Emigration: au Mali, des candidats au départ de plus en plus jeunes

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GAO (Mali) (AFP) – mardi 14 novembre 2006 "Moi, je m’appelle Idrissa M’Balo, j’ai 14 ans. Moi je m’appelle Seydou Kandé, j’ai 12 ans. Moi, je m’appelle Moussa Diallo, j’ai 16 ans". A Gao, au nord du Mali, les candidats à l’émigration clandestine vers l’Europe sont de plus en plus jeunes.

Ils sont une dizaine, tous Sénégalais, blottis les uns contre les autres dans une cour de cette ville, important point de transit pour les clandestins avant de traverser le Sahara. Refoulés d’Algérie, du Maroc, ou encore de la Libye, ils ont échoué à Gao.

"Ce qu’on remarque aujourd’hui, c’est qu’avec une moyenne de 15 ans, les clandestins africains sont de plus en plus jeunes. Il y a plusieurs raisons", explique Mamadou Diakité, responsable de l’ONG malienne "AIDE", spécialisée dans les questions des flux migratoires.

"D’abord, les jeunes ne font que suivre les traces de leurs aînés. Il y a aussi le chômage qui frappe durement la couche juvénile", poursuit-il. "Mais c’est aussi une stratégie. Les très jeunes, à cause des lois sur la protection des enfants, ne sont pas systématiquement refoulés dans leurs pays lorsqu’ils arrivent à fouler le sol européen", précise-t-il.

Idrissa, 14 ans, vient de Casamance, région du sud du Sénégal. Ses parents lui ont tendu un matin, voilà maintenant trois ans, une somme de 100.000 Fcfa (150 euros), avec ces mots: "va te débrouiller en Europe. Si tu ne réussis pas à partir, ne reviens plus ici". En compagnie d’une vingtaine d’autres Sénégalais, le parcours du combattant commence alors pour le petit Idrissa: train de Dakar pour gagner Bamako, véhicule de transport pour rallier la ville de Gao située aux portes du désert, l’Algérie puis le Maroc.

Cinq mois de trajet ponctués de petits boulots. Puis il se fait escroquer par des passeurs qui finissent par le dénoncer à la police. Retour pour lui, comme pour une dizaine d’autres jeunes, à la case départ, Gao. "Je cherche à repartir. Je ne peux pas rentrer au Sénégal, mes parents vont me maudire", explique Idrissa.

Des jeunes Sénégalais en attente de départ le 12 novembre 2006 à Gao au Mali Regroupés à Gao, dans des "ghettos", des habitations de fortune, plusieurs centaines de jeunes Africains survivent au jour le jour pour tenter leur première ou nouvelle chance vers l’Europe, sans argent pour envisager un retour au pays. Selon une ONG italienne, le Comité international pour le développement des peuples (CISP), quelque 150.000 ressortissants africains, candidats à l’immigration clandestine en Europe, sont en situation de détresse au Mali, en Algérie, en Mauritanie, au Maroc et au Niger.

"Moi, vraiment, aujourd’hui, je veux rentrer chez moi. Mais comment voulez-vous que je rentre aujourd’hui les mains vides. Il vaut mieux mourir que de rentrer", explique un adolescent Guinéen aux yeux doux. Un jeune Sénégalais peste contre son gouvernement: "Comment rentrer? Quand tu rentres au Sénégal, le gouvernement te donne un billet de 10.000 Fcfa (15 euros) pour te dire +bonne arrivée+. Tu ne peux même pas vivre avec ça pendant deux jours. Il faut que ça change".

Dans le "3ème quartier" de Gao, autour d’un verre de thé, six clandestins nigérians attendent. Il attendent "les docs" afin de poursuivre leur périple vers l’Europe. Dans le jargon des clandestins, ce sont les faux passeports maliens. En effet, tout détenteur de passeport malien n’a pas besoin de visa pour entrer en Algérie. Et poursuivre ainsi la longue route vers l’"Eldorado" européen.

Source: AFP

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