L’accord signé entre le Mali et l’Espagne sur l’immigration en 2007 peine à produire des résultats tangibles dans le cadre de la migration circulaire entre les deux pays.
Le 23 janvier 2007, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale du Mali, Moctar Ouane et son homologue espagnol en charge des Affaires étrangères et de la Coopération, Miguel A Moratinos ont signé un accord-cadre de coopération en matière d’immigration. Ce document de huit pages, dix-sept articles, traite en sept chapitres des questions relatives à l’admission des travailleurs, le retour volontaire des personnes, l’intégration des résidents, la migration et le développement, la coopération en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et le trafic des personnes, le suivi et l’application de l’accord-cadre.
De la lecture de l’article 3, « les parties contractantes encouragent l’emploi légal de ressortissants de l’autre partie contractante sur leurs territoires respectifs, après analyse de leurs marchés du travail et de la complémentarité de ces derniers, lorsque les qualifications professionnelles des ressortissants de la partie contractuelle d’origine répondent aux besoins des entreprises et des employeurs de la partie contractante d’accueil ».
Selon l’article 4, « les parties contractantes collaborent à la définition et à la mise de programmes de retour volontaire et assisté d’immigrants ressortissant d’une partie contractante ayant décidé de retourner dans leur pays d’origine, dans le cadre de projets de développement économique et social définis à partir de l’analyse de la situation économique et sociale des deux parties contractantes. Les programmes de retour volontaire et assisté précités incluent des aides pour faciliter l’intégration de la personne dans le pays d’origine. »
« Conscients que le phénomène migratoire est lié, entre autres facteurs, au manque de perspectives socioéconomiques dans les zones d’origine, l’Espagne et la société espagnole s’engagent à déployer des efforts pour contribuer au développement du Mali, en utilisant des mécanismes bilatéraux et multilatéraux mis à la disposition des parties contractantes, et en encourageant l’action des diasporas, en accord avec les dispositions visées dans le plan directeur de la coopération espagnole. », nous édifie l’article 7. Ce même article précise que « dans le cadre général de lutte contre la pauvreté, l’Espagne soutient les stratégies du Mali ayant pour but d’accroître les capacités économiques des populations plus vulnérables, y compris, en particulier, les programmes et les projets d’ «incitation à l’enracinement » visant la création d’emplois et la mise en place de conditions de vie appropriées dans les zones les plus pauvres. »
Echec de la gestion des flux migratoires !
L’article 11 prévoit la mise en place d’un comité bilatéral (ce comité se réunira au moins une fois par an, au Mali et en Espagne) composé par des représentants des deux parties pour sa mise en œuvre et son suivi. L’Espagne, selon toujours l’article 11, s’engage à soutenir en particulier la mise en œuvre de politiques publiques migratoires afin d’assurer une gestion ordonnée et une coopération des flux migratoires.
Pour Alassane Dicko, chargé de plaidoyer et de la communication à l’Association malienne des expulsés (Ame), ce type d’accord doit prévoir des leviers d’action et des conditions d’applications. Il s’agit, dit-il, de stationner les jeunes en investissant dans des projets. A en croire le chargé de plaidoyer et de la communication de l’Ame, cette gestion concertée de flux migratoires est aberrante pour ne pas dire un échec total.
Au ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration, on ne veut pas parler du non respect des clauses de l’accord. Ici, on est sensible aux « contraintes objectives » du partenaire espagnol qui a fait preuve de « bonne foi », pour reprendre l’expression de Seydou Kéïta, conseiller technique chargé des questions migratoires audit département. « C’est un processus qui suit son cours et il ne serait pas très objectif de parler du non respect à l’heure actuelle. », affirme Seydou Kéïta.
Les statistiques de la Délégation générale des maliens de l’extérieur (Dgme) montrent que la reconduite des Maliens vivant en Espagne a connu une nette augmentation depuis la signature de cet accord – cadre. De 2007 à 2011, l’Espagne a refoulé 2735 Maliens, dont 1410 pour la seule année de 2007. Pis, sur les 3660 Maliens que l’Europe a renvoyés au Mali de 2007 à 2011, la part de l’Espagne représente environ 74%. Toujours si l’on se réfère aux chiffres fournis par la Délégation, les expulsions de la France comptabilisent 895 contre seulement 3 pour l’Italie. Qu’est ce qui explique ce nombre élevé ? Le chargé du plaidoyer et de la communication évoque l’existence d’une commission d’identification au niveau de la DGME. Comme son nom l’indique, les membres de cette commission quittaient le Mali pour aller identifier les Maliens en situation irrégulière. M Maïga de la Dgme attenue le travail de la commission. «Quand la commission partait, elle recevait des instructions fermes de la part du département d’amener le minimum de Maliens. La plupart des gens qui venaient faisaient la même demande. Mais depuis l’ouverture de l’ambassade du Mali en Espagne, la commission a cessé de fonctionner.», a-t-il déclaré.
La crise est-elle un prétexte pour justifier l’arrêt de la mise en œuvre de cet accord ? Officieusement, oui ! Et pourtant, le montant d’aide au développement apporté par le Royaume d’Espagne au Mali a connu une augmentation conséquente. Même si le document «SEGUIMIENTO DEL PACI 2010 » que nous avons examiné sur le site du ministère espagnol des Affaires étrangères, il faut souligner que ce sont les ministères espagnols de l’intérieur et de l’immigration constituent les plus gros pourvoyeurs de l’aide espagnole. De 2007 à 2008, l’aide bilatérale brute par pays en faveur du Mali est passée de 12.766.452 à 21.596.471 d’euro contre 17.447.883 d’euro en 2009 et 21.440.276 d’euro en 2010.
Alassane Dicko préfère parler de la réorientation de l’aide au développement. « Depuis 2005 et 2006, la tenue du .dialogue de haut niveau à Rabat, les pays donateurs revisitent tout l’esprit de leur aide au développement à la gestion des flux migratoires, de la sécurité transfrontalières et de la démocratie. », souligne-t-il.
Non respect de clauses de l’accord !
L’une des violations de clauses de cet accord qui devait faciliter de façon régulière la migration circulaire entre les pays a été le nombre de travailleurs saisonniers autorisés à se rendre en Espagne annuellement. L’Espagne avait promis de recevoir 800 Maliens par an. Et si les travailleurs se comportaient bien, le nombre allait augmenter d’année en année. Chaque travailleur avait la possibilité de renouveler 4 fois de suite son contrat pour une période de 9 mois. Au bout de 5 ans, un certificat devait être offert à celui qui désire résider en Espagne.
Pour M Maïga de la DGME, c’est une volonté politique pour l’extension dynamique de la migration circulaire entre les deux pays. « L’Espagne traverse une crise sans précédent. A cause de la crise, l’Espagne n’a pas pu honorer son engagement. C’est le syndicat des exploitants de banane qui a accepté d’honorer l’engagement du gouvernement espagnol.», a-t-il souligné.
Depuis la signature de l’accord, l’Espagne n’a offert de visas qu’à 29 travailleurs saisonniers. Le départ de ce contingent a eu lieu en juillet 2009. C’est ce qui suscite la colère des organisations de la société intervenant dans le domaine de la migration.
Ce nombre est nettement en déça des 800 travailleurs qui devaient effectuer le voyage annuellement. Si les techniciens du ministère des Maliens de l’extérieur avec qui nous avons eu des entretiens jugent compréhensible cette situation, les organisations de la société civile s’insurgent contre ce qu’elles qualifient de passivité des autorités maliennes toujours prêtes à sacrifier les intérêts de leurs compatriotes. « C’est un accord de dupes », affirme le chargé de plaidoyer et de la communication à l’association malienne des expulsés (Ame). « Les termes sont unilatérales, une approche particulière du donneur de l’ordre. C’est un document de projection stratégique de l’Espagne dans une approche de l’U.e sur la gestion de migration et le contrôle des flux migratoires dans les pays d’origine. Cet accord découle d’un programme plus vaste qui s’appelle Plan Afrique pour le développement durable. Nous doutons fort si le Mali a participé à l’élaboration de l’accord. », a souligné Alassane Dicko. Le programme de retour volontaire prévu par l’accord est inexistant.
Détournement du processus de sélection des travailleurs saisonniers ! Le processus de sélection de ces travailleurs saisonniers fait intervenir plusieurs structures du gouvernement malien. Il y a, entre autres, la DGME, l’ANPE, le CIGEM. Selon Alassane Dicko, c’est le Centre d’Information et de Gestion des Migrations (CIGEM) qui devrait gérer le processus de sélection car, ayant fait des études exploratoires. Par la suite, c’est l’Agence nationale de l’emploi (ANPE) qui a été choisie.
A l’ANPE, qui est la seule structure disposant d’une expérience et d’une expertise, selon l’un de ses agents Housseiny Touré, on se veut catégorique. Les travailleurs ont été sélectionnés après un appel à candidature au cours duquel une centaine de dossiers ont été reçus. « Tout se fait en notre présence mais ce sont les espagnols qui choisissent selon leurs intérêts. » a déclaré Housseiny Touré, chargé de ce dossier à l’ANPE.
A la Délégation générale des maliens de l’extérieur, on souligne avoir écrit aux gouverneurs des régions d’envoyer les noms de deux représentants par cercle. La mission espagnole, l’ANPE et la Délégation ont sélectionné les 30 travailleurs. « On a joué un rôle de facilitateurs entre eux et les employeurs. De la phase de sélection à leur retour, on a participé à toutes les étapes. », a-t-il affirmé tout en reconnaissant qu’il y a eu un problème de coordination entre les différentes structures de l’Etat dans la gestion de cette affaire.
Karamoko Diarra est l’un des lieutenants de ce contingent de 29 personnes. Compte tenu de son âge, il a été désigné chef de convoi. Aujourd’hui, il fait le commerce de « chaussures usées» au marché de Ouolofobougou en commune IV du district de Bamako. « Ceux qui partent par la voie régulière bénéficient de toutes les conditions de sécurité. Le salaire variait de 600 à 800 euro y compris les heures supplémentaires. On coupe le logement, la sécurité sociale avant de donner leur salaire. Pendant notre séjour, on n’a pas eu de difficultés. On était bien logé. Chaque samedi, on mettait un véhicule à notre disposition afin que nous puissions nous rendre au marché pour des achats. L’activité principale tournait autour du jardinage.», a-t-il reconnu.
Bonjour le Sahara, l’impénétrable mur !
Difficulté évoquée par le doyen Diarra : des membres du groupe n’auraient pas perçu deux mois de salaires après la rupture de leur contrat. Sur les 6 mois définis par les clauses contractuelles, ils n’en ont fait que 4. Karamoko Diarra rappelle qu’ils ont pris le départ le 12 juillet 2009 pour revenir le 10 décembre 2009. Selon lui, la Délégation générale des maliens de l’extérieur ainsi que le ministère sont au courant de cette situation. Interrogé par nos soins, M Maïga de la DGME s’inscrit en faux contre ces propos. Pour nous, souligne-t-il, tous les travailleurs ont fait les six mois. « Aucun d’eux n’a dit qu’il a des problèmes avec son employeur. », a-t-il précisé.
Le non-respect des clauses, notamment l’arrêt du départ des travailleurs saisonniers, hypothèque le rêve de nombreux jeunes qui sont tentés d’emprunter la route de l’immigration clandestine. Selon Karamoko Diarra, le nombre très mimine envoyé dans le cadre de l’accord ne peut pas réduire l’immigration clandestine.
«C’est très mimine. Cela n’a pas diminué l’immigration clandestine », a-t-il souligné. Mamadou Kane, journaliste à la Radio Klédu a eu à faire un reportage dans le cadre du Projet «Sans papiers sans clichés, libres voix : mieux informer sur les migrations» de l’Institut Panos Afrique de I’Ouest (IPAO), sur les jeunes migrants bloqués dans la forêt de Sidimafa à Ousdja dans la région orientale du Maroc. Il souligne que le nombre des jeunes Maliens – uniquement des hommes en route pour l’Espagne au moment de son voyage tournait autour de vingt.
‘’…De plus en plus dur mais nous ne renoncerons jamais…’’
Après quelques tentatives infructueuses au cours desquelles ils ont failli laisser leur vie dans le Sahara, des jeunes candidats à l’immigration clandestine que nous avons eu à rencontrer au siège de l’Association des refoulés de l’Afrique centrale (Aracem) constatent avec amertume le durcissement des conditions du passage. « L’aventure, c’est devant. Ça devient de plus en plus dur mais nous ne renoncerons jamais », confient-ils à leurs interlocuteurs sous le couvert de l’anonymat en ajoutant qu’ils prendront la très risquée route du désert afin de rejoindre les côtes marocaines.
O. Diakité est un jeune malinké d’une vingtaine d’années qui rêvait de rejoindre son grand frère en Espagne. Après un bref séjour sur le territoire algérien, il se rend au Maroc pour tenter de gagner les côtes espagnoles. Malheureusement, son aventure s’arrêtera là avec son interpellation par les forces de sécurité qui le renvoient vers l’Algérie. Ce pays, qui a fait de la réduction des migrants clandestins, une arme de séduction à l’endroit de son partenaire de l’Union Européenne les a mis en prison avant de les renvoyer au Mali. Pour le moment, O. Diakité a mis en veilleuse son rêve pour se consacrer exclusivement à l’orpaillage traditionnel à une cinquantaine de kilomètres de son village natal. Mahamadou C. fait partie des premiers clandestins à être refoulés par l’Espagne après la signature de l’accord. C’était en février 2007. Les conditions difficiles de son expulsion ne l’ont pas dissuadé à repartir à l’aventure. Actuellement, il vit en Italie où il rejoint par mer, via la Tunisie. L’accord peine à produire des résultats tangibles.
L’étrange silence de l’Ambassade d’Espagne à Bamako !
Un déplacement sur le terrain, plus d’une vingtaine de coups de fil et d’une dizaine d’emails ! C’est la somme de nos démarches auprès de l’Ambassade du Royaume d’Espagne à Bamako. Premier contact : le 12 octobre. Après quelques échanges, le vigile nous remet un numéro de téléphone. «Vous appelez à ce numéro. Si l’on doit vous recevoir, vous allez venir », a-t-il confié. Le même jour, ça marche. Heureusement.
Une dame nous signifie que l’ambassadrice et son 1er conseiller, seuls à même de répondre à nos préoccupations, ne sont pas sur place. Elle promet de nous rappeler le plus rapidement possible. Effectivement en début de semaine, elle rappelle en nous demandant d’envoyer un message par émail pour expliquer nos besoins. Malgré notre insistance de nous mettre directement en contact avec l’ambassadrice ou son 1er conseiller, notre interlocutrice n’a pas voulu. Pourquoi ? Difficile d’y répondre. Mais pendant trois semaines, on combine l’envoi des emails avec des coups de téléphones.
Au finish, aucun rendez-vous ! Aucun responsable ne s’est montré disponible pour échanger sur le sujet. Seule consolation : le service de la coopération nous a guidés sur le site internet du ministère espagnol des Affaires étrangères. Ce qui nous a permis d’avoir quelques chiffres sur l’aide bilatérale apportée par l’Espagne à notre pays. Que cache cet étrange silence de l’ambassade d’Espagne à Bamako ? L’accord -cadre sur l’immigration est-il un sujet qui n’intéresse pas les autorités espagnoles ?
Par Chiaka Doumbia
IL est tant que les afriqains comprendre que cest mieux de reste dans ton propre pays tu a plus de liberte
Chakia Doumbia ,il y a actuellement 25% de chomeurs en Espagne ,et le chomage touche 50% des jeunes de moins de 25 ans !!!!!!! il y a de plus en plus d’espagnols en ce moment qui viennent chercher du travail en France ,alors tu ne veux quand meme pas que l’Espagne ouvre ses portes pour les maliens ?????
Misère de misère… ils ne sont même pas capables d’accueillir 1.000 jeunes maliens… c’est triste ça… 😉 😉 😉
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