Aboubacar Eros Sissoko, Ecrivain malien en France : « Sarkozy veut refouler 25 000 sans papiers »

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Ecrivain et éducateur spécialisé chargé de jeunes en difficulté dans la ville d’Evry en banlieue parisienne, le jeune Malien Aboubacar Eros Sissoko savoure actuellement ses vacances d’été à Bamako. Un séjour qu’il a mis à profit pour enterrer sa vie de célibataire et peaufiner son dernier livre sur la légende de Bakaridjan et Bilissi. Dans une interview qu’il nous a accordée, il nous parle de ses œuvres, de la situation des immigrés et de ses projets futurs.

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Les Echos : Comment avez-vous eu l’idée d’écrire sur cette légende de Bakaridjan ?

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Aboubacar Eros Sissoko : L’année dernière, le ministre de la Culture, Cheick Oumar Sissoko, m’avait invité au Festival sur le Niger à Ségou. Cela m’a permis de découvrir la région et de m’intéresser à son histoire et à sa culture. Après le festival, j’y suis retourné pour faire des recherches sur la légende de Bakaridjan et Bilissi qui fera, d’ailleurs, l’objet de mon prochain livre intitulé “Bakaridjan, le fils rebelle de Ségou”.

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Les Echos : Quel message voulez-vous véhiculer en éditant cette vieille légende ?

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A. E. S. : D’abord, il faut dire que j’avais écrit sur la région de Kayes à travers les légendes de Bafoulabé Mali-Sadio et Mariama Kaba du Mali. Après, je me suis dit qu’il faut que j’aille dans d’autres régions qui sont toutes chargées par des légendes. J’ai entendu le Super Biton de Ségou chanter cette histoire de Bakaridjan. Ça m’a beaucoup perturbé et j’ai décidé d’aller à la source pour en savoir plus.

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Ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est que Bilissi a pu régner sur Ségou par sa laideur. C’est pour dire que, quoi qu’on soit dans la vie, on peut être défié. Aujourd’hui, quand je vois tous ces politiciens qui se mettent à la place de Dieu, je veux dire tout simplement que la jeunesse peut les bousiller. Quand on fait la politique, on doit avoir des projets. Dans le cas contraire, le peuple est en droit de vous regarder dans les yeux et vous devez lui rendre des comptes. Parce qu’il y a des gens, en Afrique, qui viennent au pouvoir pour régner sur le dos du peuple. Il ne faut pas accepter un tel pouvoir. C’est ce message que j’essaye de faire passer à la jeunesse. De la manière dont Bakaridjan a gagné sur Bilissi, la jeunesse peut gagner sur ces menteurs et ces voleurs.

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Les Echos : De l’écriture, vous vous retrouvez dans le cinéma aussi…

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A. E. S. : Je peux dire que c’est le cinéma qui est venu vers moi. Parce que le 1er février dernier, j’ai été invité sur une émission à Paris, « Des mots de minuit » sur France 2 et au moment où je parlais de mes livres, on a fait mon casting sur place. Le lendemain, à ma grande surprise, je me suis reveillé avec un coup de fil de BVNJ-Productions pour le 3e rôle d’un film « Un si beau voyage » du cinéaste tunisien Khaled Ghorbal. C’est ainsi que j’ai fais mon premier pas dans le cinéma et ça m’a beaucoup plu. Et en plus, ça paye bien.

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Les Echos : Et c’est ce qui vous a inspiré à adapter Mariama Kaba ?

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A. E. S. : C’est vrai que ça m’a beaucoup inspiré en tant que diplômé d’arts plastiques, communication multimedias de l’Ecole des beaux arts de Toulouse. A partir de ce film, j’ai décidé d’adapter Mariama Kaba. J’ai fais l’adaptation cinématographique pour un court métrage qui va être réalisé par Kora Films avec le soutien et les conseils du cinéaste Cheick Oumar Sissoko. Je suis en train de boucler le financement avec le Programme national de lutte contre l’excision, le ministère du Développement social et la Fondation pour l’Enfance où j’ai déposé des dossiers.

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Les Echos : Avez-vous d’autres projets pour le Mali ?

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A. E. S. : Je prépare un roman sur mon enfance qui n’a pas été du tout facile. Mon père Birama Sissoko, qui travaillait au ministère des Sports sous le président Modibo Kéita, a été un détenu politique. En 1968, après le coup d’Etat, j’ai grandi sans mon père pendant huit ans. Ce roman serait un message pour les pays africains, à savoir : arrêter des papa, c’est laisser aussi des enfants en souffrance. Faire le coup d’Etat, c’est aussi disloquer, tuer des familles, compromettre l’avenir de pauvres innocents. Et je crois que je vais intenter un procès contre X parce que j’ai été perturbé par l’absence de mon père.

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Les Echos : L’année dernière, vous avez lancé votre 3e livre à Bamako, “Chakozy”, un drôle de chat. Alors, comment a-t-il été accueilli en France ?

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A. E. S. : Il a été, à la fois, bien accueilli et compromis. D’abord, il y a eu de l’intimidation, des menaces d’emprisonnement à mon égard. Ils ne pouvaient pas, pour la simple raison que, je n’ai pas parlé de Nicolas Sarkozy. Mais de Chacozy et de chats. La France, il faut le reconnaître, est un pays d’expression.

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Par la suite, l’UMP a, d’ailleurs, essayé de m’approcher en me proposant un boulot. J’ai posé comme condition de laisser les Maliens sans papier travailler en paix. Le livre m’a valu également l’amitié de bon nombres d’hommes politiques français dont Segolène Royal, Anne Hidalgo, la 1re adjointe au maire de Paris, le député maire d’Evry, Manuel Valls, etc. J’ai choisi mon camp et je ne regrette rien.

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Les Echos : Parlant des sans papiers, comment jugez-vous, la situation des Maliens en France ?

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A. E. S. : D’abord, je dirai au gouvernement malien qu’il a tout interêt à aller récupérer les dûs des Maliens qui ont été refoulés. Parce que ce sont des gens qui côtisent à la retraite, aux allocations formation, reclassement. Ils ont des comptes à la banque parce qu’ils sont, pour la plupart, payés par virement. Quand on les prend, on les juge et on les expulse. Ils n’ont plus accès à leur argent. Ça fait des milliards de F CFA qui sont bloqués à la banque française et, au finish, cet argent est viré sur le compte du Trésor public français.

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Le gouvernement malien doit prendre toutes ses responsabilités pour récupérer les dûs des Maliens expulsés et parler avec les autorités françaises d’égal à égal. C’est une honte que la France se comporte ainsi et que les autorités maliennes restent silencieuses. Qui ne dit mot consent.

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Les Echos : Que pensez-vous de la politique d’immigration de M. Sarkozy ?

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A. E. S. : Je sais que Sarkozy veut refouler 25 000 sans papiers. Et beaucoup de Maliens sont ciblés. On ne peut pas maintenant mesurer l’effet de ces expulsions. Ils sont en train d’élaborer des lois. Ce qui est sûr, ça va être pire que sous Chirac. Certes, Sarkozy est en train de prendre des hommes de couleur dans des postes de responsabilité. Mais, au fond, sa politique de base va rester.

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Propos recueillis par Sidiki Y. Dembélé

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