Le Sommet de La Valette (Malte, 11-12 novembre 2015) s’est achevé dans l’impasse pour ceux qui s’attendaient à des solutions réalistes à la vague de migrations qui est en train de faire de la Méditerranée une fosse commune engloutissant des jeunes Africains et leur espoir de lendemains meilleurs, une fois de l’autre côté. Après 24 heures de discussions, un «Plan d’action commun» a été adopté avec des supposées «mesures concrètes» comme la création d’un Fonds initialement doté de 1,8 milliard d’euros (les engagements concrets ne portent que sur 78 millions de dollars pour le moment) pour aider les pays africains à freiner l’exode de leur jeunesse vers l’Europe. Ainsi, ce dont les participants sont fiers de qualifier de «compromis» entre l’Europe et l’Afrique n’est que leurre et illusion quand on l’analyse objectivement.
Du sommet de La Valette, la seule note positive, à notre avis, est que les Etats de l’Union européennes semblent enfin comprendre qu’ils ne pourront jamais se barricader et regarder la «misère» du monde se noyer à leurs portes. Comment peut-on d’ailleurs croire qu’on peut fermer ses frontières à des jeunes désespérés prêts à rejoindre «l’Eldorado» au prix de leur vie ? Mais, en espérant résoudre le problème avec des promesses d’aide financière, l’Europe se trompe encore d’approche. Cette solution est illusoire, comme l’était la politique dite de «l’immigration choisie» dont la finalité était vraisemblablement de priver le continent des matières grises indispensables à son essor politique, socio-économique et culturel !
Les Européens continuent toujours de percevoir ces drames humains (migrations) comme une menace ou un problème. Surtout que les tendances politiques traditionnelles (gauche-centre-droite) sont de plus en plus menacées par l’avancée fulgurante de l’extrême droite raciste. N’empêche que, comme il ressortait des conclusions du Forum social mondial des migrations (FSM) organisé du 5 au 8 décembre 2014 à Johannesburg (Afrique du Sud), «migrer est un droit inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme». Ce qui fait que les migrants ne sont pas assimilables à des «marchandises». En conséquence, ils doivent être traités comme des «êtres humains». Et selon le principe des Droits de l’Homme, «aucun être humain n’est illégal».
La migration est un phénomène économique et social majeur. Une «macro-tendance», définissent les Nations-Unies dans leur intitulé «Améliorer la gouvernance de la migration internationale fondée sur les droits de l’Homme». Et c’est seulement analysé comme tel que «la migration peut réaliser son potentiel en tant que facteur de développement» aussi bien pour les migrants que pour les Etats d’origine et d’accueil.
La migration, de nos jours, pose une équation structurelle et non conjoncturelle dont les solutions réalistes sont le plus souvent noyées dans des considérations impérialistes, comme l’élimination du Guide de la Jamahiriya arabe libyenne, Mouammar Kadhafi. La dislocation de la Libye est aussi à l’origine de l’augmentation désastreuse de l’immigration à partir des côtes de ce pays devenu un no man’s land, donc le fief de la pègre qui tire profit de la détresse des migrants. La migration pose une équation de justice et d’équité, d’égalité de chance. D’abord, au niveau de la gouvernance locale (niveau national) où l’écrasante majorité de la population déchante tous les jours des politiques nationales à leur intention.
Rééquilibrer les relations euro-africaines
Pour qu’un jeune prenne le risque d’aller nourrir les poissons de la Méditerranée, au lieu de se battre dans son pays, ce qu’il n’a aucun espoir que son énergie puisse lui permettre de concrétiser son rêve. Il est convaincu qu’il ne gagnera jamais son pain à la sueur de son front en restant au bercail. Aujourd’hui, combien de talents et de compétences sont écrasés, discriminés, stigmatisés, ignorés et humiliés, parce qu’ils sont nés pauvres ou qu’ils n’ont pas «le bras long» ou qu’ils n’appartiennent pas à un parti de la majorité au pouvoir ?
Dans des pays comme le Mali, où l’essentiel du business repose sur les marchés publics, quelles sont les chances d’un jeune entrepreneur de prospérer sans enrichir la caisse du parti au pouvoir et ses alliés ou sans corrompre les barrons qui se partagent toutes les hautes responsabilités du pays ? La meilleure approche en terme de gestion de l’émigration se trouve sans doute dans les réponses à ces questions. Tout comme elle se trouve dans plus de justice et d’équité dans les relations euro-africaines. Jusque-là, ce partenariat n’a contribué qu’à appauvrir l’Afrique en la privant des retombées de l’exploitation de ses richesses.
«Nous pouvons nous passer de votre aide…Si nous sommes pauvres, c’est que vous ne payez pas un juste prix pour nos ressources naturelles agricoles et minières», s’est révolté Macky Sall du Sénégal, président en exercice de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa). C’était lors du point de presse clôturant le Sommet de Malte sur la migration. D’où la nécessité d’un rééquilibrage au niveau des échanges commerciaux entre l’Afrique et l’Europe. Et cela, d’autant plus que, a encore déploré le président Sall, «l’évasion fiscale et le transfert illicite des capitaux représentent un manque à gagner annuel de 60 milliards de dollars pour le continent, dépassant de loin l’aide au développement versée à l’Afrique».
Certains répliqueront que même si nos ressources sont payées à leur juste prix, il y a peu de chance que dans beaucoup de nos pays, les recettes profitent au pays à cause de la mauvaise gouvernance. Mais il faut aussi se dire que les choses sont en train de changer dans le bon sens sur ce plan, parce que la jeunesse et les intellectuels sont plus que jamais déterminés à dire leur mot dans la gestion de leur pays. En effet, on se rappelle qu’après le coup de massue des Politiques d’ajustement structurel (PAS) des institutions de Bretton Woods, avec toute la tragédie socio-économique (privatisation, déflation, licenciement, détérioration des systèmes sanitaires et éducatifs), que cela a entraîné, le coup de grâce a été donné aux économies africaines par la chute des cours des matières premières à cause de la politique de subvention.
Au Mali, l’émigration vers l’Europe a longtemps été imputée essentiellement aux ressortissants de la région de Kayes et des jeunes désœuvrés de la capitale dont les parents avaient les moyens de les envoyer en France se faire une situation. Mais aujourd’hui, elle s’est généralisée. Si le Sud est d’autant concerné que l’Est aujourd’hui, c’est en partie à cause de l’effondrement des cours du coton, par exemple. Dans les années (80-90) où cette culture était réellement «l’or blanc», les jeunes des zones de production vivaient dans une aisance dorée. Ils étaient donc peu tentés par l’aventure en tant que saisonniers vers les centres urbains ou les pays voisins comme la Côte d’Ivoire, à plus forte raison risquer leur vie pour émigrer en Europe. Pourquoi au Sénégal, les jeunes pêcheurs abandonnent massivement l’Atlantique pour le mirage de «l’appel illusoire du grand large» (pour paraphraser le président Macky Sall) ? Evidemment, parce que les produits de la pêche sont de plus en plus maigres à cause des contrats de pêche imposés à ce pays par l’Europe et aussi, par la faute de la pêche clandestine à laquelle se livrent Européens et Asiatiques mieux équipés !
Nous rejoignons le président Mahamadou Issoufou du Niger, pour qui, plus que les 1,8 milliard d’euros, les «pays pourvoyeurs» ont besoin d’un véritable «Plan Marshal» pour endiguer les flux migratoires. À l’ampleur et à la gravité de la situation, il faut opposer des projets économiques concrets pour espérer fixer les potentiels candidats à la migration dans leur pays. Il faut encourager le transfert des technologies et des compétences pour faire de nos ressources, le socle de la croissance économique avec un apport conséquent de valeur ajoutée. Si en dehors des usines d’égrenage, des vraies industries (textiles, huileries, savonneries, aliments bétails…) voyaient par exemple le jour dans les zones cotonnières du Mali, du Burkina, du Sénégal, du Tchad… cela offrirait de nombreuses opportunités d’emplois pour les jeunes locaux. Il doit en être de même pour toutes nos ressources minières et agricoles.
Faciliter l’accès des populations aux services sociaux de base (santé, éduction, etc.) est également de nature à réglementer la migration et à éradiquer l’émigration clandestine, selon Macky Sall. L’aide la plus utile en ce moment, c’est sans doute celle qui permettrait de propulser nos Etats sur les sentiers du développement de l’emploi dans des secteurs comme l’agriculture, l’agro-industrie… Il ne s’agit pas non plus d’offrir des emplois précaires, mais bien rémunérés.
Nous sommes d’accord avec cet intellectuel français qui, dans un débat sur l’épineuse question, exhortait l’Union européenne à aider «les Africains à mettre en place dans leur pays des systèmes d’éducation destinés à répondre à leurs besoins vitaux». Et cela, d’autant plus que nous avons assez de «richesses naturelles et humaines à mettre en valeur» et dont l’exploitation judicieuse et l’équitable répartition des recettes générées peuvent nous permettre de «limiter cette immigration démesurée». Cela met en évidence la nécessité d’établir un nouveau partenariat entre nos deux continents, mettant fin, comme l’analyse un confrère, à «l’injustice économique et financière que subit l’Afrique à travers des contrats d’exploitation de ses ressources humaines souvent inéquitables et injustes». Des approches réalistes et objectives, hélas, ignorées à La Valette !
Moussa BOLLY
« Peuple de France, nous souffrons avec toi.
Nous pleurons avec toi.
Nous nous indignons avec toi, face à la barbarie et l’intolérance.
Nous condamnons comme toi, ces actes inhumains d’un autre âge.
Nous défendons comme toi le droit à la vie, la liberté, liberté de culte, liberté d’opinion.
Aux familles endeuillées, au peuple français meurtri nous adressons nos très sincères condoléances.
Aux blessés nos souhaits de prompt rétablissement.
Vane Traoré le Futur Maire.
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