A la rentre judicaire, le juge d’instruction de Yélimané, Idrissa Hamidou Touré, a été retenu pour animer la principale conférence dont le thème est “le rôle de la justice dans la consolidation de la paix au Mali”. Un sujet majeur et d’actualité à un moment où notre pays est engagé en faveur de la paix et la réconciliation.
C’est une foule des grands jours, avec en première ligne le président de la République, qui a assisté à la conférence inédite sur “le rôle de la justice dans la consolidation de la paix au Mali”, car c’est une des rares fois depuis la signature de l’accord de paix que la justice se prononce ouvertement sur sa mise en œuvre.
C’est pourquoi dira volontiers le juge Touré qu’interroger la justice sur son rôle dans la consolidation de la paix, c’est lui demander la part de responsabilité qu’elle doit jouer en tant qu’acteur institutionnel. Et d’expliquer “que la justice répond de la paix et est garante de sa consolidation”.
Le juge conférencier du jour ajoutera que face à une opinion publique exaspérée par les atrocités commises quotidiennement sous ses yeux (viols, flagellations, mariages forcés, assassinats gratuits), il est impératif de situer les responsabilités, d’établir la vérité et de faire justice aux victimes. Ce qui constitue, selon lui, un moyen sûr pour affermir la paix et jeter les bases solidesdu revivre ensemble. Et de s’interroger sur comment s’y prendre et concilier justice et réconciliation ?
Dans ce débat, a expliqué le juge, la problématique continue de faire son chemin et deux courants de pensées se confrontent. D’un côté, il y a les acteurs du droit international coutumier (ONU, les grandes ONG comme Human Right Watch ou Amnesty International) qui placent les poursuites judiciaires au cœur du processus de réconciliation.
D’un autre, se dressent ceux qui, sans favoriser l’impunité et partant des limites des poursuites judiciaires, pensent qu’il faille déplacer le centre de gravité de la réconciliation, des tribunaux vers des mécanismes extra-judiciaires de réparations des torts subis.
Vous dites bien poursuites !
Dans ce débat acharné, a souligné le conférencier, il y a le fait qu’une certaine opinion estime que des poursuites judiciaires peuvent avoir des effets déstabilisants sur un accord de paix.
“Les poursuites peuvent compliquer et même faire avorter d’importantes initiatives de désarmement-démobilisation et réintégration. Dans la mesure où les chefs de groupes armés ne permettraient pas le démantèlement de leurs groupes qui serait susceptible de mener à leur poursuite judiciaire”, a-t-il dit.
Et de préciser davantage : “Les poursuites judiciaires comportent des limites intrinsèques, car le plus souvent orientées sur les coupables et n’accordant pas aux victimes l’attention à laquelle elles ont droit afin de pouvoir guérir des injustices subies. C’est-à-dire que les procès identifient les culpabilités individuelles, pas les schémas des atrocités”.
Pourtant, l’un des objectifs de l’accord étant justement la réconciliation par la justice, il apparait, a insisté le juge, nécessaire d’inclure toutes les sensibilités au processus judiciaire en commençant d’abord par les victimes. Et au regard de ce défi, il a plaidé tout simplement en faveur d’une justice inclusive, pour une meilleure appropriation du processus.
Alpha Mahamane Cissé