Les médecins ont obtenu leurs diplômes à l’étranger. Leurs diplômes ne sont pas reconnus en France. Ils exercent et leurs salaires sont inférieurs à ceux de leurs confrères diplômés de facultés de médecine françaises. Depuis deux ans ces praticiens, dont un grand nombre sont de nationalité française, multiplient les manifestations et les grèves afin de dénoncer ces différences de traitement dans un pays qui manque de médecins. Tout le week-end du 14 juillet, férié en France, l’Intersyndicale nationale des praticiens à diplôme hors Union européenne (Inpadhue) les appelle à faire grève. En pleine saison estivale et de risque caniculaire, leur refus de se soumettre aux réquisitions pour assurer un service minimum a de quoi inquiéter l’Association des médecins urgentistes. Face au non-respect des engagements publics du ministère de la Santé d’uniformiser les statuts, ils ont choisi cette date pour attirer l’attention sur les incohérences du système en place. Ils menacent même de réitérer l’opération le week-end du 15 août.
L’intersyndicale appelle à la grève les quelque 6 000 médecins formés à l’étranger ou titulaires d’un diplôme obtenu hors Union européenne, qui travaillent dans les hôpitaux français. Elle dénonce le statut précaire ainsi que le salaire au rabais de ces médecins. La grève risque d’avoir un effet considérable car ces praticiens assurent habituellement plus de 80% des urgences.
Le 27 février dernier, la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) a demandé au ministre de la Santé « de l’informer dans un délai de quatre mois, des mesures qu’il entendait prendre pour mettre fin aux discriminations dont [ces médecins s’estiment] victimes ». Quatre mois se sont écoulés, les vacances parlementaires sont arrivées et « faute de résultats concrets », selon les indications de l’Inpadhue, le ton monte : « Comme les internes nous sommes censés travailler sous la responsabilité d’un senior. Alors ce week-end, nous nous conformerons aux textes. Nous serons là, nous travaillerons, mais ne signerons aucun acte », a promis Elizabeth Sow-Dione, vice-présidente de l’intersyndicale.
La colère des « Padhue » n’est pas nouvelle. Ces praticiens diplômés à l’étranger, arrivés en masse depuis plus de vingt ans sur le sol français où ils exercent dans les hôpitaux (la France manque de médecins), ne sont pas reconnus comme tels par l’ordre des médecins. Ils n’exercent qu’à titre de « praticien adjoint contractuel » ou faisant « fonction d’interne », et leur salaire est très inférieur à ceux de leurs confrères -1 800 euros par mois contre 3 800 euros pour un praticien hospitalier titulaire d’un diplôme français. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, joue sur les mots : « On ne peut comparer le statut d’un praticien hospitalier avec celui d’un praticien attaché ou assistant ». C’est précisément pour la reconnaissance de l’équivalence de leurs compétences que les « Padhue » se battent.
« On exécute le même travail, au même endroit, mais la paye à la fin du mois est différente car nous stagnons au même statut, celui de praticien attaché à un service », insiste le Dr Anna X., chirurgienne originaire d’Europe de l’Est, exerçant à l’hôpital de Bobigny (en banlieue parisienne). Naturalisée française et inscrite à l’ordre des médecins l’année dernière, elle plaide en faveur de ses 18 confrères diplômés à l’étranger et explique : « Pendant longtemps, il y a eu une nécessité objective de faire appel à des médecins étrangers dans les services d’urgence ou de réanimation car la spécialité d’urgentiste n’a été créée que récemment. Mais avant, le système de santé français était bien content de trouver des médecins volontaires pour assumer les gardes ».
Une « solution législative » sera apportée à l’automne
Depuis 2004, les « Padhue » doivent passer par la voie de la « nouvelle procédure d’autorisation » (NPA) pour pouvoir exercer la profession. Cela implique : un concours, trois ans de stage puis un passage devant une commission. Le ministère de la Santé avait envisagé de remplacer cette procédure par un examen sans quotas. Un simple passage devant une commission était même évoqué pour les plus qualifiés, détenteurs d’un certificat de synthèse clinique et thérapeutique (CSCT) ou d’un diplôme inter-universitaire de spécialité (DIS). Mais ces projets sont tombés aux oubliettes et depuis un mois les praticiens concernés dénoncent une « attitude de mépris des pouvoirs publics », selon les déclarations de la fédération santé de la CGT.
Xavier Bertrand a assuré, jeudi, qu’une « solution législative » sera apportée à l’automne : le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2007, qui sera examiné au Parlement en octobre prochain, servira de support législatif sous « la forme d’un article ou d’un amendement du gouvernement et encadrera l’examen dérogatoire, la nouvelle procédure d’autorisation (NPA), qui doit permettre de vérifier leurs compétences et leur connaissance de la langue française », a expliqué le ministre. Le quotidien Le Figaro rappelle que 2 600 praticiens seraient concernés par cette réforme. Quant aux 4 400 autres, ayant le statut de « stagiaires en formation », « ils bénéficieront de cette réforme dans les années qui viennent ». Pour la vice-présidente de l’intersyndicale Elizabeth Sow-Dione « s’il y a une avancée législative dans le cadre du PLFSS, ce serait une bonne nouvelle ». Mais l’Inpadhue reste « méfiante » car les promesses antérieures n’ont pas été tenues.
par Dominique Raizon
Source: RFI
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