L’élan de solidarité se renforce depuis la capitale française où plusieurs associations de défense des droits de l’homme et des migrants viennent de remettre (au terme d’une marche) une déclaration à l’ambassadeur de la Jamahiriya, en protestation aux expulsions massives de nos compatriotes et au traitement dégradant dont ils font l’objet.
Marche à Paris
Dans une déclaration rendue publique ce jour, elles s’insurgent contre les traitements d’une autre époque infligés aux migrants ; dénoncent les mesures anti-immigrés prises par le pouvoir libyen et l’abrogation de cette loi répressive ; regrettent que la normalisation des relations entre la Libye et l’Union Européenne se fasse au prix du sacrifice des droits des migrants ; dénoncent la politique d’externalisation des frontières menée par l’Union Européenne. En clair, les associations françaises appellent à la mobilisation générale et condamnent la collaboration entre les gouvernements maghrébins et l’Union européenne, dans sa politique répressive anti-migrants.
A en croire la déclaration des associations de soutien aux expulsés maliens, « dans son escalade anti-migrants, la Libye bénéficie du soutien de l’Europe, notamment le financement de 20 millions d’euros (soit plus d’un milliard de nos francs) spécialement alloués à la lutte contre l’immigration ».
La Libye, comme les Etats européens, peut jeter en prison et sans jugement les personnes arrêtées sur son sol, peut nier les droits les plus fondamentaux des travailleurs africains, en particulier les Maliens. D’autant plus que tous les Etats du pourtour méditerranéen (Libye, Algérie, Tunisie, Mauritanie, Maroc) ont signé des accords avec l’Union Européenne pour ériger des murs infranchissables, moyennant de substantielles aides financières et sécuritaires, pour réprimer dans le sang les immigrés clandestins dont le crime est d’avoir cherché à vivre dignement dans d’autres pays.
Grand débat à Bamako
L’Europe, qui assume une grande responsabilité dans la misère du continent africain, a érigé des barbelés pour se protéger. Cela, dans le cadre de sa politique d’externalisation. Elle a choisi certains Etats comme la Libye, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie, pour faire le sale boulot de sous-traitant à sa place.
Cette grande mobilisation des associations françaises vient renforcer notre position dans nos précédents articles sur l’expulsion répétée des Maliens de la Libye. La seule l’année 2008, 420 Maliens ont été expulsés du sol libyen. Au cours de l’année 2009, 153 Maliens ont été rapatriés en septembre après avoir passé plusieurs mois de détention dans les prisons libyennes. La première vague de l’année 2010 a été les 149 rapatriés du début du mois de mai. Selon plusieurs proches de milieux des migrants, ils sont encore150 autres retenus en prison en attendant leur expulsion.
Cette journée de protestation organisée sur l’Ambassade de Libye en France se tenait au moment où une conférence-débat était organisée à Bamako au siège de l’Association malienne des expulsés (AME), en partenariat avec son collectif de soutien. Retransmise sur les ondes des radios « Kaïra I » et « Jekafo », cette rencontre a été marquée par le témoignage de plusieurs refoulés, qui affirment avoir été soumis (avant leur expulsion), dans les prisons libyennes, à de traitements inhumains et dégradants, en violation de la dignité et de la sensibilité humaines.
Plusieurs en sont morts. Parmi eux, on citera, entre autres, Modibo Keïta (natif de Kangaba, dans la région de Koulikoro) ; Abdoulaye Sangaré (de Sikasso) ; Kamissa Keïta (27 ans), originaire de Koulouninkoto, dans le cercle de Kita décédé le 21 août 2008. Quant à Salif Aly Traoré (32 ans), il est mort le 15 décembre 2009 par manque de soins, alors qu’en prison, il souffrait d’une maladie chronique. Quant à Adama Sidibé, (originaire de Dioïla, il est décédé à l’âge de 33 ans dans la même prison.
Beaucoup d’entre eux ont été traumatisés par la violence de la répression et la nature du régime carcéral, dont la privation de nourriture et d’assistance médicale pour les malades et les blessés. Ils continueront malheureusement de garder, pour le reste de leur vie, les séquelles physiques et psychologiques de ces violences.
Issa Fakaba SISSOKO