Immigration clandestine Rencontre avec les 47 refoulés du Maroc

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Après avoir passé six jours d’errance en haute mer sans eau ni nourriture et trois jours à la belle étoile dans le désert, les 47 refoulés du Maroc dont 39 Maliens, 5 Sénégalais deux Ivoiriens et 1 Guinéen sont arrivés à Bamako le 5 Août dernier grâce aux soins du gouvernement malien.
Partis des côtes mauritaniennes de Nouadhibou, le 17 août 2006, les candidats à l’immigration, tous ressortissants de la sous région, croyaient rallier dans les trois jours qui suivent les îles espagnoles des Canaries.

Chacun d’eux s’était mis à contribution jusqu’à hauteur de 800 000 FCFA pour couvrir les frais de transport et de provisions en nourriture et en eau.
Arrivé en haute mer, le capitaine du bateau découvrit avec stupéfaction que la boussole qui devait les guider jusqu’au nouvel eldorado s’était endommagé en prenant l’eau.

Le bateau avec à son bord une soixantaine de personnes, y compris les membres de l’équipage, a donc perdu sa direction et a commencé à errer dans la mer. Après le troisième jour, les conditions de vie dans le bateau devenaient intenables puisque les provisions d’eau et de nourriture étaient déjà épuisées.
Le sixième jour, ils se sont retrouvés par hasard dans les eaux territoriales marocaines. Coup de chance, ils croisèrent sur leur chemin un chalutier marocain qui leur vint aussitôt en aide. Le capitaine de ce bateau leur a donc remis un sac de pain et un bidon d’eau. Les candidats à l’immigration lui demandèrent de les guider vers l’Espagne, mais ce dernier leur indiqua plutôt la direction du Maroc et alerta aussitôt la marine marocaine. Ils furent rattrapés dans les trente minutes qui suivirent et conduits à la base de Dacla où ils reçurent chacun un bidon d’eau et du pain.

Aux environs de 21 heures, selon les refoulés, le capitaine du bateau qui avait peur des sanctions à son encontre, décida de fuir avec les refoulés pour tenter de rallier les côtes mauritaniennes. La marine s’est mise aussitôt à leur poursuite, mais craignant de mettre la vie des occupants en danger, elle dut abandonner la poursuite.

Après avoir échappé à la mort en haute mer, les candidats à l’immigration ne savaient pas que le plus dure restait à venir. Le jeune Ivoirien, Diabaté Mory, l’un des refoulés raconte. «Les vagues étant tellement violentes, nous avions cherché un coin assez calme pour passer la nuit. Par désespoir plus que par déception, trois candidats à l’immigration piquèrent des crises de folie. Ils ne voulaient en aucun cas retourner en Mauritanie et menaçaient de se jeter dans la mer. Nous étions donc obligés de les ligoter. Vers les coups de dix heures, croyant que nous étions déjà arrivés en Mauritanie comme nous l’a laissé croire le capitaine de notre bateau qui voulait tout simplement se débarrasser de nous, on a décidé de mettre pied à terre. Mais c’était malheureusement sur la côte marocaine. La pirogue est donc repartie, laissant sur la plage 48 personnes.

«Nous nous sommes mis à courir dans toutes les directions, mais c’était pour nous retrouver face à face avec les militaires marocains. Informés que nous sommes nombreux, ils nous avisèrent que le secteur est plein de mines et qu’il fallait faire très attention. Ils prirent un véhicule et allèrent à la recherche des autres pour les conduire à Candar. Ici, les soldats marocains ont remis cinq pains et cinq sardines à chacun de nous et sont venus nous déposer à six kilomètres de la frontière mauritanienne. Tout le monde était fatigué et il y avait beaucoup de malades parmi nous. Nous avons marcher jusqu’au premier poste de la gendarmerie de la Mauritanie mais les gendarmes nous ont interdit d’entrer sur leur territoire. On est donc resté là, sous une chaleur Torride. Marcel Traoré, qui était gravement malade et très fatigué a fini par rendre l’âme. Voyant cela, les gendarmes nous ont aussitôt apporté 5 bidons d’eau. Nous sommes restés pendant 5 heures sous une chaleur d’enfer et aux environs de 19 heures il a plu sur nous. A cause des malades qu’il y avait parmi nous, nous avions décidé d’entrer sur le territoire mauritanien et dit aux gendarmes, si vous voulez, tuez nous. Ils nous ont dit de nous calmer et vers 24 heures, un médecin qui travaille pour l’Espagne nous a amené l’eau, la nourriture, et trois bâches. A partir de ce moment on a commencé à donner des soins médicaux aux malades jusqu’au moment où nous avons enfin été rapatriés vers le Mali».

Les refoulés sont arrivés à Bamako le 5 septembre en trois groupes : un premier groupe de 21 refoulés suivis par un second et un troisième groupe de 19 et de 7 refoulés.

Rapatriés par les soins de l’ambassade du Mali en Mauritanie, ils ont été logés à la brigade des sapeurs pompiers de Sogoniko avant d’être acheminés dans leurs villes d’origine, en ce qui concerne les Maliens, par les soins de la Protection civile.
Les 5 Sénégalais ont été conduits à Kayes, les deux Ivoiriens à Sikasso et le Guinéen à Kangaba par les soins de la Direction régionale de la protection civile qui va les conduire aux frontières sénégalaises, ivoiriennes et guinéennes avant de les remettre aux autorités de leurs pays d’origine.
Pierre Fo’o MEDJO

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