France: La santé des migrants en danger

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Depuis trente ans, la santé des immigrés se dégrade. C’est un constat partagé à la fois par de nombreux chercheurs qui étudient les évolutions de l’immigration étrangère depuis les années 70 (1). C’est aussi celui des responsables associatifs mobilisés au quotidien auprès des plus pauvres, qui observent les difficultés croissantes d’accès aux soins des étrangers qui ont moins recours aux médecins généralistes et encore moins aux spécialistes; sans parler des barrières linguistiques, administratives et financières qui jalonnent leur parcours médical.

On apprend ainsi que 35% des immigrés étrangers et 20% des personnes naturalisées ne bénéficieraient pas de complémentaire santé, contre 7% des Français. Par ailleurs, un tiers des bénéficiaires de l’Aide Médicale d’Etat (AME) (2), dispositif de protection sociale spécifique aux personnes en situation irrégulière (entre 150.000 et 300.000 suivant les estimations (3)), déclare avoir été confronté à un refus de soin de la part de professionnels de santé.

Présentés par certains responsables politiques comme des «assistés profitant du système», ils se retrouvent, notamment pour des raisons électorales, stigmatisés et pointés du doigt, dans un contexte sécuritaire qui accroît leur exclusion, en contradiction, jusqu’à l’absurde, avec la mise en œuvre rationnelle des politiques de santé publique (4).

Autrement dit, comme un miroir de notre société, si la dégradation de l’accès aux soins concerne tout le monde, elle frappe particulièrement les plus pauvres, les plus exclus et marginalisés, dont «l’étranger».

Situation absurde

Devant cet état de fait, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) (5) proposait en juillet 2011 la levée des conditions d’accès à l’AME, soumise depuis l’an dernier à un droit d’entrée fixé à 30 euros par le gouvernement de Nicolas Sarkozy sous couvert notamment de lutte contre les fraudes; autant dire une nouvelle barrière quasi infranchissable pour les plus pauvres. De façon pragmatique, il proposait logiquement de simplifier les démarches des patients en fusionnant l’AME avec la couverture médicale universelle (CMU), ouverte aux personnes résidant en France de manière stable et régulière. Des mesures soutenues par Médecins du Monde. Seront-elles mises soutenues par les candidats à la prochaine élection présidentielle ? Rien n’est moins sûr.

Nul besoin de long discours pour comprendre l’absurdité de la situation, comme le rappelle le Docteur Jean Nau, responsable bénévole du Centre d’Accueil, de Soins et d’Orientation (CASO) de Médecins du Monde à Paris (Parmentier) qui décrit les obstacles quotidiens que doivent franchir ses patients au risque de renoncer à se faire soigner.

«Désiré, malien de 28 ans, vit en France depuis 2 ans. Plutôt mal d’ailleurs: pas de logement stable, quelques petits boulots de temps en temps. Comme lui, de plus en plus de patients s’adressent au CASO de Médecins du Monde de Paris: migrants, demandeurs d’asile, mais aussi assurés en situation de précarité ne pouvant assumer le «reste à charge» d’une consultation ou des médicaments à acheter. Pour se soigner, il devrait pouvoir bénéficier de l’Aide Médicale d’Etat (AME). L’AME permet depuis 1999 aux étrangers démunis résidant en France depuis plus de 3 mois de bénéficier d’une couverture maladie. C’est un droit fondamental pour mon malade, mais c’est aussi une avancée en santé publique: des maladies soignées à temps évitent la diffusion des maladies transmissibles et le recours à des soins hospitaliers beaucoup plus coûteux.

Il y a le droit … et les réalités. Les domiciliations (en l’absence d’adresse personnelle) sont de plus en plus difficiles à obtenir ; pour prouver ses 3 mois de présence, le justificatif accepté est variable selon les Caisses Maladie et d’un mois à l’autre; les centres d’accueil pour le dépôt des dossiers se raréfient (deux seulement pour tout Paris où se concentrent plus de la moitié des demandes, soit 65.000 demandes d’AME par an).

Si son dossier n’est pas rejeté, et s’il a 30 euros ce jour-là, Désiré ira chercher sa carte d’AME dans 3 mois, au mieux … ou dans 6 mois.

AME ou CMU, ce n’est pas une garantie pour accéder aux soins. En Ile-de-France, et à Paris en particulier, les médecins généralistes sont rares dans certains quartiers, particulièrement là où la précarité est la plus grande. De plus, les dépassements d’honoraires, surtout chez les médecins spécialistes, sont fréquents. Autant d’obstacles à l’accès effectif aux soins. Il ne faut donc pas s’étonner qu’un nombre de plus en plus grand de personnes en situation précaire renoncent à des soins pourtant indispensables ».

Dans le contexte actuel de crise, il est difficile de penser que la santé des immigrés s’améliore prochainement. L’Observatoire du Droit à la Santé des Etrangers (ODSE) vient de publier un communiqué de presse (6) dénonçant cette fois-ci la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Paris qui «sacrifie les sans-papiers». Sous couvert de réduction des coûts et de rationalisation des dossiers d’ouverture de droits à l’AME, la CPAM interdit depuis 2 mois les dépôts des demandes dans les centres de sécurité sociale de quartier, en les concentrant dans deux centres uniquement, désormais interdits au reste de la population, et transformés en agences spécialisées pour sans-papiers… Deux mois après la mise en place de ce dispositif, l’ODSE dénonce la stigmatisation que cela induit sur les étrangers, la paralysie du dispositif (files d’attente interminables dès le milieu de la nuit, accueil sous tension, traitement anarchique des dossiers, absurdité du système…) mais aussi la délégation de fait de la gestion de l’AME aux associations.

L’alerte est sérieuse alors que les besoins des plus pauvres augmentent et que de nombreuses associations se retrouvent en difficultés (afflux des demandes, réduction des financements, démission de l’Etat…etc.).

Olivier Bernard et Pierre Salignon, avec Docteur Jean Nau (responsable de mission) et Docteur Jeanine Rochefort (déléguée Ile de France)

Crédit dessin: Remi Courgeon

Source: liberation.fr (07 février 2012)

 

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11 COMMENTAIRES

  1. Je préfère 1000 fois rester au Mali et chercher à percer que d’aller en France pour y balayer les rues et après aller quémander une quelconque aide sociale!!!!!!!!!!!!!!!!!

  2. … observent les difficultés croissantes d’accès aux soins… moins recours aux médecins généralistes et encore moins aux spécialistes; sans parler des barrières linguistiques, administratives et financières qui jalonnent leur parcours médical… /// : …depui que les service sociaux soupçonent de faux malade qui s’absenteraient sans être malade , ou des médecin soupçonnés de faire des arrêt maladie de complaisance…Ils ont multiplié les contrôle chez les malade, pour savoir s’il restent bien à la maison pendant leur période soin ou d’arrêt maladie, des médecin eux même contrôlés… Et maintenant il est obligatoire d’avoir un médecin traitant pour se faire soigner en ca de problème de santé, sinon on fait payer plus cher les consultations… A cause de ces immixtion dans la vie privée et dans l’intimité des gens, de ce harcèlement (…moral ? ) , les gens ne savent plus quoi faire… , c’était si simple d’aller voir un toubib, alors que maintenant… ?

    • Bamak ,les controles ne concerneent pas que les immigrés ,mais TOUT LE MONDE ,français y compris . Et il est temps de faire ces controles quand le deficit de la Sécurité Sociale arrive à 40 millions d’euros par an ,sinon elle n’existera plus et là chacun devra mettre la main à la poche . 🙁 comme tu le dis à la fin ” c’etait si facile d’aller voir un toubib” ………….et les differents abus de tout le monde tuent le système !

  3. … observent les difficultés croissantes d’accès aux soins… moins recours aux médecins généralistes et encore moins aux spécialistes; sans parler des barrières linguistiques, administratives et financières qui jalonnent leur parcours médical… /// : …depui que les service sociaux soupçonent de faux malade qui s’absenteraient de leur travail sans être , ou des médecin soupçonnés de faire des arrêt maladie de complaisance…Ils ont multiplié les contrôle chez les malade, pour savoir s’il restent bien à la maison pendant leur période soin ou d’arrêt maladie, des médecin eux même contrôlés… Et maintenant il est obligatoire d’avoir un médecin traitant pour se faire soigner en ca de problème de santé, sinon on fait payer plus cher les consultations… A cause de ces immixtion dans la vie privée et dans l’intimité des gens, de ce harcèlement (…moral ? ) , les gens ne savent plus quoi faire… <> , c’était si simple d’aller voir un toubib, alors que maintenant… ?

  4. … observent les difficultés croissantes d’accès aux soins… moins recours aux médecins généralistes et encore moins aux spécialistes; sans parler des barrières linguistiques, administratives et financières qui jalonnent leur parcours médical… /// : …depui que les <> soupçonent de faux malade qui s’absenteraient de leur travail sans être , ou des médecin soupçonnés de faire des arrêt maladie de complaisance…Ils ont multiplié les contrôle chez les malade, pour savoir s’il restent bien à la maison pendant leur période soin ou d’arrêt maladie, des médecin eux même contrôlés… Et maintenant il est obligatoire d’avoir un médecin traitant pour se faire soigner en ca de problème de santé, sinon on fait payer plus cher les consultations… A cause de ces immixtion dans la vie privée et dans l’intimité des gens, de ce harcèlement (…moral ? ) , les gens ne savent plus quoi faire… <> , c’était si simple d’aller voir un toubib, alors que maintenant… ?

  5. 😀 😀 😀 😀 😀 On apprend ainsi que 35% des immigrés étrangers et 20% des personnes naturalisées ne bénéficieraient pas de complémentaire santé, contre 7% des Français 😀 😀 😀 😀 😀 😀 ………….Donc , si on lit bien , les 20% de personnes naturalisées ne sont pas Françaises ,ne faisant pas partie des 7 % de Français ne bénéficiant pas de complémentaires santé ! Putééééééng , çà sert à quoi de chercher la naturalisation si ,détenant un passeport tu n’es pas Français ? 😀 😀 😀 😀 😀 😀

  6. Avec AME ou CMU, l’immigré NE PAYAIT RIEN POUR LES SOINS ET LES MEDICAMENTS.Mais Dieu seul sait, combien de nos compatriotes VIENNENT
    SE TRAITER ICI (ce qui est normal)MAIS VENIR ACCOUCHER DANS LE SEUL BUT DE DONNER LA NATIONALITE A L’ENFANT TOUT EN PROFITANT DE LA SITUATION (ce qui est à la limite un abus)puisqu’un simple accouchement coûte ici près de 3000 euros à l’Etat!Ainsi se font toutes sortes de trafics autour de ces aides puisqu’il faut être ici et avoir passé un certain nombre de temps pour les avoirs.Il faut dire QU’IL Y A EU TROP DE TRAFICS ET D’ABUS LA DESSUS.Avant d’accuser les autres,un bon musulman juge d’abord ce qu’il fait lui même si c’est normal ou pas…. 🙁 😥

    • Comme tu le dis les abus de certains font que ce sont les autres qui paient les pots cassés . il faut quand meme savoir que le cout de l’AME est de 800 millions d’euros par an !!! çà represente beaucoup plus que ce que depense le gouvernement malien pour le santé au Mali ! ❗

    • DIGNITE….. Toujours la question de DIGNITE……. Les femmes de ministres… de hauts dignitaires, viennent accoucher dans les pays riches….. C’est un abus qu’il faut dénoncer….. 🙁 🙁 🙁

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