Le 20 janvier, aéroport Roissy Charles de Gaulle, sur le vol AF 3096 Paris-Bamako, un homme de nationalité malienne doit être expulsé. Des passagers protestent et filment la scène, quatorze d’entres eux seront placés en garde à vue et passibles de poursuites judiciaires. Une professeur retraitée qui se trouvait dans l’avion témoigne.
A-t-on aujourd’hui le droit de s’indigner en France ? Voilà l’expérience que je viens de vivre et qui me permets d’en douter.
Le 20 janvier 2011, je prenais l’avion à Roissy pour rentrer à Bamako, au Mali où je vis actuellement. L’avion était prévu à 16 h 05… Il est parti à 20 h 45 !! Que s’est-il passé pendant ce temps ?
d’abord nous n’avons pu embarquer qu’après une attente de trois quarts d’heure… c’est tellement habituel qu’on n’y a même pas prêté attention. On s’installe dans l’avion normalement (250 passagers) et tout à coup un homme avec un brassard de la police arrive et distribue à certains passagers un trac en leur demandant de le faire circuler aux autres. Imaginez l’interrogation des passagers non francophones. Voilà quelques passages du texte : « Vous avez peut-être été sollicité… pour vous opposer à l’embarquement d’un personne expulsée de France… qui embarquera sur ce vol…. La décision de reconduite est un acte légitime de l’Etat Français….. Le délit (empêcher l’expulsion) sera puni d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et 18000 euros d’amende. » etc etc….
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rnDe plus, le policier nous a précisé que l’expulsé allait manifester son opposition en criant, en hurlant, en se débattant et de s’excuser pour le désagrément… que cela ne durerait que 5 mn et qu’après le départ de l’avion tout serait terminé !! L’expulsé est arrivé, encadré par la police et a commencé a hurlé « lâchez moi, je veux pas partir… ». Aussitôt, certains passagers se sont levés, indignés par la scène imposée. Le personnel d’Air France ainsi que les policiers présents leur ont intimé l’ordre de s’asseoir sans quoi l’avion ne partirait pas et que tous les passagers seraient débarqués. Il faut préciser que jamais on n’a su les raisons de son expulsion. Devant la détermination des passagers révoltés, le commandant de bord a pris la décision de reconduire l’avion au parking et appel a été fait à la police.
On a vu tout à coup surgir une vingtaine de CRS casqués, matraque et bouclier à la main (!!!) défilant en file indienne dans les travées de l’avion et se tenant, chacun à l’épaule du précédent. Jusque là tout le monde avait été très digne mais là le débarquement de la force publique dans l’étroit espace devenait des plus comiques et pourtant on avait pas envie de rire. Les passagers qui s’opposaient à l’embarquement de l’expulsé ont été virés à terre. Précision importante le premier policier qui est intervenu photographiait tout le monde en interdisant à qui que ce soit de filmer ou photographier. Un passager a d’ailleurs été expulsé pour cette seule raison. Je n’ai pas pu photographier mais rien ne m’interdit d’écrire. J’ajoute qu’un CRS a filmé TOUTE la scène d’expulsion des passagers. Une famille de maliens, les parents et trois très jeunes enfants sont descendus de l’avion pour avoir manifesté verbalement leur opposition. Les trois bébés n’avaient pas mangé et n’avaient pas dormi pendant toute l’intervention. Le père était choqué par le déploiement des forces militaires devant de si jeunes enfants. Et sur ordre du premier policier, les CRS se sont saisi de passagers assis qui avaient simplement manifesté leur indignation verbalement. On nous a demandé qui avait encore quelque chose à dire… si vous n’êtes pas d’accord, descendez !!
Il faut bien avouer que devant une scène aussi immonde, devant un tel déploiement de la force on (JE) manque terriblement de courage. On se dégonfle et on a honte. Et on se sent extraordinairement impuissant devant « le savoir faire français en matière de maintien de l’ordre » prôné par MAM. J’ai pensé aux gens qui, pendant la dernière guerre, étaient témoins des actions de la police de Vichy, que faire, que dire devant un flingue ou une matraque, ou les aboiements des cerbères de l‘ordre…. (…) Cet événement auquel j’ai assisté ne m’inspire pour le moment qu’une seule réflexion : « J’ai HONTE et j’ai la rage. »
Josette Rétif
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