Sur les traces des rapatriés de la Libye et de la Côte d’Ivoire :Sortis des braises ardentes d’Abidjan et de Benghazi, quelles perspectives s’offrent désormais à ces Maliens ?

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La crise survenue en Libye et en Côte d’Ivoire a vite basculé la vie de nombreux Maliens vivant dans ces deux pays et qui se sont vu obligés de tout abandonner pour sauver leur peau. Ils sont 8424 revenus de la Libye et 1188 de la Côte d’Ivoire. Quelles perspectives s’offrent à eux une fois qu’ils sont maintenant de retour au pays? Pour en savoir davantage nous avons mené l’enquête.

Ils sont des milliers de Maliens à avoir été rapatriés de la Libye et de la Côte d’Ivoire, deux pays auparavant considérés comme un eldorado par nombre de nos compatriotes, mais qui sont aujourd’hui plongés dans la guerre civile. Si le rapatriement de la Libye a pris fin en raison des multiples rotations organisées pour extraire nos ressortissants des braises ardentes des combats, une bonne partie des Maliens de Côte d’Ivoire devront encore prendre leur mal en patience car les opérations de rapatriement sont momentanément suspendues. Le dernier convoi est arrivé à Bamako le week-end dernier. Cela du fait qu’aucune route n’est praticable à cause de l’insécurité et les transporteurs n’osent plus pointer le nez dehors. Nos compatriotes doivent donc se contenter de se terrer chez eux, sous le sifflement des balles crachées par les armes à feu et le grondement des canons. Certains sont même partis se cacher dans les locaux de l’ambassade du Mali. Le chef d’État reconnu de la Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara, a même décrété un couvre-feu pour la sécurité des civils. Cependant, ces Maliens venus de la Libye de Mouammar Kadhafi et de la Côte d’Ivoire, ont une histoire et ils reviennent de très loin. Ils sont sortis d’une situation périlleuse. Certains ont failli y laisser leur peau.

Tout d’abord, en Libye, lorsqu’éclata en début du mois de mars la crise sociale, il ne faisait plus bon d’être Noir. Cette phrase n’a rien de raciste, elle dépeint la triste réalité à laquelle sont confrontés les noirs africains en Libye. Des milliers de ressortissants d’Afrique subsaharienne sont pris au piège du soulèvement populaire contre le colonel Mouammar Kadhafi et se terrent chez eux sans ressources, menacés par les insurgés qui les assimilent à des mercenaires. Attirés par l’eldorado que représentait ce pays, un des grands producteurs de pétrole et de gaz du monde, ces Subsahariens étaient venus travailler comme ouvriers ou manœuvres et les voilà subitement confondus avec des tueurs. Une véritable déconvenue.

Le gouvernement malien s’est mobilisé, aidé en cela par l’Organisation internationale des migrations et le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pour sauver nos compatriotes des gouffes de la mort. Au bout d’un mois et plus précisément à la date du 30 mars, ce sont 8424 Maliens revenus de la Libye qui ont été enregistrés par le ministère des Maliens de l’extérieur. 7598 sont venus par avion et 826 par la route. 51 rotations d’avions entre Bamako et Tripoli ont été nécessaires pour leur rapatriement.

Au même moment, la crise qui couvait sur les berges de la lagune Ebrié s’est vite détériorée et a même pris les allures d’une guerre civile. Le ministère chargé des Maliens de l’extérieur a sollicité le Conseil malien des transporteurs routiers pour l’acheminement de nos compatriotes. Celui-ci en a profité pour poser des conditions. Les frais de transport par personne étaient fixés à 65 000 FCFA.

En plus, en cas de dégâts ou panne, l’État paye les dommages et intérêts. Ce n’est pas tout. Ils ont demandé une escorte assurée par des militaires maliens. Ç’en était de trop pour le gouvernement qui, finalement, s’est rabattu sur des transporteurs ivoiriens. Ceux-ci ont accepté l’offre du gouvernement et ont transporté nos compatriotes à un tarif de 50 000 FCFA par personne. Deux convois de 700 personnes, sans compter les enfants, sont arrivés à Bamako. Lorsque nous nousmettions sous presse, un autre convoi venait de tirer 498 personnes de la fournaise ivoirienne.

Par ailleurs, si les Maliens ont salué unanimement et spontanément la promptitude avec laquelle les autorités ont fait rapatrier nos compatriotes, nombreux sont également ceux qui s’interrogent sur le sort réservé à ces personnes rentrées au pays dans un état de dénuement total. Des personnes qui ont été obligées de tout abandonner et d’autres qui ont été spoliées de leur fortune.

Quelle alternative, l’État malien leur propose t-il ?

Que sont-ils devenus après les cérémonies protocolaires ?

Au département des Maliens de l’extérieur on nous a fait savoir qu’une fois arrivés à Bamako, les rapatriés sont accueillis à la direction régionale de la protection civile avant d’être envoyés chez eux. Ils sont embarqués dans des cars pour ceux qui viennent de l’intérieur du pays et dans des taxis pour ceux qui sont de Bamako. C’est après qu’ils se regroupent dans des associations de rapatriés pour solliciter l’appui de l’État. Pour comprendre tout le processus, nos interlocuteurs du département des Maliens de l’extérieur ont rappelé le mécanisme de la réinsertion des premiers rapatriés du pays d’Houphouët Boigny lors de la crise de 2002.

Pour la petite histoire, c’est par Ordonnance N°00-046/P du 25 septembre 2000 que la Délégation générale des Maliens de l’extérieur a été créée. Elle a pour mission “d’élaborer les éléments de la politique nationale en matière d’administration, d’assistance, de protection et de promotion des Maliens de l’extérieur et d’assurer par la même occasion la coordination et le contrôle des missions diplomatiques et consulaires qui concourent à la mise en œuvre de cette politique. Elle est aussi chargée de veiller à la protection des intérêts des ressortissants maliens établis provisoirement ou de façon permanente à l’étranger “.

Bref, elle est chargée d’animer, coordonner et suivre les différentes actions d’insertion, veiller à la création des conditions permettant la participation des Maliens de l’extérieur au processus de développement économique et social du pays. Entre 2002 et 2003, la DGME s’est illustrée avec la venue de la première vague des Maliens rapatriés de la Côte d’Ivoire. Après les avoir accueillis, ces rapatriés regroupés en associations ou organisations furent orientés pour leur insertion. Pour assurer cette réinsertion, un cadre de partenariat lie la Délégation générale des Maliens de l’extérieur à certaines structures de l’État et aux organisations internationales.

Il s’agit notamment de l’Organisation internationale des migrations, l’Union Européenne à travers le CIGEM, le BIT, l’ANPE, le Fonds de solidarité national. Ces migrants, à travers leurs associations, sont accueillis, orientés et suivis par la DGME. Ils sont ensuite informés sur des opportunités qui existent et sont orientés vers les structures étatiques privées ou internationales. A titre illustratif, des associations ou groupements de femmes ont bénéficié d’appui financier de l’ANPE, du Fonds de solidarité national, du projet BIT (Bara ni soro). Toujours est-il que dans le cadre de l’appui, on peut citer l’Association de femmes rapatriées de la Côte d’ Ivoire qui a bénéficié d’un financement de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi pour la production de l’attiéké à travers la ville de Bamako, l’Association des Maliens rapatriés de la Côte d’Ivoire avec un projet de maraichage des migrants financé par le fonds de solidarité national.

A en croire Madame Sy Kotiary Ba, chef du département promotion économique et réinsertion des Maliens de l’extérieur, le gouvernement a initié un projet d’appui triennal 2007-2009 en direction des associations et regroupements de Maliens de retour forcé ou volontaire. Dans le courant de l’année 2007, des moulins et des machines à coudre ont été offerts à des rapatriés et en 2008, 27 associations ont bénéficié d’un important lot d’équipements : 16 moulins, 48 motopompes, 50 motoculteurs, 54 machines à coudre et du matériel de teinture. Quatre hectares cultivables à Manicoura et d’autres superficies à l’Office du développement rural de Sélingué sont offerts à des migrants.Les équipements octroyés ont permis à beaucoup de rapatriés de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.

Dans le cadre de cette politique, plus d’une trentaine d’associations de Maliens venus de l’extérieur ont fait l’objet d’une insertion socioprofessionnelle. Raison de plus pour qu’au ministère des Maliens de l’extérieur on indique que les Maliens rapatriés ou victimes d’expulsion n’ont jamais été mis de côté dans le processus de développement.

Dans le cas des rapatriés de la Côte d’Ivoire et de la Libye, un projet est d’ores et déjà à l’étude pour accélérer leur réinsertion socioprofessionnelle. Ce projet, nous a-t-on assuré, sera de nature à fixer définitivement les rapatriés sur place, même une fois la situation redevenue normale dans les pays d’accueil. Idrissa Diabaté fait partie des rapatriés de la Libye. Il nous a indiqué qu’après leur arrivée, lui et ses camarades ont été approchés par certaines associations de migrants qui les ont exhortés à monter des projets. Lesquels seront soumis à la Délégation générale des Maliens de l’extérieur. Youssouf Doumbouya, lui, est venu de la Côte d’Ivoire et dit avoir déjà approché le département pour savoir les perspectives qui s’offrent à lui et aux autres rapatriés.

Ces rapatriés vont bénéficier des appuis du gouvernement soit en se regroupant en association ou en organisation de façon individuelle.

Abdoulaye DIARRA

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