Du jeune de la 2ème génération né sur le territoire français au vieux qui a passé des dizaines d’années en foyer en France, en passant par ces Maliens qui, plus récemment, ont fait le sacrifice de quitter leurs familles et amis, toute cette diaspora, tous ces gens, que Koulouba et la Primature nomment les Maliens de l’extérieur, ont le regard inquiet depuis janvier 2012.
Les marches, les actions et les réunions se succèdent. Aux yeux du Français lambda, ces Maliens qui n’étaient «que des immigrants», que «des Western Union», sont devenus l’incarnation d’un pays martyrisé. Bien avant déjà, pour avoir des nouvelles du pays, ces Maliens «de l’extérieur» avaient un budget mensuel «cartes téléphoniques prépayées» très élevé, et pour ceux dont les frères et sœurs avaient accès à l’internet, skype était le lien qui permettait de ne pas oublier les visages, de voir les enfants grandir et d’entendre les bruits de la vie au pays. Chaque foyer malien «de l’extérieur» était déjà abonné aux bouquets TV africains, regardait, écoutait les médias internationaux, et surfait sur l’internet. Depuis Aguelhok, il ne se passe pas un jour sans que chacun, à Paris ou ailleurs, ne tente de décrypter les informations pour comprendre ce qui se passe vraiment au pays. Des émissions entières sont consacrées au Mali, des gens sont invités à parler au nom des Maliens, des experts, toubabs pour la plupart, analysent et expliquent. Très vite, en Ile de France comme dans les régions, les communautés maliennes et leurs amis ont commencé à se réunir, à échanger pour faire entendre leur voix. Très tôt, des marches ont été organisées en soutien aux sœurs et frères restés au pays, ou en signe de protestation devant les représentations diplomatiques et devant le parlement européen. Les slogans et pancartes des Maliens de l’extérieur scandaient leur rejet de l’obscurantisme, leur attachement au Mali un et indivisible. Des motions étaient rédigées et transmises par voie diplomatique pour marquer l’indignation de leurs collectifs et associations quand le médiateur de la crise qui sévit dans le pays rencontrait tel ou tel groupe déclaré, contre toute attente, plus «fréquentable» que d’autres. La diaspora a accueilli l’opération Serval avec la même gratitude, le même soulagement que les familles au village. La guerre de libération des premières villes du nord que le monde entier a suivie sur les écrans était «propre». Personne au monde n’était dupe, on en saurait peut-être plus ensuite.
Mais, soudain, alors que seule Kidal restait à délivrer, le MNLA, prétendant parler au nom de toutes les populations, déclara l’accès à la capitale de l’Adrar des Iforas interdit aux forces armées maliennes et demanda à négocier avec le gouvernement malien et ses partenaires. Ce fut la consternation au Mali comme à l’extérieur, l’incompréhension, et surtout la déception. Pourquoi la parole était-elle redonnée au 1er groupe d’occupation, sur les médias français et internationaux ? Depuis, les Ag, Maïga, Ould, Sow du monde entier se sentent souillés par cette communication mensongère. Les Maliens de l’extérieur, les Camara, Coulibaly, Dicko, Guindo, Keïta, Traoré, tous multiplient les actions à leurs côtés pour contrecarrer cette campagne médiatique. Ensemble, ils font entendre leur voix à chaque fois qu’un porte-parole de ce groupe est invité à intervenir. Ensemble, ils demandent à leurs compatriotes, au pays comme à l’extérieur, de témoigner. Ensemble, ils contactent les médias et les représentations locales, nationales, européennes, africaines et internationales. Leur détermination vient d’être confortée par le mandat national et international lancé contre les dirigeants de tous les groupes terroristes et narcotrafiquants. Les Maliens de Kayes à Kidal, qu’ils vivent au pays ou à l’extérieur se connaissent, ils savent qui est qui et qui a fait quoi. Malgré les difficultés qui restent à traverser, c’est ensemble qu’ils feront émerger la vérité afin que le Mali retrouve paix et sérénité.
Françoise Wasservogel