Les trois mensonges ou “mythes” du Pacte mondial des migrations

0
Le rapport trimestriel du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres dresse un tableau inquiétant de la dégradation de la situation dans le centre du Mali. © REUTERS/Mike Segar
Le rapport trimestriel du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres dresse un tableau inquiétant de la dégradation de la situation dans le centre du Mali. © REUTERS/Mike Segar

La Conférence inter-gouvernementale chargée d’adopter le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières s’est ouverte le lundi 10 décembre, à Marrakech (Maroc). C’était en présence du secrétaire général de l’ONU, Antònio Guterres, de la Chancelière allemande, Angela Merkel, de plusieurs chefs d’Etat et chefs de gouvernement. Les représentants de 50 pays y étaient, sans oublier la présence de 700 journalistes.

C’est devant ce beau monde que le numéro 1 des Nations Unies a d’abord fait un vibrant plaidoyer pour le Pacte mondial pour des migrations. Avant de dénoncer des clichés, des mensonges, qu’il considère comme des mythes. Aussi, a t-il tenu à les dissiper. Ils sont au nombre de trois.

Mythe numéro un: le Pacte permettra aux Nations Unies d’imposer des politiques de migration aux États membres, empiétant sur leur souveraineté. C’est faux. Le Pacte n’est pas un traité. De plus, il n’est pas juridiquement contraignant. C’est un cadre de coopération internationale, ancré dans un processus intergouvernemental de négociation de bonne foi, qui réaffirme spécifiquement le principe de la souveraineté des États, notamment «le droit souverain des États de déterminer leur politique nationale en matière de migration.

Mythe numéro deux: la migration est essentiellement un mouvement de population du Sud vers le Nord.  C’est faux. La migration Sud-Sud est aujourd’hui plus importante que la migration Sud-Nord. Il y a plus de migrants africains dans d’autres pays africains qu’en Europe.

Mythe numéro trois: les pays développés n’ont pas besoin de migration.  C’est faux. Dans les nombreux endroits où la fécondité est en baisse et l’espérance de vie en hausse, les économies vont stagner et les populations vont souffrir de l’absence de migration.  Permettez-moi vous donner un exemple.  Ma mère au Portugal a 95 ans. Elle a besoin de soins à domicile 24h/24.  Lors de ma visite, je vois rarement une personne portugaise s’occuper d’elle. Ce sont normalement les migrants qui répondent à ses besoins jour et nuit et le Portugal n’est pas l’un des pays les plus riches du monde.  Il est clair que la plupart des pays développés ont besoin de migrants dans un large éventail de rôles essentiels, allant de la prise en charge des personnes âgées à la prévention de l’effondrement des services de santé. Passons donc du mythe à la réalité.

Selon le patron de l’ONU

“Aujourd’hui, plus de 80% des migrants dans le monde se déplacent de manière sûre et ordonnée d’un pays à l’autre.  Mais la migration non réglementée a un coût humain énorme: un coût en vies perdues au cours de périlleux voyages dans les déserts, les océans et les rivières et des pertes en vies humaines ruinées par des passeurs, des employeurs sans scrupules et d’autres prédateurs.  Plus de 60.000 migrants sont morts en déplacement depuis l’an 2000. C’est une source de honte collective.  Et bien sûr, derrière chaque nombre se cache une personne -une femme, un enfant, un homme, qui rêve simplement de ce que chacun de nous rêve: opportunité, dignité et vie meilleure.  Mais que leur mouvement soit volontaire ou forcé; qu’ils aient ou non pu obtenir l’autorisation formelle de circuler, tous les êtres humains doivent faire respecter leurs droits fondamentaux et leur dignité.

À mesure que les sociétés deviennent de plus en plus multi-ethniques, multi-religieuses et multi-culturelles, les investissements politiques, économiques, sociaux et culturels dans la cohésion sont essentiels.  Chaque membre, chaque groupe doit se sentir valorisé en tant que tel et avoir simultanément le sentiment d’appartenir à la société dans son ensemble. C’est le moyen de lutter contre la vague de fond actuelle du racisme et de la xénophobie.  De manière plus générale et tout aussi urgente, nous devons nous attaquer aux racines du mécontentement dans de nombreux pays face aux changements rapides et aux inégalités croissantes”.

 Que dit le Pacte

Le Pacte procède d’une démarche qui doit permettre d’aider non seulement les migrantes et les migrants, mais aussi les communautés d’origine et d’accueil.

Le Pacte reconnait l’importance, du point de vue du développement, des envois de fonds. Les sommes que les migrants envoient chez eux représentent le triple du montant de l’aide publique au développement, même si c’est dans leurs nouvelles communautés que les migrants dépensent 85 % de ce qu’ils gagnent.

Le Pacte insiste sur la nécessité de proposer davantage de filières légales permettant d’avoir accès aux pays, aux entreprises et aux marchés du travail qui ont besoin de ressources humaines. Grâce à ces filières légales il sera possible de lutter plus efficacement contre le trafic et l’exploitation.

Autre point important, le Pacte propose un cadre de réflexion sur les stratégies d’appui au développement dans les pays d’origine. La migration devrait être un acte de choix et jamais de désespoir.

Le Pacte vient faire entendre les voix des femmes et des filles, qui sont particulièrement vulnérables et représentent près de la moitié des 260 millions de migrants à travers le monde.

Le Pacte offre un cadre pour mieux se préparer à des problèmes imminents, à savoir notamment les mouvements de population aggravés par les changements climatiques.

“Le Pacte trouve son socle dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Je le répète : les principes et normes universellement reconnus, y compris la souveraineté de l’État, y sont réaffirmés.

Il est vrai que certains États ne sont pas avec nous aujourd’hui.  J’espère seulement qu’ils verront la valeur du Pacte pour leurs propres sociétés et se joindront à nous dans cette entreprise commune. Je me félicite du soutien mondial écrasant apporté à ce pacte», a expliqué Antònio Guterres.

 Elhadj Chahana Takiou,

envoyé spécial à Marrakech

Commentaires via Facebook :