Avec l’appui du ministère de l’Education nationale, des amis et des collègues de Lamine Tiécoura Coulibaly préparent l’organisation d’un prix qui va porter le nom de l’illustre disparu. On se souvient que cinq mois après la disparition du mari, Fatoumata, la veuve de Lamine Tiécoura Coulibaly (LTC), a reçu le trophée de reconnaissance du dévouement. La distinction décernée par le ministère de l’Education nationale au défunt journaliste-réalisateur a été remise par Mme Keita Aminata Maïga, l’épouse du président de la République. C’était le 8 septembre 2016. À la Une du quotidien national «L’ESSOR» du lendemain, on voyait la dame recevoir la distinction avec Moustaph Coulibaly-un des aînés de Lamine-à sa gauche.
Présentateur et réalisateur de l’émission «à l’écoute de l’école» à la télévision nationale depuis 2005, «LCT» a aussi été un défenseur de notre environnement à travers les soutiens qu’il apporta à l’ONG-AGIR, peu comprise alors. C’est après plus d’une vingtaine d’années de lutte pour la sauvegarde de nos ressources forestières et animales et la protection de la couche d’ozone que la promotrice de cette ONG, accède au statut de Première dame. Reconnaissance, ce jour donc, dans la salle omnisports du stade Modibo Keita, le Ciwara (distinction en milieu rural pour le grand producteur ou encore l’intrépide guerrier) est remis devant une bonne partie de la famille Coulibaly dépêchée de Ségou.
Le 8 septembre 2016 n’a pas été choisi au hasard pour la remise du trophée. Ce jeudi, le monde entier célébrait la journée de l’alphabétisation et, Lamine Tiecoura dont le parcours a été plus dense que long, a tant contribué à l’instruction et à la lutte contre l’analphabétisme au Mali. L’ancien de l’ENSUP de Bamako qui, formé à l’enseignement (maîtrise en histoire et géographie), a dispensé des cours pendant quelques années avant d’opter pour la formation de masses qu’est le journalisme dans un pays en voie de développement. Si la distinction au pédagogue et communicateur n’était pas écrite, elle est éminemment méritoire.
Janjo pour Lamine Tiécoura : Apprendre pour partager.
Contrairement à la plupart des journalistes, le fils du défunt Tiécoura (enseignant des années cinquante), ne se laissait pas emporter par les impératifs de temps et de bouclage. Lui savait dompter le moment, tout en se laissant le recul de la vérification. La preuve par l’écrit. «Pas d’information sans recoupement» avait-il coutume de rétorquer. En définitive, quand on a lu, écouté ou vu son compte-rendu, l’homme finit par convaincre. Après sept premières années de pratique, l’originaire de Kankelenbougou, Lamine Tiecoura s’est avéré non pas seulement un historien du présent comme le commun de ses confrères, mais un relais pour remettre le passé au goût du jour. Lamine Tiécoura Coulibaly (2 février 1959 à Ségou-23 avril 2016 Bamako), sans toujours avoir été témoin, a assuré la transmission entre nos contemporains et l’histoire récente du Mali. Plus jeune, le fils d’instituteur (le défunt père est à l’origine de l’ouverture de l’école fondamentale de Hamdallaye ‘’A‘’ de Ségouen 1958), est d’abord orienté vers l’enseignement avant de s’engager pour le journalisme, autre art ou science de formation.
Le fils de Tiécoura a 26 ans quand il sort de l’Ecole normale supérieure de Bamako, le 19 juin 1985, détenteur d’une maîtrise en histoire géographie. Les programmes d’ajustement structurels ne sont pas loin. Plutôt que d’embaucher, l’Etat dégraisse ses effectifs. Enseigner devient synonyme de précarité économique et d’informel salarial. Vacatariat. «Professeur Lamine», comme l’appelaient ses élèves, dispense des cours dans des établissements tels le lycée Sankoré, le Centre de formation technique de Quinzambougou (CFTQ) et le centre de formation des techniciens du Mali (CTM). Le jeune homme est rigoureux avec les apprenants, polémiste mesuré avec les collègues, timide avec les aînés, mais curieux et persévérant dans tous ses domaines de prédilection.
Autant qu’il a soif d’apprendre, il veut partager son savoir avec davantage de concitoyens. La fonction d’informateur des populations l’a toujours fasciné, il décide de devenir journaliste. Avec sa culture générale, il a un bagage intellectuel consistant, c’est donc sans surprise que le jeune homme est admis au sélectif concours d’entrée au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI -il est de la session du 28 novembre1994) de l’Université Cheick Anta Diop de Dakar. Communiquer ou enseigner, ou alors pratiquer les deux vocations ?
Communiquer avec pédagogie.
Retour au pays. À partir de 1995, Lamine collabore principalement avec un des premiers organes de l’espace médiatique privé, ’’Le Républicain’. Les sujets culturels le captivent, ceux relatifs à l’intégration et le panafricanisme le fascinent, mais on ne tarde pas à le diriger sur le traitement de la politique politicienne et de l’économie nationale. La craie et le micro, le tableau et les ondes. La plume dans une main, la craie dans l’autre, il continue de dispenser des cours pendant ses moments libres. En 1996, Lamine opte pour la radio nationale. Le stage n’est pas rémunéré, il permet de jauger la théorie de l’école face à la pratique professionnelle malienne ; ensuite, ce sont des années de bénévolat (ou de galère) et un statut de collaborateur extérieur mensuellement payé… 7500 Fcfa (une misère). Stoïque et grand seigneur, Lamine reste lui-même, il est déterminé à faire carrière dans la plus grosse maison d’information du pays. Le Ségovien est un homme de sacrifice. Il alterne reportages et missions avant de se lancer dans la production de magazines et ensuite de documentaires (déjà c’est la conception son affaire).
La patience comme méthode
Pour être allé à bonne école, Lamine a très tôt le sens de la méthode. La porte d’entrée fut l’éducation de base d’alors ; il veut aller, palier par palier. Le linguiste Mountaga Diarra se souvient que vers 2001, la direction nationale de l’éducation de base était sous la responsabilité de Souleymane Koné, le cadre qui profite actuellement de son droit au repos avait craint la situation qui arrive à l’éducation. S’il n’était révolutionnaire, il est visionnaire. Également à la retraite, notre interlocuteur, qui était parmi les proches collaborateurs du DNEB, rappelle que Lamine Tiécoura a ainsi passé en revue les réalités des différents niveaux d’enseignement : l’éducation de base comprenait le préscolaire, le fondamental, l’enseignement non formel ; l’enseignement normal, l’initiation et la formation continue des maîtres. L’émission «à l’écoute de l’école» a également exploré l’école communautaire, le secondaire, l’enseignement technique et professionnel et bien sûr, le supérieur équidistant. Bien qu’il ait estimé certains leaders de la scène publique, il n’a voulu flirter avec aucun régime politique parce qu’il savait le vécu politique amovible et ce qui restant d’idéal vacillant. Toutefois, si ce n’était Lamine bien des commémorations ou fêtes nationales seraient passées inaperçues (le talent de Sory Ibrahima Keita mis à part).
Volontaire et patriote, LTC savait rappeler le contexte et la symbolique des événements du passé. Tout comme le rôle des acteurs de l’époque en question : par exemple, pour le centenaire de l’église catholique au Mali, le départ du dernier soldat colonial du Soudan français ou la contribution des combattants africains à la libération de la France.
La première année de la disparition du journaliste s’écoule avec la destruction d’autres bibliothèques : tout aussi affables que prolixes, les écrivains Bakary Kamian et Albakaye Ousmane Kounta ne sont plus (n é en 1928 , l’auteur ‘’Des tranchées de Verdun ’’ est décédé en décembre 2016) et Albakaye instituteur, économiste, écrivain et promoteur de société immobilière (auteur du roman «Les sans repères» aux éditions Grandvaux-France et du récit d’aventure «couleurs et douleurs du silence» (éditions Tombouctou 2014) et «mes journées à Banconi» sous presse aux éditions Jamana Bamako. Natif de Tombouctou du 7 février 1935, ‘’AL’’ a poussé son dernier soupir le vendredi 10 mars dernier à Paris). Plus d’une fois l’un et l’autre ont été des personnes ressources sollicitées. Tout comme l’officier Sega Sissoko qui fut directeur du musée des armées ou encore le célèbre capitaine Almamy Nientao qui administra la maison d’arrêt de Kidal. Ou encore l’universitaire Doulaye Konaté, l’Unescosien Baba Hakib Haïdara, les linguistes Nouhoun Diakité dit ‘’Banouh ‘’, Adama Samassekou et Abdoulaye Sall, président de Cri 2002. Ces personnalités font également partie des intellectuels qui ont fait partager de connaissances à son micro. Avec des spécialistes, de modestes enseignants et des anonymes, ils sont légion…
Un point d’honneur
L’instituteur mettait un point d’honneur à la préparation avant dispensation d’un cours. Lamine était nourri de cette vocation. Puriste, il était à cheval sur la syntaxe et la grammaire, aussi savait-il imprimer de l’envergure au contenu de ses émissions. De 2005 à 2016, chaque thème, chaque numéro de «à l’écoute de l’école» a été concocté comme une leçon en classe (notre confrère Youssouf Doumbia témoignait dans ‘’L’ESSOR’’ du 27 avril 2016, page 7«….pour lui la qualité du travail n’était pas négociable…». À juste titre, la sagesse africaine nous enseigne que «la mort peut engloutir l’homme, mais pas son nom, ni sa réputation».
’’Professeur’’ pour les uns, ‘’Coulou’’ pour les autres, le patriotisme de LTC avait déjà affronté la mort. En juillet 2009, il est l’unique survivant d’un accident de la route au retour d’une mission à Kayes consacrée justement à l’émission hebdomadaire «à l’écoute de l’école». Le traumatisme est important mais l’homme ne baisse pas les bras ; dès qu’il est physiquement rétabli, le magazine télévisuel continue avec de nouvelles productions de même que ‘’ les méandres de l’histoire ’’ sur ‘’la chaine 2’’ de la radio nationale, et l’auteur s’engage sur une autre émission télé ‘’les cahiers d’hier‘’, toujours pour rappeler le don de soi des pionnier-bâtisseurs.
Aujourd’hui et demain, aussi justes que nous serons, nous avons chacun un monde avec une fin. Lamine Tieéoura Coulibaly nous a quittés le 23 avril 2016 à seulement 57 ans. Il a été un modèle de dévouement, et a indiqué des valeurs, un patrimoine médiatique immense. Les Coulibaly excellents sont-ils rares ? Pourrions-nous être des ’’LTC’’ ?
MOÏSE TRAORE (ORTM).
Email : motra3000@yahoo.fr.
camarade de classe et ami d’enfance de Joe Blacky c’est ainsi que nous appelons Lamine, je reconnais que l’homme est fidèle en amitié et reconnaissant. avec lui nous avons partagé des moments d’insouciance qui nous faisaient faire des folies et des blagues jamais méchantes. Repose en paix Joe Blacky.
Adieu Cher Ami
Nous nous sommes connus en 1971 à l’école fondamentale second cycle de Kidal et le partage de la langue bamanankan que nous avions en partage a contribué fortement à la consolidation de notre amitié. Avec l’obtention du DEF en 1973, nos chemins se séparèrent: LTC fut orienté dans un lycée de Bamako tandis que le Lycée Franco Arabe de Tombouctou m’accueillit. Nos études supérieures ne nous ont pas permis de cultiver au quotidien cette amitié: lui à l’ENSUP, moi en Faculté de droit au Maroc.
Quelques années plus tard, alors que j’étais en compagnie d’un camarade journaliste Oumar Touré dit Bolgo aujourd’hui décédé, j’entendis une voix m’interpellant dans la cour de l’ORTM : en me retournant, mon regard tomba sur l’inflexible LTC. Certes, j’étais son aîné mais j’ai pu mesurer l’affection qu’il m’a portée ce jour. Il m’interrogea sur une phrase que j’avais oubliée et que j’aimais répéter pendant notre adolescence à Kidal “pourquoi vivre s’il faut donc mourir?” Bolgo rétorqua: arrêtons de philosopher et allons déjeuner à la cantine de l’ORTM…
Lamine, je te dois beaucoup: humblement tu es venu, modestement tu es parti. Dors en paix et que le Ciel de protège.
Oumar SENOU
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