Intime conviction : De la morale politique

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Comme votre modeste serviteur, vous avez sans doute été nombreux à suivre la «Saison 2» et attendez impatiemment la «Saison 3» de la série «Scandal» (Scandale) diffusée par les chaînes Canal Plus et M6. Une série américaine créée par Shonda Rhimes (2012) avec à l’affiche la sublime Kerry Washington (Olivia Pope), Katie Lowes, Guillermo Diazz…

 

Cette fantastique fiction tourne autour de la vie professionnelle et personnelle d’une experte en relations publiques, Olivia Pope. Superbement interprétée par Kerry Washington, Olivia passe allègrement d’un personnage tendre à une écorcée vive, d’une amoureuse tourmentée à une vraie tornade prête à tout pour accomplir sa mission.

C’est vrai qu’elle ne fait pas dans le sentiment quand on s’attaque à elle ou à ses protégés comme Fitzgerald Grant (Tony Goldwyn), le président Républicain des Etats-Unis. Un vieil ami d’Olivia qui demande son aide lorsqu’une de ses assistantes fait courir le bruit qu’ils couchent ensemble (Monicagate ?).

 

Et ce n’est que le début d’un scandale bien plus grand aux répercussions désastreuses…puisque Olivia redevient la «Maîtresse du président». Elle démissionne pour se charger du règlement des scandales (relations adultères, homosexualité, enlèvement…) qui éclatent dans la vie de personnages publics, donc des hommes politiques voire tout le gratin de Washington. Avec un staff composé d’avocats débutants et confirmés, d’un expert en litige, d’un hacker et d’une détective, elle mêle et démêle l’actualité politique, fait et défait des carrières…

 

Cette œuvre est aussi un drame sentimental. Brillante, déterminée, mystérieuse, Olivia mène son cabinet d’une main de fer. Toujours tirée à quatre épingles, elle se veut imperméable aux émotions. Mais, l’amour la rend transparente et vulnérable. Surtout qu’elle adore ses deux parents séparés et reste éperdument amoureuse du locataire de la Maison Blanche dont la vie conjugale est aussi un désastre avec une épouse visiblement plus ambitieuse que lui, mais pas plus fidèle que lui.

 

Un «Super homme» ordinaire !

La «First Lady» va jusqu’à pousser son époux à faire revenir sa maîtresse, donc sa rivale, pour lui donner une chance de briguer un second mandat. Tous les ingrédients sont donc réunis pour la multiplication des scandales aussi bien à la Maison Blanche que dans l’entourage d’Olivia.

Vous vous demandez sans doute pourquoi nous vous ennuyons avec ces commentaires. Tout simplement parce que, à notre humble avis, cette série n’a rien à envier aux cours de sciences politiques dispensés dans les meilleures universités du monde. Elle nous enseigne beaucoup de choses sur les tumultes et les «petits arrangements» de la vie politique américaine.

 

Qui est réellement le président des Etats-Unis ? Quelles sont les relations entre la Maison Blanche, le Congrès, le Senat et la Cour Suprême ? Quels sont les indicateurs des rapports de force entre les institutions fédérales ? Quel est le poids réel d’un président américain ? Qu’est-ce qui fait la puissance des lobbies ? Des questions qui trouvent des réponses magistrales dans cette série captivante.

 

Si dans les relations internationales, le président des USA peut paraître un «Super homme», il est souvent très fragile à l’interne. Sur ce plan, il demeure un homme «normal» comme tout autre avec ses forces et faiblesses, ses problèmes conjugaux, ses défaillances sentimentales, ses déboires familiaux, ses convictions politiques, ses dérives autoritaires… On s’en était d’ailleurs rendu compte lors de la présidence de Bill Clinton avec la sulfureuse affaire «Monicagate». Il est exposé aux magouilles politiques comme n’importe quel autre président sur cette terre.

 

Un solide bouclier d’experts

En dehors de sa personnalité et de son expérience politique, la vraie force d’un «US President», c’est son cabinet. S’il ne veut pas être emporté par des turbulences politiques, il doit avoir le flair de s’entourer de collaborateurs dévoués et compétents, loyaux et discrets, prêts à aller au charbon, se sacrifier pour lui dans tous les sens du terme. Cette équipe est le véritable bouclier le protégeant de ses adversaires politiques, des scandales et aussi de lui-même, c’est-à-dire, ses propres dérives ou aveuglements.

 

Ce team (équipe) évite au président de se mouiller directement dans des combines et complots indispensables pour faire échec aux conspirations gouvernementales ou d’organisations spéciales ou indépendantes. Et même si, en réalité, c’est lui qui tire les ficelles et les avantages dans l’ombre car le dernier mot lui revient généralement.

 

Très influents, ses conseillers et chargés de mission sont très puissants et n’hésitent pas à courageusement affronter le président et lui dire les choses comme ils les voient quand ils sont convaincus de la pertinence de leur vision d’aborder une crise, un scandale.

 

C’est ce flair qui manque aux dirigeants africains. Généralement, nos allées du pouvoir sont jonchées d’opportunistes et de «béni oui-oui» qui ne peuvent pas dire la vérité au «Chef», de crainte d’être limogés et de se retrouver au chômage, donc privés des délices du Palais.

 

Un handicap africain

Dans la pratique, beaucoup de nos décideurs ne supportent pas la contradiction. Ils préfèrent être adulés sur le mensonge et s’entourer de gens qui trouvent leur bonheur à flatter leur égo démesuré. Et pour beaucoup d’observateurs, c’est cela qui a coûté au Général Amadou Toumani Touré son fauteuil en mars 2012, à quelques mois de la fin de son second mandat. «Le président s’était débarrassé de presque tous les conseillers pouvant lui dire non ou le contraire de sa vision. Sans doute par complexe, il s’était entouré de gens qui ne pouvaient pas avoir le culot de lui dire la vérité sur les réalités de son pouvoir, la vie réelle de la nation… C’est pourquoi il n’a jamais pu faire une bonne lecture de la situation dans le nord, le mécontentement des troupes en totale rupture avec la hiérarchie imposée par le président…», confirme un cadre qui, un moment, a été un proche collaborateur d’ATT.

 

Existe-t-il une morale en politique ? Difficile d’être affirmatif après avoir vu «Scandal», surtout la Saison 2 dans laquelle tous les moyens (pression sociale, chantage, torture, assassinat…) sont autorisés pour parvenir à ses fins, pour éventrer un complot, neutraliser ou éliminer un adversaire voire un ennemi, conquérir un poste…

 

Ainsi, le père d’Olivia n’hésite pas à se servir des relations de sa fille avec le président pour éliminer son épouse très encombrante. Il va jusqu’à subtiliser des souches dangereuses pour tuer le fils du président et lui faire croire que c’est l’œuvre de sa femme. Et cela afin d’amener le président à lui redonner les rênes d’une cellule officieuse échappant au contrôle même du locataire de la Maison Blanche. Il y parvient à la fin de la Saison 2 ! Les nombreux morts dans les placards apprécieront.

 

Tradition politique bouleversée

Avec un scénario jusque-là improbable dans la vie politique, la réalisatrice Shonda Rhymes (Grey’s Anatomy) est sans doute en train de préparer les Américains au bouleversement des traditions politiques de leur pays. Oui, un président Républicain amoureux d’une Black et ayant pour conseiller un gay marié à un journaliste… cela est aujourd’hui du domaine du possible dans un pays où le rêve est permis et se réalise, une superpuissance qui a surmonté certains préjugés raciaux pour confier sa destinée à un Black, Barack Obama.

La réalisatrice veut sans doute amener les téléspectateurs américains et du monde à prendre conscience que quelque chose s’est brisé dans cette Amérique, si sûre d’elle jadis, et qu’il sera de plus en plus facile de retrouver la confiance des uns et des autres tout en étant plus pacifiste.

 

Avec cette série, dont la 3e saison est annoncée pour bientôt sur des chaînes françaises, on découvre l’importance et les subtilités de la communication de crise. Une science sociale dont le Mali a impérieusement besoin aujourd’hui pour la réconciliation, l’unité nationale, la paix et la reconstruction nationale.

Moussa BOLLY

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