Depuis samedi, plus de 3 200 personnes ont été secourues sur des embarcations de fortune dans cette zone, selon le décompte des garde-côtes italiens.
Nouvelle nuit d’horreur pour des migrants en mer Méditerranée. Ce jeudi 17 novembre, le récit de 27 rescapés porte à au moins 16 morts et 340 disparus le bilan des drames de cette semaine en Méditerranée. Ils ont passé deux jours et deux nuits ballottés par les flots, accrochés à ce qu’il restait de leur canot. Et alors que les migrants continuent de prendre la mer en nombre, le retrait progressif des navires humanitaires pour l’hiver fait redouter que cette litanie se poursuive en cette fin d’année déjà record avec au moins 4 518 migrants morts ou disparus en Méditerranée selon le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).
Les 27 rescapés du dernier canot naufragé, tous des hommes parfois très jeunes, ont raconté être partis à 130 d’une plage près de Tripoli vers 2 heures lundi, selon leurs propos rapportés par Médecins sans frontières (MSF). Après plusieurs heures de navigation, les passeurs qui les accompagnaient sur un autre bateau ont récupéré le moteur de leur canot pneumatique et les ont abandonnés à leur sort, sans possibilité de manœuvrer face aux vagues ni téléphone satellitaire pour appeler à l’aide. Le canot surchargé a vite commencé à prendre l’eau, puis à se dégonfler. La mer était agitée : au fil des heures, les vagues et l’épuisement ont emporté un par un des dizaines de passagers.
“Ils sont épuisés”
À l’arrivée mercredi à la mi-journée du navire militaire britannique Enterprise, engagé dans l’opération anti-passeurs Sophia, il n’y avait plus que 27 jeunes hommes accrochés à ce qu’il restait du canot. Recueillis par l’Enterprise, les rescapés, originaires essentiellement du Sénégal mais aussi de Guinée, de Gambie, du Mali et de Sierra Leone, ainsi que six corps retrouvés autour du canot, ont été transférés sur le Bourbon Argos de MSF. “Ils sont épuisés, sous le choc et traumatisés”, a expliqué à l’AFP Michele Delaro, coordinateur MSF joint par téléphone à bord du Bourbon Argos, qui était revenu dans la nuit dans la zone des secours après avoir débarqué à Trapani (Sicile) près de 800 migrants secourus il y a quelques jours.
Ce nouveau drame vient s’ajouter à une série déjà lourde : lundi, seules 15 personnes ont survécu au chavirage d’un canot transportant environ 150 migrants et mardi, 23 rescapés ont été retrouvés autour d’un autre canot qui transportait 122 personnes. Lors de cette dernière opération et d’une autre difficile lundi, les sauveteurs avaient récupéré neuf corps sans vie et vu un dixième sombrer.
Les conditions de navigation se dégradent
Si les 15 rescapés du premier canot sont arrivés mercredi matin à Catane (Sicile), les 23 du deuxième, transférés sur l’Aquarius de SOS Méditerranée et MSF, étaient attendus vendredi matin à Reggio Calabria (Sud). “Ils sont pour la plupart traumatisés et souffrent de crises d’angoisse. Un jeune garçon s’est effondré en larmes en demandant sa maman. Un autre a écrit une liste de noms de personnes qui voyageaient avec lui et ne cesse de la relire”, a rapporté à l’AFP une porte-parole de SOS Méditerranée.
Depuis samedi, plus de 3 200 personnes ont été secourues sur des embarcations de fortune dans cette zone, selon le décompte des garde-côtes italiens qui coordonnent les opérations. Ce chiffre représente l’équivalent du total enregistré sur tout le mois de novembre l’année dernière et confirme, après un mois d’octobre record, le rythme élevé des départs malgré la dégradation des conditions de navigation.
Les canots pneumatiques surchargés sur lesquels les passeurs entassent en général entre 120 et 140 personnes, parfois même plus, prennent l’eau dès les premières vagues et peuvent rapidement se dégonfler ou se renverser. Et le désengagement progressif des navires humanitaires, qui n’ont pas les moyens techniques ou financiers de rester tout l’hiver, laisse un vide qui oblige les garde-côtes italiens à faire de plus en plus souvent appel à des navires commerciaux pas du tout équipés pour les secours. “C’est une réelle catastrophe humanitaire qui se déroule sous nos yeux. Il est urgent que les États européens prennent leurs responsabilités et mettent enfin en place une réponse adéquate”, a commenté Sophie Beau, responsable de SOS Méditerranée.