Au cours de leur traversée dans des pays africains, les migrants et les réfugiés subissent des souffrances inouïes. Dans leur nouveau rapport, le HCR et le MMC dénoncent ces violences contre des personnes en mouvement et interpellent les autorités nationales ainsi que la communauté internationale pour des actions concertées.
« Voilà trop longtemps que les abus effroyables qui sont infligés aux réfugiés et aux migrants en route demeurent invisibles », rapporte Filippo Grandi, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Le nouveau rapport de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Centre de recherche sur les migrations mixtes (MMC) du Conseil danois pour les réfugiés, intitulé « Personne ne se soucie de ta vie ou de ta mort en route », se donne pour devoir de rendre plus visibles les souffrances qu’endurent ces hommes et femmes sur les routes de la migration.
Difficile de recueillir les informations
Si les souffrances qu’endurent ces migrants ou ses réfugiés restent invisibles, c’est en raison de toutes les difficultés qui existent pour avoir de données exactes sur les pertes en vies humaines « dans le contexte des flux migratoires mixtes contrôlés par des passeurs et des trafiquants d’êtres humains ». Comme explication à ces difficultés, le HCR et le MMC indiquent que la plupart des décès de ces migrants « surviennent dans des circonstances inconnues, loin des autorités et des systèmes officiels de gestion des données et des statistiques ».
Néanmoins, ce rapport souligne qu’au moins 1750 personnes auraient perdu la vie en 2018 et 2019. 28 % de ces pertes sont intervenues durant la traversée du Sahara, indique-t-on. Au cours de cette année 2020, au moins 70 réfugiés et migrants ont péri, « dont au moins 30 personnes qui ont été abattues par des passeurs à Mizdah à la fin mai ».
Ce document arrive alors à la conclusion que la route migratoire est l’une des plus mortelles au monde pour les réfugiés et les migrants. À en croire ce nouveau rapport, « ces pertes en vies humaines viennent s’ajouter aux milliers d’autres personnes qui ont péri ou disparu au cours des dernières années lors de traversées désespérées de la Méditerranée pour rejoindre l’Europe depuis les côtes d’Afrique du Nord ».
Les formes de violences à l’encontre des migrants
En raison des abus, des massacres, des tortures, du travail forcé et des tabassages subis lors de leur passage par la Libye, les survivants, hommes, femmes et enfants, souffrent de troubles psychologiques. « D’autres continuent de témoigner avoir été soumis à des violences inouïes, notamment des brûlures avec de l’huile chaude, du plastique fondu ou des objets métalliques chauffés à blanc, des électrocutions ou de longs moments ligotés dans des postures éprouvantes », lit-on dans le communiqué de presse. Au rang des souffrances subies généralement par des migrants figurent également les violences sexuelles et sexistes. 31 % des personnes interrogées par les enquêteurs du HCR et du MMC témoignent avoir subi des violences de ce genre. 60 à 90 % de ces violences sont l’œuvre des passeurs en Afrique du Nord et de l’Est. « De nombreuses personnes ont signalé avoir été contraintes à la prostitution ou à d’autres formes d’exploitation sexuelle par des passeurs », explique-t-on. Mais en Afrique de l’Ouest, ces violences sont plutôt l’œuvre de membres des forces de sécurité, des forces armées et des agents de police, rapporte-t-on.
« Plus de 6200 réfugiés et migrants ont déjà été débarqués en Libye en 2020, laissant présager un dépassement probable des 9035 débarquements en 2019 », rapporte le communiqué. Bram Frouws, directeur du Centre de recherche sur les migrations mixtes fait alors comprendre que « le traitement inconsidéré des réfugiés et des migrants que nous constatons le long de ces routes migratoires est inacceptable ». À l’en croire, « les données que nous présentons montrent à nouveau que la Libye n’est pas un lieu de débarquement sûr pour ces personnes. »
Appel à l’action
Le HCR lance alors un appel à la communauté internationale à soutenir les autorités dans leur lutte contre les réseaux de traite d’êtres humains. Cette agence de protection des droits humains estime qu’il est urgent d’intensifier les efforts pour renforcer la protection des personnes en mouvement sur ces routes et instaurer des solutions crédibles et légales à ces voyages périlleux et désespérés. Pour y réussir, elle invite les États à renforcer leur coopération afin d’identifier et traduire en justice les auteurs de ces abus. Ce n’est pas tout, les États doivent partager des informations essentielles avec les organes de répression compétents. Ils doivent aussi démanteler les réseaux de passeurs et de trafiquants et geler leurs avoirs financiers. S’adressant aux autorités nationales, le HCR les invite à prendre des mesures résolues pour enquêter sur les signalements d’abus perpétrés par leurs fonctionnaires.
« Ces mesures doivent aller de pair avec les efforts engagés pour lutter contre les causes profondes de ces déplacements et avec un engagement sans faille afin qu’aucune des personnes secourues en mer ne soit renvoyée vers d’autres dangers en Libye », précise-t-on dans le communiqué.
Togola