INFO LE FIGARO – Plusieurs députés de droite mènent l’offensive contre l’explosion du budget de l’aide médicale d’État. Une cotisation de 30 euros pourrait être exigée auprès des immigrés en situation illégale.
L’aide médicale d’État (AME), qui permet aux étrangers sans-papiers de bénéficier de soins gratuits, a coûté 546 millions en 2009. Un budget en forte augmentation – +15% en un an -, ce qui alimente les critiques des opposants à ce système. «D’autant que l’AME coûte plutôt 700 millions d’euros par an, si l’on ajoute les rallonges régulières de l’État pour éponger les dettes», assure le député Claude Goasguen chargé par le groupe UMP d’un rapport sur le coût de l’immigration et par l’Assemblée nationale d’une étude sur l’AME et la couverture maladie universelle (CMU).
Le député a prévenu cet été François Fillon qu’il ne laisserait pas «supprimer des niches fiscales qui touchent les aides à domicile si l’on ne surveille pas mieux l’AME ». Il réclamera, lors de l’examen de la loi de finances par le Parlement en octobre, que l’AME, qui bénéficie aujourd’hui à 210.000 personnes, soit réservée aux «seuls cas d’urgence, de grossesse, aux vaccinations, comme cela se fait dans le reste de l’Europe». Et que les sans-papiers n’aient plus accès à la médecine libérale. Rapporteur de la loi «immigration», qui sera, elle, examinée fin septembre, l’UMP Thierry Mariani entend également durcir les conditions d’accès à l’AME, évoquant une «insupportable inégalité entre des Français et des immigrés légaux qui sont pris en charge à 70 %. Tandis que les sans-papiers ne paient pas le forfait hospitalier».
L’offensive n’est pas nouvelle. Une partie de la droite tente régulièrement de restreindre cette aide accordée par les socialistes en 1998 aux clandestins pauvres. En 2005, le gouvernement Raffarin a réservé cette aide aux sans-papiers installés en France depuis trois mois pour éviter un appel d’air. Sans parvenir à endiguer les dépenses. Désormais, pour contenir les déficits publics sans fragiliser les soins, François Fillon envisage une cotisation forfaitaire de 30 euros, que les immigrés en situation illégale régleraient une fois par an.
Cette mesure, soutenue par le ministère de la Santé, pourrait rapporter en 2011 près de 6 millions. Mais les arbitrages ne sont pas rendus. Et peuvent rapidement évoluer dans un climat tendu à droite sur les questions d’immigration. En juin dernier, la ministre de la Santé avait évoqué devant les sénateurs une cotisation de 15 euros.
À ce jour, toutes les personnes précaires, gagnant moins de 700 euros, bénéficient de la totale gratuité des soins, qu’elles soient françaises, immigrées ou sans-papiers. Cette cotisation serait une première, que la ministre Roselyne Bachelot souhaite inscrire au projet de loi de finances. Les sans-papiers achèteraient un timbre fiscal, qui parachèverait l’univers kafkaïen de l’AME, devenue une quasi-carte d’identité pour clandestin, avec photo et papier sécurisés pour éviter les fraudes et la revente sauvage de médicaments obtenus gratuitement.
Recul de la vaccination
Les professionnels de la santé sont, eux, hostiles à cette contribution, craignant d’éloigner des populations précaires des soins. «Les sans-papiers hésitent déjà à se faire soigner. Beaucoup arrivent dans nos centres lorsqu’ils sont vraiment malades. La vaccination recule dramatiquement», note Médecins du Monde dans son rapport à paraître en octobre. Et de rappeler que « l’AME est une politique de prévention, notamment des risques d’épidémie ou de propagation de virus résistants». D’autant, rappelle-t-on à l’AP-HP, que «l’on soignera de toute façon un patient en situation d’urgence». La structure qui regroupe 37 hôpitaux en Ile-de-France a d’ailleurs mis en place des consultations pour les étrangers qui n’ont pas encore l’AME, privilégiant les soins précoces en espérant réduire les cas graves. Car ce sont toujours les hospitalisations longues qui grèvent les comptes : quelque 38.000 bénéficiaires de l’AME hospitalisés ont coûté 370 millions d’euros.
« De toute façon, on ne peut pas laisser des gens agoniser en France », confie le ministre de l’Immigration, qui ne gère pas l’AME. « Et ce n’est pas en réduisant les droits des sans-papiers sur place que l’on stoppera l’immigration clandestine, estime Éric Besson, mais en s’attaquant aux filières. Et en protégeant mieux nos frontières. »
Lefigaro.fr – 01/09/2010