Au moment où nous arrivions sur le lieu (aux environs de 11 heures), les manifestants, qui ont brûlé des pneus sur la route et posé des obstacles, avaient été dispersés à coup de gaz lacrymogène par la police, renforcée par des éléments de la garde nationale. Pourquoi cette montée de tension ? Qui sont les auteurs de la manif ? Réponses.
Pour en savoir davantage sur les raisons de cette révolte, nous avions approché le chef du quartier de Sébénicoro, Salia Sanogo, et le directeur de l’Agence citée, Mohamed Traoré. Selon le chef de quartier, Salia Sanogo, tout a commencé en juin 2000, quand l’Etat a affecté la zone (qui fait l’objet du litige) à IFA-BACO. Mais avant cette affectation, les lieux étaient déjà occupés par des personnes qui se sont installées avec l’autorisation du chef de quartier. Celui-ci leur avait vendu des lots à usage d’habitation. Et c’était avec l’aval d’un certain Ladji Kanté qui serait, en réalité, le propriétaire de la zone. Salia explique que c’est exactement en 1996 que lui et ses conseillers ont procédé au morcellement de l’espace concerné. « Nous avons vendu les lots et remis l’argent à Ladji. Personnellement j’ai eu deux lots» affirme-t-il. Et de poursuivre que c’est le 7 juin 2000 que les choses ont pris une nouvelle tournure suite à l’affectation de la zone à IFA-BACO. Cependant, précise-t-il, l’Etat avait pris le soin de compenser les parcelles saisies, en proposant aux victimes une zone de recasement à Banankoroni. Voilà qui n’a pas été du goût de certaines victimes et/ou propriétaires qui tiennent vaille que vaille à rester à Sébénicoro. Face à cette situation, l’Agence immobilière a proposé aux habitants d’acheter (à nouveau) les parcelles qu’ils occupaient. Et le tarif fixé n’était bien évidement pas à la portée de tous. « Certains ont acheté ; d’autres, pour ne pas partir, ont promis de le faire. Parmi ces derniers, il y a un monsieur qui, bien qu’il n’a rien payé depuis 2000 jusqu’à nos jours, s’agite aujourd’hui. Or les banques font pression sur IFA-BACO afin qu’elle lui rembourse ses sous. Ceux qui s’agitent n’ont pas respecté les clauses de l’accord. Ce n’est pas normal », explique Salia Sanogo.
Le chef de quartier pointe un doigt accusateur sur les différents maires qui se sont succédé à la tête de la mairie de la commune IV. Selon lui, ces maires, de Haïdara à Moussa Mara, en passant par Issa Guindo ; n’ont rien fait pour parachever le processus de recasement des victimes. « Si la mairie avait fait ce travail, en montrant à chaque déguerpi son lot à Banankoroni ou ailleurs, on en serait pas là » s’indigne le chef de quartier.
Ifa-baco se défend…
Les témoignages recueillis font croire que c’est l’Agence IFA-BACO qui a commis des forces de l’ordre pour chasser les manifestants. Loin de là, « ce n’est pas nous qui avions commis les forces de l’ordre », extorque le président directeur général, Mohamed Oumar Traoré. Selon lui, son agence n’est pas directement concernée par cette affaire. Cependant, il précise que la banque qui veut aujourd’hui occuper ses parcelles est bel et bien un client d’IFA-BACO. En effet, l’Agence a cédé à la BOA (banque concernée par cette affaire) des parcelles, en lieu et place du crédit que devait IFA-BACO à cette banque. D’ailleurs, elle n’est pas la seule. D’autres banques ont également choisi cette option afin de récupérer leur argent. Et l’Agence n’a pas manqué de signaler cette nouvelle donne à tous ceux qui occupaient encore illégalement les parcelles concernées.
Selon M. Traoré, le terrain en question appartenait à la commune IV avec laquelle, Ifa- baco a eu un contrat de promotion. « Après l’avoir viabilisé, on a vendu une partie à l’Etat qui en a fait des logements sociaux. On a vendu également des parcelles à des particuliers (des maliens de l’extérieur et de l’intérieur). La valeur de notre investissement est estimée à près de 22 milliards de francs CFA) », explique Mohamed Traoré. Qui précise que les personnes qui occupaient déjà ledit terrain ne détenaient ni lettre d’attribution et encore moins de titre foncier. « Qu’à cela ne tienne, nous avons fait, en collaboration avec la mairie de la commune IV et différents ministères, de sorte que les déguerpis aient une zone de recasement à Banankoroni. Aussi, il a été proposé à ceux qui tenaient à rester à Sébénicoro d’acheter les titres individuels de leur parcelle respective. Nous avons même proposé des prix largement en deçà des prix normaux fixés par l’Agence. Une dizaine a accepté cette offre. D’autres, par contre, l’ont rejeté et se sont constitués en association (Falakônô) et ont engagé des procédures judiciaires contre Ifa-baco. Mais, ils ont perdu tous les procès », a affirmé le PDG d’Ifa-baco.
Issa B Dembélé