L’obtention d’un visa d’entée en France est devenu, pour les Maliens, un chemin de croix au consulat de France. Après une décennie d’humiliation, ils décident de ne plus pousser la porte de cette «forteresse» imprenable. Afin, disent-ils, de préserver le peu de dignité qui leur reste.
«J’ai envie de dire à tous ces gens qui font la queue devant le consulat de France : arrêtez de déposer vos dossiers pour obtenir un visa. On a encore une petite dignité», témoigne en ces termes un homme d’affaire. Avant de conclure : «je ne demanderai plus jamais un visa d’entrée en France. Je veux préserver ma dignité».
Recueillis par
Mais le cas du Mali n’est ni critique, ni chronique, mais clinique. Au delà des raisons économiques, le Mali a, toujours, eu une tradition migratoire. Aboubacary 2, prince de l’empire du Mandé, a découvert l’Amérique. Avant Christophe Colombe. Selon les statistiques du ministère français des Affaires Etrangères, la communauté malienne en France est estimée à, environ, 4 millions d’âmes. Soit le 1/ 3 de la population totale du Mali. Leur contribution à l’économie nationale s’élève à plus de 153 millions d’euros par an. Soit 100 milliards CFA.
Les visas d’entrée en France, sollicités par les Maliens, sont motivés par la présence de cette forte communauté sur les bords de
LE PARCOURS DU CON…BATTANT
L’obtention d’un visa, au consulat de France, est devenu un chemin de croix pour les Maliens : humiliation, mépris….tout y passe. Sans compter le coût prohibitif du fameux « sésame ». Pénétrer dans la cour du consulat de France à Bamako, forteresse imprenable avec ses barbelés et ses caméras de surveillance, est un privilège rare. Comme la neige à Kidal.
Situé à l’entrée du Pont des Martyrs, il se distingue par l’interminable queue des demandeurs de visa, à la solde des policiers de faction. Dont le rôle est de filtrer les entrées. «La file d’attente dehors est choquante et dégradante. On ne nous respecte pas chez nous, pourtant nous méritons un minimum de courtoisie», déplore un témoin.
Pour déposer son dossier, il faut d’abord prendre un rendez-vous par téléphone. La gestion de ce rendez-vous est confiée à une société privée, un «calling center». Avec un coût d’appel facturé au triple de celui pratiqué par les opérateurs de la place : 300 CFA par minute.
Ensuite, vient le dépôt du dossier. « Il faut arriver à 7 heures du matin. Vers 8 heures, le vigile regarde si le dossier est complet et s’il estime que oui, il te laisse entrer dans la cour du consulat. On s’assoit alors sur des sièges dehors. Le premier guichet se situe à l’intérieur du consulat. Là on vérifie, une nouvelle fois, si ton dossier est complet et si tu as les documents photocopiés. On prend tes originaux et les photocopies et tu payes l’équivalent de 60 euros pour les frais de visa. On t’attribue un numéro de dossier. C’est après tout cela qu’on accède à l’intérieur du consulat. Une fois entré, on arrive au deuxième guichet. La première chose qu’on te demande, c’est de prendre tes empreintes digitales. Une fois tes empreintes prises, tu te rassois pour attendre l’interrogatoire qui aura lieu au troisième guichet », se souvient un étudiant en 4e année de gestion, venu solliciter un visa pour des vacances en France.
L’entretien se déroule avec les guichetières se déroule dans la troisième salle. Leur rôle est de «torturer» les demandeurs de visa. La durée de l’entretien varie selon la tête du client. «Il faut s’armer de courage pour ne pas exploser de colère, face à des questions très énervantes», indique un opérateur économique malien. Et un autre, d’ajouter : «Venu déposer mon dossier pour un visa d’affaire, la guichetière m’a tutoyé. Pire, elle ne m’a dit ni bonjour, ni au revoir. Comme si on était des voisins de quartier».
Même à l’issue de ce parcours du combattant et 60 euros déboursés, l’obtention du visa n’est pas garantie. Si la réponse pour l’obtention d’un visa de court séjour est rapide, celle d’un visa de long séjour peut durer plusieurs mois. Une éternité, ou presque, pour les demandeurs. Pour recevoir leur réponse, ils sont convoqués au consulat pour se voir remettre leur dossier. Sans les frais de visa.
Empêché de se rendre à un colloque international pour s’être vu refuser le visa, le président d’une association explique : «ça m’a coûté cher : «le billet était payé, les frais de visa, sans compter le gros travail fait avec les associations».
VISA : UN COÛT PROHIBITIF
Même les Français pure sucre ne sont pas épargnées par ces humiliations. De passage à Bamako, Mr M était au bord de la crise de nerf, au sortir du consulat de France : «Ici, on ne peut pas communiquer, peut-être, parce que nous ne sommes pas des êtres humains», a-t-il lancé à ses compatriotes. Avant de se barrer.
Ce qui choque nombre de demandeurs de visa, c’est le mépris des guichetières. «Ça ne me choque pas qu’on refuse le visa aux gens. Ce qui me choque, c’est l’humiliation dont on est victime au consulat de France».
A ces humiliations s’ajoute le prix prohibitif du visa. Pour déposer un dossier, chaque demandeur de visa doit allonger 40.000 CFA. Soit 60 euros. Avec 200 ou 250 demandeurs par jour, le consulat a de quoi pallier à la crise qui étouffe l’économie française.
Pour contourner les humiliations et, du coup, multiplier leur chance de disposer d’un visa, les demandeurs se tournent vers les «coxers», ces intermédiaires qui ont leurs entrées au consulat de France.
Selon des témoignages recueillis par les enquêteurs du Cimade, certains «coxers» arrivent à faire passer les dossiers qui leur ont été confiés par les demandeurs. Contre espèces qui sonnent en trébuchant. En introduisant leur dossier par la voie légale, les demandeurs ne sont pas sûrs d’obtenir le visa, encore moins la couleur de leur frais de visa.
«Ils nous pillent, car ils savent qu’ils ne vont pas nous délivrer de visa. Mais ils prennent le malin plaisir d’encaisser notre argent. Le consulat de France s’enrichit sur le dos des pauvres Malien », déplore un haut fonctionnaire.
Face à toutes ces tracasseries, les étudiants maliens préfèrent poursuivre leurs études aux Etats- Unis, au Canada ou en Afrique du nord où, les conditions d’accueil sont jugées meilleures à celles de
Le consulat de France à Bamako doit être la vitrine de
Oumar Babi