Intime conviction : Investir dans la vision de Sankara pour gouverner

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Pour un « sankariste », difficile d’animer une chronique en octobre sans se référer au 5e président du Burkina Faso : Capitaine Thomas Sankara lâchement assassiné ce triste 15 octobre 1987 ! Cela fait déjà 24 ans ! Vingt quatre années durant lesquelles ces assassins ont tenté de l’effacer de la mémoire collective au Faso, en  Afrique et dans le monde. Sans jamais y parvenir évidemment ! La preuve, c’est que « Thom Sank » a été proclamé « modèle de la jeunesse africaine » par le Forum Social mondial à Bamako (2006) et à Nairobi (2007). Cela vaut tous les hommages pour un Guide qui ne rêvait que de voir l’Afrique débout face à l’impérialisme afin de mieux faire face à son destin ! Pour notre génération, ce n’est pas Sankara qu’on a assassiné ce 15 octobre 1987, mais cette Afrique rebelle et fière de vouloir définitivement tourner la page de la domination impérialiste !

En dehors de revivre en chaque jeune de la génération consciente et aujourd’hui « indignée », le Révolutionnaire vit toujours à travers sa pensée. Une vision riche et féconde qu’il ne faut jamais cesser de citer pour nourrir la conscience du peuple à l’approche d’échéances importantes et cruciales comme les élections générales de 2012 au Mali.  « La démocratie est le peuple avec toutes ses potentialités et sa force. Le bulletin de vote et un appareil électoral ne signifient pas, par eux-mêmes, qu’il existe une démocratie. Ceux qui organisent des élections de temps à autre, et ne se préoccupent du peuple qu’avant chaque acte électoral, n’ont pas un système réellement démocratique… On ne peut concevoir la démocratie sans que le pouvoir, sous toutes ses formes, soit remis entre les mains du peuple ; le pouvoir économique, militaire, politique, le pouvoir social et culturel », rappelait à juste titre Thomas Sankara dans une allocution prononcée à La Havane (Cuba) (août 1987) quelques semaines avant qu’il ne soit assassiné. Depuis l’avènement de la démocratie, les Maliens ne cessent de vivre ce pseudo démocratie avec la classe politique actuelle incapable de porter ses propres illusions à plus forte raison les attentes et rêves du peuple.

« Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre 20 années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture là. Il faut ranimer la confiance du peuple en lui-même en lui rappelant qu’il a été grand hier et donc, peut-être aujourd’hui et demain. Fonder l’espoir », disait Thomas Sankara lors d’une conférence de presse animée en août 1984.

Que nous propose aujourd’hui les marchands d’illusions, pardon, je voulais dire les candidats aux présidentielles maliennes de 2012 ? Rien que des promesses d’un lendemain plus décevant qu’enchanteur. A quelques exceptions près, il est utopique de penser qu’un politicien malien vaut mieux qu’un autre. Même s’ils ne se ressemblent pas dans la théorie, dans la pratique, ce sont des gouttes d’eau !  C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous empêcher de sourire en entendant les partisans de tel ou tel candidat dire qu’il n’y aura pas de changement ou de développement au Mali sans leur champion ! Naïveté ou leurs ?  En réalité, ils se valent ! Ceux qui sont plus critiques ne revendiquent que leur part du gâteau. Dans l’exercice du pouvoir, ils font pire que ceux qu’ils accusent souvent de tous les péchés d’Israël.

Et comme disait Napoléon Bonaparte, « on ne conduit le peuple qu’en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d’espérance » ! Voilà une citation qui doit inspirer nos décideurs. Dans nos pays, les dirigeants ne suscitent plus d’espoir ! Même ceux qui, dans l’opposition,  mobilisaient les foules en leur promettant monts et merveilles, se sont montrés des mégalomanes cleptomanes dans l’exercice du pouvoir ! Qui croire alors ? On ne construit pas un pays avec de bonnes intentions, mais avec des actes courageux et audacieux !

Mais, on ne gouverne pas aussi dans la solitude ! Dans les allées du pouvoir, on rencontre rarement des hommes qui fonctionnent sur des vertus, sur des valeurs citoyennes et républicaines. Finalement, on ne sait même plus à qui faire confiance dans son entourage parsemé de rapaces et de sauriens. Il n’est donc pas facile de gouverner nos Etats. Mais, nous devons nous lever pour changer tout cela !

 

 

Déraciner les maux qui hypothèquent l’indépendance

Ce qui est sûr, c’est que dans la pratique, nos hommes politiques nous proposent des remèdes efficaces à nos maux parce qu’ils sont téléguidés par leurs propres intérêts et ceux de leurs clans.  Ils ne convoitent pas le trône de Koulouba pour changer le cours du destin du peuple, pour résoudre ses préoccupations et pour combler ses attentes. Mais, acquérir une fortune confortable ou pour mieux protéger leurs acquis. C’est pourquoi les remèdes préconisés contre la pauvreté, le chômage, la corruption montre vite leurs limites. Ces maux sont les fruits d’un système, d’un modèle de gestion pensé par ceux-là même qui promettent de les soigner. Au lieu de soigner les manifestations d’un fléau, il faut le déraciner.

Quel est ce politicien malien qui a intérêt à une rupture totale avec le système actuel de gouvernance ? Même si un ou deux en ont la volonté manifeste, leurs « proches collaborateurs » ne les laisseront jamais aller dans ce sens. Quand on a le privilège d’être dans les sphères du pouvoir, c’est le moment plus que jamais d’assurer ses arrières ! Cela n’est pas propre au Mali et à l’Afrique seulement ! Mais, des tares le plus souvent héritées de la puissance colonisatrice.

Ce n’est pas non plus une raison non plus de fermer les yeux sur le pillage des ressources du pays. Ce n’est pas non plus un argument pour ne pas baliser les voies du développement nous permettant d’être aussi économiquement souverains ! En quoi cela consiste-t-il pour le Mali ? Le développement de l’industrie alimentaire, la transformation locale des ressources naturelles afin de créer des emplois et de la valeur ajoutée, l’épanouissement de l’industrie touristique…

Pendant les deux mandats du président Amadou Toumani Touré, le Mali est devenu un immense chantier de développement avec la réalisation d’infrastructures ambitieuses comme Alatona, le barrage de Taoussa… Sans oublier que, comme le disait le président Denis Sassou N’Guessou du Congo (dans une interview publiée dans A.M 313-Octobre 2011), « le développement est un processus de longue haleine, une quête de tous les instants. Les acquis d’aujourd’hui ne doivent pas nous conduire à nous endormir sur les lauriers. Bien au contraire, nous devons travailler, toujours travailler pour maintenir le cap » !

A notre avis, il, faut plus que jamais maintenir ce cap parce qu’il faut atténuer aussi les souffrances du peuple. Il faut combler les attentes sociales des populations, notamment d’une jeunesse de plus en plus nombreuse et de moins en moins bien éduquée et bien formée. Comme dans la plupart des pays africains de nos jours, la jeunesse demeure un immense défi avec une proportion des 30 ans qui dépasse les 60 %. Comme le disait récemment le Chef de l’Etat congolais, « c’est un atout majeur, mais aussi une source d’angoisse permanente dans la mesure où cela pose des problèmes légitimes auxquels il faut donner des vraies réponses ».

 

Des «vraies réponses» aux préoccupations récurrentes

Ainsi, du futur président de la République du Mali, les jeunes maliens attendent des « vraies réponses » à la crise scolaire, au chômage, à la délinquance juvénile, aux menaces que constituent le VIH/Sida, la drogue, l’alcool… Le Développement doit être intégré, global et durable. Les politiques sociales sont autant urgentes que les grands travaux destinés à poser les jalons d’une future nation émergente.

 « Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. Briser et reconstruire l’administration à travers une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que, sans formation patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance », a martelé regretté Sankara à la tribune des Nations unies le 4 octobre 1984.

Et la situation actuelle de nos Etats lui donne plus que jamais raison. Pour un pays comme le nôtre, n’est-il pas utopique de vaincre la pauvreté et le chômage sans investir dans la campagne ? Dans nos centres urbains, qui sont les plus éprouvés par l’incidence de la pauvreté ? Qui contribuent à accentuer le taux du chômage ? Qui alimentent l’oisiveté et la criminalité ? L’exode rural a une relation étroite avec tous ces fléaux liés au faible niveau de développement.

Et si, ne serait-ce que le temps d’un mandat, on se désintéressait un peu de nos centres urbains pour concentrer l’essentiel de nos efforts sur l’épanouissement de nos campagnes par des projets viables, réalistes et concrets ? A faire de sorte que les jeunes ruraux ne soient plus attirés par les villes que pour venir faire quelques emplettes et retourner dans leurs « havres de paix » !

Pour inverser la tendance actuelle et donner une chance au pays d’atteindre par exemple les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), même hors échéances, il faut que ce soient les jeunes citadins qui soient attirés par la campagne parce qu’ils savent qu’ils y trouveront les moyens d’y réaliser leurs ambitions à travers des projets hydro-agricoles, agroindustriels…

 

Redonner confiance et responsabiliser le peuple

Il s’agit des initiatives du genre Projet d’irrigation d’Alatona qui, de l’avis d’un confrère, est « l’amorce de la révolution verte au Mali ». Il s’agit de ce vaste projet du Millenium Challenge Corporation (MCC), sans précédent au Mali, portant sur 16 000 hectares de terres nouvellement irriguées pour un coût d’un peu plus de 122 milliards de francs CFA.

« Auparavant, quand on demandait aux femmes où sont vos maris, elles répondaient qu’ils sont partis à l’exode. Quand on demandait aux hommes où sont vos femmes, ils disaient qu’elles sont parties chercher de l’eau. Aujourd’hui, tout a changé ; nous les femmes sommes dans nos jardins potagers, les hommes, eux, sont dans les champs… », a souligné la représentante des femmes de la localité, Mme Founè Coulibaly, lors de la cérémonie officielle d’inauguration des aménagements d’Alatona.

Et ce qui est davantage réjouissant, c’est la prise en compte par le MCC, de la dimension sociale à travers la reconstruction des villages au bénéfice des populations déplacées avec latrines et forages, écoles et des Centres de Santé Communautaires… Voilà comment ont peut fixer les forces vives d’une localité surplace au lieu de venir grossir le lot des chômeurs et oisifs des villes qui ont du mal à supporter cette démographie.

Le défi pour le nouveau président, c’est de réaliser d’autres « Alatona » un peu partout dans le pays sans oublier de les accompagner d’approches industrielles, des moyens de transports adéquats et des stratégies d’organisation efficaces de la masse paysanne.

Comme le disait l’idole de la jeunesse africaine engagée dans un documentaire de Thuy Tien Hi et Didier Mauro, Fratricide au Burkina, Sankara et la Françafrique, « le plus important, je crois, c’est d’amener le peuple à avoir confiance en lui-même, à comprendre que, finalement, il peut s’asseoir et écrire son développement, qu’il peut s’asseoir et écrire son bonheur ; qu’il peut dire ce qu’il désire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur » ! Difficile de trouver une meilleure chute à cette chronique que cette conviction qui a façonné la vie et l’œuvre de Thomas Sankara.

 

Kader Toé


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