C’est ainsi qu’il est prévu à Bamako un Forum sous-régional sur l’immigration, l’emploi et le développement durable du 10 au 12 juillet 2016. Et cela à l’initiative de l’Agence pour la citoyenneté, le développement durable et la promotion des entreprises (ACDDPE). Créer des emplois pour faire face au fléau de l’émigration vers l’Occident ! Tel est le défi auquel les pays africains doivent faire aujourd’hui face en posant des actes pour l’émergence du développement durable. Et la résolution de cette équation sera au cœur du premier Forum sur l’immigration, l’emploi et le développement durable que Bamako doit abriter du 10 au 12 juillet 2016.
«Immigration, emplois et développement durable : approche sous-régionale, pour la stabilité et le développement durable en Afrique de l’ouest» sera le thème de la rencontre. Une initiative de Haïdara Aminata Kola Tall, Directrice générale de l’Agence pour la citoyenneté, le développement durable et la promotion des entreprises (ACDDPE) et présidente/fondatrice de l’Association d’Aide dans le domaine des troubles envahissants du développement (AIDE-TED). La jeune chef d’entreprise est partie du constat que, chaque année, des familles africaines sont endeuillées par l’émigration. Sans compter que certaines restent sans nouvelles de leurs proches qui ont quitté le pays depuis plusieurs mois ou années. Ils ne donnent pas de nouvelles parce qu’ils ont échoué dans la concrétisation de leur rêve. «Le problème est que quand un Africain part pour l’Europe, il est difficile de retourner avec les mains vides. Cette honte empêche bon nombre d’entre nous aujourd’hui de retourner au bercail», explique la Directrice générale de l’ACDDPE, porteuse de cette initiative. «La jeunesse africaine est aujourd’hui au cœur de la pauvreté. Même ceux qui ont des diplômes universitaires ou professionnels rencontrent d’énormes difficultés pour trouver un emploi», déplore Anna Tall.
Un phénomène structurel lié à la problématique du développement
Selon les enquêtes réalisées par le Groupe CITCS Afrique dans les pays où il y a des cellules, les politiques d’emploi établies dans les pays du continent africain ne sont pas respectées par les gouvernements. Ainsi, dans les années 1980, beaucoup de jeunes ont quitté l’Afrique pour l’Asie, l’Europe ou les USA. Certains sont revenus avec une grande fortune, tandis que d’autres n’ont jamais donné de nouvelles, ou ne veulent pas revenir, «déçus de ne pas avoir réalisé leur rêve». Le phénomène s’est intensifié dans les années 1990 et 2000, périodes pendant lesquelles on a assisté à des vagues de jeunes quittant à tout prix le continent, en passant par le Maroc, la mer ou en s’agrippant aux roues des avions. Le manque d’initiative des pays africains à trouver des solutions face à ce flux migratoire vers l’Occident et les mesures prises par ses pays pour protéger leurs frontières ont abouti au drame de Lampedusa en octobre 2013. Trois-cents migrants perdront la vie aux larges des îles de Lampedusa suscitant «un émoi» au niveau international aussi bien des pays de l’Union européenne que de l’Afrique. «On évoque fréquemment les naufragés de Lampedusa, mais rarement ceux du désert. Or, il y a beaucoup de naufragés dans le Sahara. L’étape de Lampedusa n’est que l’aboutissement tragique de la traversée du désert», disait récemment le président Ibrahim Boubacar Kéita, dans un entretien accordé à la presse. Il avait aussi insisté sur le fait que le Mali n’était pas seulement un pays pourvoyeur d’émigrés, mais aussi un transit pour de nombreux migrants.
Pour Aminata Kola Tall, «l’immigration soulève aujourd’hui, avec plus d’acuité, la lancinante question de l’emploi en corrélation avec le développement durable». Et elle sait de quoi elle parle en s’inspirant de son propre expérience. «L’idée était déjà là depuis bien des années parce que je suis issue de l’immigration. Depuis 2005, je vis en France. Je suis partie dans le cadre de mes études, mais aujourd’hui je suis installée en France. Donc, cela me faisait mal au cœur de voir nos sœurs et frères tenter de regagner l’Occident par la voie illégale ou clandestine», explique Aminata Tall Haïdara.
Briser le mirage de l’Eldorado aux yeux de jeunes africains désespérés
Elle ajoute : «j’avais mal au cœur de voir tous les jours les Africains mourir dans la mer en croyant que l’Occident, c’est l’Eldorado, en pensant qu’ils auraient une vie meilleure que chez eux». Son souhait est de briser ce mirage. «Si ces jeunes apercevaient l’Occident comme nous les Africains qui vivons déjà en Europe, ils n’oseraient jamais tenter d’aller au prix de leur vie. Et comme on le dit, on est mieux que chez soi. Personne ne choisit l’immigration de manière définitive», croit-elle. Quelles politiques de l’emploi au niveau sous-régional pour faire face à l’immigration des jeunes et des cadres africains ? Le développement durable peut-il constituer un frein à la fuite des cerveaux africains ? Continent riche, politique pauvre, quels sont les nouveaux paradigmes économiques qu’il faudra développer pour donner de l’espoir à la jeunesse africaine ? Autant de questions auxquelles les participants au Forum sous-régional sur l’immigration, l’emploi et le développement durable trouveront des réponses adéquates.
L’objectif de la rencontre est d’inviter les décideurs de l’Afrique de l’Ouest à mieux se pencher sur des solutions durables et à harmoniser leurs politiques migratoires. Elle veut aussi offrir une plateforme de dialogue aux jeunes de l’espace de la Cédéao pour discuter, partager leurs expériences et échanger sur l’impact de l’immigration du point de vue culturel sur leurs familles respectives. «Notre ambition est de faciliter l’émergence d’une vision commune sur les défis liés à l’immigration, l’emploi et le développement durable, et proposer une approche sous-régionale pour endiguer le phénomène. Nous souhaitons également l’harmonisation des politiques publiques sur l’immigration pour mieux protéger la jeunesse africaine», souligne Mme Haïdara.
Le forum doit aboutir, entre autres, à l’identification des actions prioritaires pour répondre aux défis de l’immigration, de l’emploi et du développement durable, à la définition d’un programme sous-régional pour faire face aux défis de l’immigration des jeunes et des cadres africains ainsi qu’à l’adoption des mécanismes de réinsertion des immigrés de la Diaspora dans les économies nationales pour créer le transfert du savoir… Il va également capitaliser les expériences ou initiatives méritant d’être partagées pour asseoir «une politique de l’emploi inclusive». De ce forum, il est attendu un rapport qui sera largement diffusé auprès des Etats membres de la Cédéao, des institutions sous-régionales et internationales. Cette initiative est organisée en prélude au Congrès africain sur l’immigration, l’emploi et le développement durable, prévu aussi en 2016 à Dakar, au Sénégal. «Nous espérons que, à la fin de ce forum, chacun sera en mesure de connaître les voies et moyens pour passer par la voie normale d’obtention de visa d’entrée dans les différents pays d’Europe», déclare Haïdara Aminata. Pour ce faire, les représentants des consulats seront invités au cours du forum afin qu’ils donnent les informations nécessaires aux jeunes candidats à l’immigration.
Près de 200 participants d’Afrique de l’Ouest et de la Diaspora sont attendus pour représenter les Etats, les ONG et autres organismes. Le forum devrait réunir également quelques professeurs et experts engagés sur les questions migratoires. «Nous avons un budget qui va dans les 240 millions de FCFA. Mais nous sommes à la recherche de cette somme qu’il n’est pas facile de mobiliser auprès des partenaires. Fort heureusement, nous avons un jeune dynamique sénégalais qui a pris l’initiative de s’impliquer personnellement dans le projet. Il est chargé de collecter des fonds pour le forum», explique l’initiatrice de la rencontre. Elle parle de Cheick Oumar Sy, député et directeur de l’Observatoire de suivi en matière de développement économique au Sénégal.
À noter que l’Agence pour la citoyenneté, le développement durable et la promotion des entreprises (ACDDPE) est basée à Bamako. C’est une structure d’appui et d’action au quotidien au service des populations et des structures de développement. Le forum qu’elle veut initier sera organisé avec le concours de ses partenaires, dont l’Observatoire de Suivi des Indicateurs de Développement Économique en Afrique (OSIDEA). Compte tenu des enjeux de ce projet, il est souhaitable que les autorités maliennes s’impliquent réellement dans sa concrétisation. Ne serait-ce que pour mettre fin à l’immigration clandestine et sauver la vie des milliers de jeunes candidats à l’émigration !
Moussa BOLLY
Encadré : un incendie tue 18 migrants maliens en Algérie
Dix-huit immigrants maliens, dont deux enfants, ont été tués et 37 autres blessés dans un incendie qui s’est déclaré mardi 24 novembre 2015 à 03H00 du matin dans un centre d’accueil à Ouargla, à 800 km au sud d’Alger. Selon plusieurs témoins, c’est l’explosion de plusieurs bonbonnes de gaz utilisées pour le chauffage qui a déclenché l’incendie. Les migrants maliens sont regroupés dans ce centre d’accueil en attendant leur rapatriement dans les prochains jours au Mali.
«L’incendie s’est déclaré à 03h00 (02H00 GMT), tuant 18 personnes et en blessant 43 autres à Ouargla», a déclaré le colonel Farouk Achour, un Officier de la sécurité algérienne. «Il y avait plus de 600 personnes sur ce site, un hangar avec toutes les commodités mis à leur disposition par les autorités locales et aménagé par ces migrants», a expliqué le colonel Achour. Une enquête a été ouverte par la police scientifique et la préfecture pour en déterminer les causes. L’Algérie est devenue une destination privilégiée pour les migrants subsahariens, supplantant la Libye en proie au chaos. Cet afflux a donné lieu à une hausse des comportements racistes, y compris des articles de presse, dénoncés par des ONG. En fin 2014, Alger a renvoyé dans leur pays environ 3.000 Nigériens après un accord avec Niamey.
M.B