Salif Keita était en entrevue exclusive sur les ondes de MIKADO FM. Invité à s’exprimer en marge de la célébration de l’édition 2017 de la Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme, l’artiste malien a dénoncé le sort réservé aux albinos dans son pays où, explique-t-il, ils sont malheureusement encore trop souvent victimes de crimes rituels. « À un an des élections générales maliennes, il y a eu déjà deux sacrifices humains perpétrés sur des albinos. L’un à Kita et l’autre à Sanankoroba, » a déclaré celui que l’on surnomme le Cheval blanc de la musique malienne.
Salif Keita estime cependant que la sensibilisation commence à porter ses fruits. Une sensibilisation en partie menée par les albinos eux-mêmes et qui, selon lui, ont vu certains résultats. « Avant, les albinos avaient peur de se regrouper pour qu’on ne vienne pas les enlever, pour aller les sacrifier; mais maintenant, il y a tellement d’associations d’albinos faites par des albinos eux-mêmes… Donc, ils ont compris le problème et c’est ce que nous voulions : qu’ils comprennent, qu’ils se rassemblent pour prouver aux autres qu’ils souffrent. » Des propos d’autant plus véridiques qu’il a lui-même mis sa notoriété et ses ressources au service de cette cause, en tant que membre fondateur et président de la Fondation Salif Keita pour les Albinos.
Engagé et concerné au plus haut point, Salif Keita, comme beaucoup de noirs à la peau blanche, œuvre pour que soient reconnues les multiples souffrances qui accompagnent l’albinisme et les violations de droits dont sont victimes ceux qui en sont atteints. En effet, menacés, les albinos ne le sont pas que par des crimes liés à de vieilles croyances.
Albinisme : de lourdes spécificités et des droits à défendre
Particularité visible, l’albinisme se défini comme un dysfonctionnement dans la fabrication du pigment qui colore la peau, les yeux, les poils et les cheveux : la mélanine. Il existe plus d’une dizaine de types d’albinisme. On distingue les albinismes oculo-cutanés, où la peau, les yeux, les cheveux et les poils ne sont pas pigmentés; et les albinismes oculaires où seuls les yeux sont pigmentés.
Ainsi, vivre avec cette pathologie en provoque d’autres et amène les personnes sujettes à avoir des besoins spécifiques, qui rendent leur vie difficiles et ce, dès la naissance.
Les mamans des nouveaux nés albinos sont souvent congédiées par leur mari; les enfants eux-mêmes risquent l’abandon et donc, encore plus vite, les sacrifices rituels. Les préjugés auxquels les albinos sont confrontés rendent difficile leur accès aux soins de santé adaptés, aux services sociaux, à une protection juridique et à la réparation en cas de violation de leurs droits. Les formes de discrimination auxquelles font face les personnes atteintes d’albinisme sont nombreuses. Leur droit à l’éducation, par exemple, est affecté par leur déficience visuelle, qui les contraint parfois à abandonner l’école. Un niveau d’éducation faible peut à son tour déboucher sur le chômage et entraver leur droit à un niveau de vie approprié, les reléguant ainsi souvent à la pauvreté.
La pire expression de la discrimination à l’encontre des personnes vivant avec l’albinisme est leur déshumanisation, qui est à l’origine des terribles agressions physiques dont elles sont victimes. Comme on les prend parfois pour des êtres magiques ou des esprits, on les mutile, quand on ne les tue pas pour utiliser des parties de leur corps dans des rituels de sorcellerie. Ces agressions font de nombreuses victimes ; celles qui survivent ainsi que leurs familles subissent de graves traumatismes.
Les personnes atteintes d’albinisme méritent qu’on protège leur droit à la vie et à la sécurité, ainsi que leur droit de ne pas être soumis à la torture et aux mauvais traitements. Les campagnes d’éducation et de sensibilisation peuvent contribuer à la lutte contre la superstition et la stigmatisation associées à l’albinisme.
L’ONU organise la réponse
Jusqu’à récemment, les mécanismes internationaux et régionaux de défense des droits de l’homme n’avaient répondu que de manière sporadique aux besoins des personnes vivant avec l’albinisme. Depuis juin 2013, en raison de la recrudescence des agressions commises à leur encontre, ces organes ont davantage centré leur attention sur les personnes atteintes d’albinisme.
En 2013 et 2014, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples réclamaient via les résolutions 2313, 2433, 2610 du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et la résolution 263 de la Commission africaine, la prévention des agressions et de la discrimination à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme. Le 18 décembre 2014, l’Assemblée générale adoptait la résolution 69/170, proclamant, à compter de 2015, le 13 juin Journée mondiale de sensibilisation à l’albinisme.
Par ailleurs, en réponse à l’appel lancé par des organisations de la société civile recommandant de considérer les personnes souffrant d’albinisme comme un groupe à part entière ayant des besoins spécifiques nécessitant une attention particulière, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté le 26 mars 2015 la résolution 28/L.10, instituant le mandat d’expert indépendant sur la question des droits fondamentaux des personnes atteintes d’albinisme.
Ce nouveau mandat important contribuera à faire entendre la voix des personnes atteintes d’albinisme et à les protéger grâce à une meilleure sensibilisation, à la présentation au Conseil des droits de l’homme, d’un rapport annuel portant sur des préoccupations spécifiques, et à la prestation de services de conseil et d’assistance technique aux États membres, afin que ces derniers puissent mettre en œuvre des mesures spécifiques en faveur de la protection sur leur territoire des personnes atteintes d’albinisme.
C’est dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du Conseil des droits de l’homme que la Division des droits de l’homme de la MINUSMA, en tant que Représentation du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au Mali, organise chaque année depuis 2015 la célébration de la journée, en collaboration avec les organisations de défense et de promotion des droits des personnes atteintes d’albinisme, notamment SOS Albinos, la fondation Salif Keita, et avec l’accompagnement des autorités nationales dont le Ministère des affaires religieuses et du culte, et le Ministère en charge du Développement social et de la solidarité. Elle œuvre également pour l’accompagnement des organisations de promotion et de défense des droits des personnes atteintes d’albinisme.