Journée internationale de la femme : Peut-elle être Célébrée autrement au Mali ?

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Depuis plus dizaine d’années au Mali, cette célébration donne lieu à de grandes manifestations à l’allure d’un grand ‘’SUMOU’’ que nous voyons fréquemment sur Africable. Les femmes s’habillent en pagne imprimé au logo du 8 mars de chaque année. Plus de 3 000 femmes de la capitale convergent vers le Palais de la culture pour l’animation folklorique attribuée à tort à la journée du 8 mars.

Là-bas, elles attendent le Président de la République accompagné de son épouse. L’Etat préfinance et subventionne les dits pagnes à concurrence de plusieurs centaines de millions de F CFA. L’acquisition de ce pagne subventionné se fait au Centre Awa KEITA à travers un parcours du combattant.

Parallèlement, ledit pagne se retrouve en vente sur les marchés, même deux semaines bien après la journée du 8 mars. Généralement, le Ministre en charge de la promotion de ses concitoyennes, fait un discours bilan des acquis que les hommes ont bien voulu accordé aux femmes jusque-là. Il s’agissait pour cette année, d’annoncer aux femmes de Bamako qu’une loi obligeant les hommes à réserver 30% des places pour les femmes sur les listes électorales a été adoptée. Pour cela le Président IBK a aidé toutes les listes sur lesquelles il y a des femmes avec la somme de 300 millions F CFA, et qu’il y a eu pour la première fois 26 800 candidates en 2016 sur les listes des élections communales. Les femmes festivalières ont appris que 26,56% de femmes ont été élues contre 9% en 2009. Concernant le Fonds d’Appui à l’Autonomisation des Femmes et à l’Epanouissement de l’enfant (FAFE), les femmes ont été informées que 384 projets ont été  financés jusque-là sur ces fonds dont le montant s’élèverait  à plus d’un milliard de F CFA uniquement destiné aux femmes.

Nous voulons réellement savoir, combien ont coûté la subvention pour la confection des pagnes imprimés au logo du 8 mars et le coût des préparatifs de cette journée ? Aux bats mots, il faut compter 200 millions F CFA. Avions-nous besoins de dépenser 200 millions F CFA pour informer les femmes de Bamako du bilan annuel des acquis des femmes ?

Non, nous pensons qu’il y a une autre manière de le faire sans dépenser une fortune, au moment où 386 femmes décèdent annuellement pendant l’accouchement. Il n’y a jamais de victoires politiques sans assises idéologiques. Apparemment les responsables des femmes maliennes n’ont pas compris cette vérité historique. Les femmes qu’elles soient lettrées ou illettrées méritent plus que le rôle d’animatrices politiques. En effet leur action est d’une très grande efficacité et doit s’inscrire d’une certaine façon dans le mouvement général pour leur émancipation. En cela les premières femmes lettrées ont montré la voie à suivre.

Certaines femmes ont mené depuis longtemps la lutte au sein de regroupements et d’associations à caractère syndical et apolitique, préoccupées qu’elles étaient par le progrès social : Inter Syndicat des femmes travailleuses créé en 1956, présidé par Aoua KEITA et dont la secrétaire générale était la très dynamique Astan COULIBALY et dans lequel on retrouve aussi Sira DIOP et Rokiatou SOW, toutes deux futures présidentes, de l’Union Nationale des Femmes du Mali (UNFM) ; Aoua KEITA a représenté le mouvement au Congrès Constitutif de l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire, en Janvier 1957 et au 2ème Congrès des Travailleurs du Soudan ; Jɛmangɛlɛn créée en 1956 sous l’égide de Madame René Dore  Audibert, secondée par Madame THIAM Fanta DIALLO. La force logistique de Jɛmangɛlɛn était les centres sociaux, lieux d’attraction des femmes par les prestations qu’ils offraient (soins de santé préventive, couture, cuisine, etc…). Cette association était la force populaire par excellence.

Citons enfin les Rencontres Africaines, créées et dirigées par la Sœur Blanche Jeanne Bernard, dans laquelle on retrouvait une figure comme Assa DIALLO et Pauline DIARRA toutes futures membres du bureau de l’UNFM.

Toutes ces associations ont mené des actions importantes dans le domaine de l’éducation socio-éducative des femmes. Si elles n’étaient pas politiques, il n’en demeure pas moins qu’elles ont exprimé une position politique, celle de l’affirmation de ‘’soi’’, en fonction des besoins et des préoccupations de l’heure. Elles contenaient les ferments du combat pour le pluralisme d’opinions et la mobilisation autour d’objectifs corporatistes. Néanmoins, il y a eu des intellectuelles comme Aoua KEITA, qui se sont engagés à fond et dès le début auprès des responsables politiques de l’US-RDA. Aoua KEITA, figure la plus célèbre de cette période était sage-femme de son état, sortie de l’Ecole Africaine de Médecine et de Pharmacie de Dakar (1931).

Elle a mené une activité politique et syndicale fiévreuse. On la retrouve sur tous les fronts. En 1958 déjà, à l’issus de 5ème congrès de l’US-RDA, elle est la seule femme élue au bureau politique de l’US-RDA. Portée sur la liste du Parti, elle est élue député aux élections législatives de 1959.

Quant à Mariam TRAVELE, épouse de Modibo KEITA depuis 1939, elle a tenu en main la section pilote RDA de Sikasso après l’arrestation de son mari en 1953 et la dispersion des autres militants de cette localité. Les mouvements féminins étaient insérés également dans l’idéal panafricaniste des années 1950. Ainsi, fut tenue à vienne en 1958 la Fédération Internationale des Femmes (FIDEF), d’où a été lancée l’idée de la création de l’UFOA (Union des Femmes de l’Ouest Africain), qui a tenu son premier congrès en juillet 1959 à Bamako.

En 1962 déjà, était créée une Association continentale, dénommée la Panafricaine des femmes, dont la secrétaire générale était la guinéenne Jeanne Martin CISSE.

A la faveur de la réforme de 1948, les femmes, comme les hommes, passent le baccalauréat et intègrent la filière universitaire. A la charnière des années 1950 et 1960, sont apparues déjà les toutes premières figures féminines véritablement scientifiques : Rokiatou N’DAYE, Tamaro TOURE, Madina TALL etc…

Quand arrive l’indépendance en 1960, les femmes constituaient déjà une force non négligeable même si, sur le plan politique, on continuait à les maintenir dans une situation de subordonnée, à cause peut-être de la pesanteur des traditions anciennes.Cette pesanteur sociale existe toujours, elle s’est transformée en pesanteur islamique.

Les luttes ne sont donc pas terminées. Elles ont plutôt changé de formes et de contenus. Celles qui ont aujourd’hui en charge la gestion des femmes doivent informer et motiver leurs collègues femmes rurales sur la voie de l’émancipation en leur montant que l’union fait la force. Les regroupements à but lucratif doivent dominer les autres formes d’Association. Comment avoir des financements pour leurs projets selon un mécanisme facile, mais sécurisé ?

Les femmes doivent être édifiées sur cette question primordiale. Mettre des fonds de garanties dans les caisses d’épargnes et de crédits à la disposition des femmes. Expliquer ces concepts à toutes les femmes rurales et urbaines. Faire le bilan de l’ensemble de ces activités aussi bien au niveau rural qu’au niveau urbain. Faire des reportages sur les réalisations faites par les femmes au niveau Cercle, au niveau Région. Créer une émission à l’ORTM sur la réussite des associations féminines que les femmes peuvent suivre, chaque semaine.

A travers ces émissions, les femmes vont savoir par quelles démarches ces projets ont été financés, quelles sont celles qui ont assuré la mise en œuvre, quel est le degré de satisfaction sur le marché d’écoulement des produits. Pour magnifier l’émancipation de la femme malienne, prévoir cinq prix au niveau régional, cinq prix au niveau local et cinq prix au niveau national à l’occasion de chaque journée du 8 mars sans uniforme et sans folklore. Au niveau local, le Préfet remettra les prix, tandis qu’au niveau régional, le gouverneur sera commis pour la remise des prix, et enfin au niveau national les prix seront remis à Koulouba par le Président de la République, le Premier Ministre, la Ministre en charge des femmes, la femme responsable d’une institution de la République, et Madame la Présidente.

Toutes ces remises de prix seront filmées et seront projetées à la télévision nationale au cours de l’émission hebdomadaire sur l’émancipation de la femme. Afin que l’égalité homme-femme soit une réalité, il faudra créer un observatoire sur l’égalité homme-femme qui produira un rapport annuel adressé au Président de la République, au gouvernement à toutes les institutions de la République et aux partenaires techniques et financiers, à toutes les associations faitières telle que le Haut Conseil Islamique du Mali, le Groupement des leaders religieux, aux gouverneurs, aux Préfets et sous-Préfets. La remise du dit rapport doit faire l’objet d’une cérémonie au palais présidentiel.Une lecture du résumé du rapport sera faite par la présidente de l’observatoire.

Ainsi la violence faite aux femmes et l’émancipation des femmes seront le combat des Associations qui combattent aujourd’hui l’élaboration d’un arsenal juridique contre la violence faite aux femmes que le Gouvernement veut mettre en place. Avec l’ensemble de ces dispositifs, point besoin de faire du folklore encore à l’occasion de la journée internationale des femmes, en tout cas au Mali.

Ivette GUINDO

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