Le tabagisme passif cause nombre de maladies parmi lesquelles des cardiopathies et le cancer du poumon, sans compter les affections respiratoires
Lorsque certains (des non fumeurs naturellement) apprennent l’existence des dispositions juridiques portant interdiction de fumer dans les lieux publics, ils s’indignent de l’incapacité des autorités compétentes à faire respecter cette réglementation. Ils s’accommodent mal de la fumée des autres qui tue, selon le slogan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est admis par tous que le tabac est dangereux. Les analyses et commentaires de spécialistes s’accordent sur cette réalité mais surtout sur l’urgence et la nécessité de protéger les non fumeurs des effets nocifs du tabac. Malheureusement, l’on sait aussi que le tabagisme a atteint des proportions inquiétantes.
Des spécialistes estiment simplement que les fumeurs « brûlent la chandelle par les deux bouts ». L’on appréciera. Mais une chose est sûre : le tabagisme nuit dangereusement à la santé de l’être humain et le phénomène doit être circonscrit pour éviter ses conséquences dramatiques sur la société. Le tabagisme passif cause nombre de maladies parmi lesquelles des cardiopathies et le cancer du poumon, sans compter les affections respiratoires.
Il n’y a pas, selon les spécialistes, de seuil au dessous duquel l’exposition à la fumée des autres est sans danger. Les espaces entièrement non fumeurs représentent un moyen de protection efficace des non fumeurs contre les effets nocifs du tabagisme passif. En plus de protéger les non fumeurs, ils peuvent démotiver les fumeurs mais surtout les inciter à arrêter l’usage du tabac. Le tabagisme étant pathogène, il est inconcevable dans l’esprit des non fumeurs d’autoriser la cigarette où que ce soit.
Et pourtant une disposition de la loi n°10-033 du 12 juillet 2010 relative à la commercialisation et à la consommation du tabac et des produits du tabac, notamment l’article 14 interdit à toute personne d’exposer une autre à la fumée du tabac en dehors des emplacements réservés aux fumeurs. Et l’article 15 de la même loi stipule clairement qu’il est interdit de fumer dans les jardins d’enfants et tous autres lieux de séjour des enfants mais aussi dans l’enceinte des services publics, les salles de réunions, de conférence ou de spectacle. La prescription touche aussi les réfectoires, les transports publics, les stations services, les établissements sanitaires publics, privés ou communautaires et autres entreprises privées etc. Voilà qui est clairement précisé pour tout le monde.
La nécessité de sévir – Les spécialistes expliquent que notre pays a bien les moyens de faire respecter cette loi. Mais du fait de pesanteurs sociales et d’autres considérations, il y a une mansuétude à l’égard des contrevenants (les fumeurs). Généralement, une fois qu’ils sont pris par l’envie soudaine de brûler une clope, les fumeurs cessent d’avoir de la considération pour les autres. Ils n’hésitent donc pas à fumer où qu’ils se trouvent. Il est même courant de les entendre dire «rien ne nous empêche de fumer» comme s’ils pouvaient tout se permettre.
Me Mahamane Cissé, avocat à la Cour et président du Réseau de lutte contre le tabac et les autres stupéfiants (RELUTAS Mali), est on ne peut plus clair. Pour lui, il faut une volonté politique clairement affichée mais aussi que les autorités sévissent. Il estime qu’il faut interpeller les contrevenants et en référer aux autorités compétentes pour suite à donner.
A cet effet, Me Mahamane Cissé explique les sanctions prévues dans les articles 18 et 19 du décret n°343/ P-RM qui détermine les modalités d’application de cette loi relative à la commercialisation du tabac. L’article 18 stipule que les violations de la loi du 12 juillet 2010 sont constatées par les officiers de police judiciaire, les agents des services de douanes et les agents habilités du ministère chargé du commerce. Ils dressent un procès verbal qui est transmis aux autorités judiciaires compétentes.
L’article 19 du même document indique que la poursuite et la répression des infractions aux dispositions de juillet 2010 relèvent de la compétence des autorités judiciaires. La loi du 12 juillet a pour objet de règlementer en République de Mali, l’importation, la distribution, la vente, la publicité, la promotion et la consommation du produit du tabac et autres produits du tabac. Me Mahamane Cissé développe des arguments contre le tabagisme.
Ce juriste a une position nette tranchée sur l’application de cette réglementation qui régule la commercialisation et consommation et du tabac et produits dérivés. Il ne nourrit aucune illusion sur l’application de ces textes et dans la lettre et l’esprit, sans une volonté politique affichée et la détermination de sévir. Selon lui, la loi n’est presque pas appliquée. Mais l’avocat s’empresse de préciser que certaines dispositions sont appliquées. Par ailleurs, notre interlocuteur relève qu’on ne voit pas de publicité à la télévision ni sur les panneaux, encore moins de parrainage en faveur du tabac. Il apprécie cet état de fait mais déplore aussi le fait que les publicités sont souvent déguisées à travers des événements et autres initiatives.
A titre d’illustration, l’homme de droit a cité la pose de la première pierre du siège de Dunhill qui a été une publicité déguisée en faveur du tabac. Pour Me Mahamane Cissé, il est prohibé d’offrir le tabac à des gens ou d’exposer le tabac dehors.
A ce propos, le président du Réseau de lutte contre le tabac et les autres stupéfiants requiert une application stricte des dispositions juridiques pour protéger les non fumeurs. Mais curieusement personne ne semble en faire une préoccupation réelle ?
Face à cette situation, le Réseau de lutte contre le tabac et les autres stupéfiants déploie des actions de sensibilisation et de prévention contre le tabagisme à travers des conférences et autres initiatives. Mais au-delà de la communication, il est important quand même que les autorités s’inscrivent dans une vision de protection de nos compatriotes, notamment les non fumeurs. D’autres spécialistes s’inscrivent dans la vision du juriste. Pour eux, la préservation de la santé des citoyens est un devoir de génération et tous les phénomènes qui dégradent la santé des femmes et des hommes doivent interpeler la conscience collective. Nous avons aussi requis l’avis d’un confrère qui a requis l’anonymat.
Ce jeune journaliste est conscient de l’existence des dispositions juridiques interdisant l’usage du tabac dans les lieux publics mais il avoue ne pas pouvoir se retenir face à l’envie de fumer. Il pousse l’analyse plus loin et explique même que le tabac reste une source d’inspiration pour lui, quand il écrit. Ce jeune homme, qui a développé une accoutumance au tabac, fume depuis plus de 10 ans et n’est pas prêt d’arrêter. Il explique à qui veut l’entendre qu’il peut fumer partout dans les couloirs du service, dans son bureau et dans les toilettes.
Une lutte vaine ? Pour le conseiller en communication au niveau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans notre pays, Abdoulaye Cissé, les choses sont très claires. Il explique que son organisation n’a cessé d’alerter les autorités sur les dangers du tabac sur la population. L’OMS a également exhorté les pays à appliquer les conventions cadres, en termes de lutte contre le phénomène de tabagisme.
Selon lui, son organisation avait même mis en place un programme appelé «MPOWER» pour aider les pays à lutter contre le tabac. Il s’agit d’un programme qui encourage les responsables politiques, la société civile et les dispensateurs de soins à imaginer un monde sans tabac. Ce programme suppose d’appliquer des politiques et des interventions qui ont fait des preuves.Pour l’organisation, une application partielle ne suffit pas à diminuer la consommation de tabac dans le monde. Le but est qu’aucun enfant ni aucun adulte ne soit plus exposé à la fumée du tabac.
Mais parfois, il peut y avoir une incompréhension sur cette intention réelle. Abdoulaye Cissé lève toute équivoque. MPOWER incite les pays à surveiller la consommation du tabac, protéger la population contre la fumée du tabac, offrir une aide à ceux qui veulent renoncer au tabac et mettre en garde contre les dangers du tabagisme.
Ce programme s’attache aussi au respect de l’interdiction de la publicité en faveur du tabac et à augmenter les taxes sur les produits du tabac. Cet interlocuteur sans être pessimiste, estime que la lutte contre le tabagisme reste vaine pour l’instant parce que la volonté politique manque le plus.
La lutte contre le tabagisme doit s’inscrire dans une vision globale. Parce que tout le monde peut être concerné par ses effets. A ce propos, le Pr Yacouba Toloba physio pneumologue au centre hospitalier universitaire (CHU) du Point G, explique que le non fumeur peut développer toutes les cardiopathies du fumeur du fait de son exposition. Le praticien hospitalier souligne que le risque pour un fumeur passif de développer un cancer est multiplié par 7, donc plus élevé que celui qui n’est pas exposé à la fumée.
Fatoumata NAPHO