Sommes-nous assis sur une poudrière au Mali? Cette question mérite d’être posée au regard des révélations sur l’insécurité générale faites par les députés. En effet, de Kayes à Kidal, nos villes et campagnes sont confrontées à d’énormes problèmes sécuritaires. Entre des coupeurs de routes, des vols à mains armées, des braquages de boutiques, des forces de l’ordre racketteuses au sud et des terroristes au nord, les populations maliennes ne savent plus où donner la tête.
Ce qui a amené l’Assemblée nationale à consacrer la première séance de sa toute nouvelle innovation, les Questions d’Actualité, à la problématique d’insécurité dans nos villes et la pénurie des cartes d’identité et de passeports. Cette séance a été marquée par des révélations faites par des élus de la nation sur des cas d’insécurité auxquels leurs mandats sont confrontés dans leur vie quotidienne. Au cours de la séance, le banc du Gouvernement était occupé par Premier ministre, Moussa Mara, le ministre de l’Intérieur et de la protection civile et en présence de plusieurs autres membres du Gouvernement.
Tour à tour, les députés de la majorité et de l’opposition se sont succédé à la tribune de l’Assemblée nationale pour exposer au Premier ministre et au ministre de l’Intérieur des situations aussi tristes les unes que les autres. C’est le cas de l’Honorable Amadou Maïga, député élu à Douentza, qui a marqué l’assistance avec ses dénonciations: «le jeudi 25 avril 2014, dans la commune de Mondoro, entre Issé et Boni, le feu a été ouvert sur un groupe de personnes se rendant à Boni pour la foire. Ils ont été dépossédés de leurs biens, ligotés, une personne a perdu ses yeux et a eu ses jambes fracturées. Le jeudi 5 juin dernier, entre Wouro Alfa et Kanioumé, 4 véhicules en partance pour la foire de Dakofifo ont été attaqués et leurs occupants ont été dépossédés de leurs biens. Le même jeudi, entre Boré et N’Gouma, les occupants de 5 véhicules ont été également délestés de leurs biens, des femmes ont été violées et l’une d’entre elles est décédée le 11 juin dernier». D’où ces interrogations de l’élu de Douentza: «A quand la réouverture des postes de gendarmerie dans la commune de Diaptodji à N‘gouma et dans la commune de Mondoro à Boulikessi? A quand Ie retour des gardes dans les sous-préfectures des zones libérées du nord car sans eux les préfets ne peuvent pas s’installer? Quelles sont les dispositions idoines que vous comptez prendre pour sécuriser les villes et les campagnes, car les populations sont impatientes et sont en train de s‘organiser pour prendre en charge leur sécurité?».
C’est le même constat fait par le député élu à Kadiolo, l’Honorable Bréhima Béridogo. En effet, selon l’élu du Folona, si au Nord nous avons les jihadistes comme source d’insécurité, «un ·peu partout des coupeurs de route, les braqueurs de banque, dans les zones rurales, il existe une insécurité insidieuse qui ne dit pas son nom, du brigandage qui ne dit pas son nom». Selon lui, les jours de foire hebdomadaire et mêmes les jours ordinaires, les villages sont pris en otage par les forces de l’ordre(police, gendarmerie), pas pour un contrôle de pièces, mais pour un véritable racket, un brigandage. «Vous n‘avez pas 500 ou 1000 francs, vous ne passez pas, même sivous avez toutes les pièces qu‘ils réclament. Car, ils trouveront que: le passager que vous transportez, même si c’est une vieille de 70 ans, n‘a pas de casque ou de carte d‘identité (Kadiolo), que les pneus du vélo ne sont pas suffisamment gonflés (Bandiagara), que la bicyclette ou la moto n‘est pas ou est mal dédouanée comme la semaine dernière à Doumanamba, cercle de Sikasso. Pourtant les voleurs de bœufs eux franchissent allègrement les barrières avec 5000 F CFA avant de se faire arrêter par les chasseurs comme en 2010 àKadiolo», a-t-il regretté. Avant d’interpeller le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur en ces termes: «quand est-ce que la quiétude reviendra en zone rurale? Quand est-ce que Ie paysan malien pourra jouir de ses droits et profiter du fruit de son labeur? Quand est-ce que les forces de l’ordre cesseront de faire peur aucitoyen honnête pour lui porter assistance comme le lui demande la loi, le devoir du soldat, le devoir de l‘assermenté?». Auparavant, l’Honorable Dianguina Sissoko avait demandé au ministre si le Mali a les moyens de sa sécurité. Ces mêmes dénonciations ont été faites par plusieurs autres députés sur toute l’étendue du territoire national. Il y en a qui ont également évoqué la problématique de la criminalité le long de nos frontières. De son côté, l’Inspecteur général de police à la retraite, Niamé s’est appesanti sur la nécessité pour notre pays de se doter des moyens modernes de renseignement. Pour sa part, Ousmane Kouyaté, député élu à Kolokani, a voulu connaître les raisons de la pénurie des cartes d’identité dans les commissariats et dans les préfectures et sous sous-préfectures. «Comment expliquer cette pénurie, devenue un casse-tête pour les populations et qui fait que les prix des cartes d’identité vont 5 000 F jusqu’à 10 000 voire 15 000 ou plus dans certaines localités», s’est-il interrogé.
En réponse à toutes ces préoccupations, le ministre de l’Intérieur et de la protection civile s’est dit peiné d’entendre que les forces de l’ordre sont impliquées dans des situations qui ne font pas honneur à l’uniforme. Cependant, il a soutenu que tous ses agents ne sont pas mauvais en reconnaissant qu’il y a des brebis galeuses parmi eux. C’est pourquoi, il a sollicité les élus de la nation à l’aider à identifier ces agents. Concernant l’équipement des forces de l’ordre et de sécurité, le Général Sada Samaké a indiqué que son département n’a pas tous les moyens pour faire face à ses besoins de sécurité. S’agissant de la criminalité sur les frontières, il a rappelé qu’à l’époque il existait une coopération entre le Mali et ses voisins. Ce qui avait contribué à réduire la criminalité le long des frontières. Selon lui, cette coopération avait été abandonnée, avec son arrivée à la tête du département de l’Intérieur, il l’a activée. Sur les faits dénoncés par l’Honorable Amadou Maïga, il a relevé que cette zone du Mondoro constitue le ventre mou de notre dispositif sécuritaire.
Pour ce qui concerne la pénurie des cartes d’identité, Sada Samaké a expliqué que cette situation est due à un problème de dotation budgétaire. Car, a-t-il noté, ce qu’on lui donne comme budget pour confectionner les cartes est inférieur à la demande annuelle de cartes d’identité. Sinon, a-t-il rectifié, à ce jour le Groupe Tomota qui confectionne les cartes d’identité n’a aucun impayé envers l’Etat malien. Quant à la sécurité de nos document administratif, notamment le passeport, il a annoncé que le Mali est sur le point de mettre en place un nouveau passeport électronique avec puce. Ce qui va réduire considérablement, selon lui, les risques de falsification.
Youssouf Diallo